Rejet de l’article ouvrant la PMA pour toutes : « Personne n’était satisfait hier soir », résume une sénatrice LR

Rejet de l’article ouvrant la PMA pour toutes : « Personne n’était satisfait hier soir », résume une sénatrice LR

Le rejet de l’article 1 du projet de loi de bioéthique sur l’extension de la PMA à toutes les femmes a fait l’effet d’un coup de théâtre au Sénat, un an après un vote positif sur le même sujet. La droite parle de « confusion » et la commission donne rendez-vous pour une seconde délibération.
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Séance agitée et confuse ce 2 février au Sénat, en deuxième lecture du projet de loi bioéthique. Le Sénat, à majorité de droite et du centre, a rejeté l’article 1 du texte ouvrant la procréation médicale assistée (PMA) à toutes les femmes (132 voix contre, 48 voix pour, 152 abstentions). En séance, les sénateurs ont dans un premier temps limité l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, en excluant les femmes seules. A la surprise générale, un amendement introduisant le principe de la PMA pour les femmes veuves (PMA post-mortem) a été adopté, lors d’un vote à main levée. Auparavant, un amendement similaire avait été rejeté lors d’un scrutin public, procédure qui permet de tenir compte des délégations de votes pour les parlementaires absents.

Au terme d’une soirée sous tension, l’article 1 – certes modifié – est finalement rejeté par une majorité de sénateurs (relire notre article). Le retentissement médiatique de la séance est d’autant plus important que le Sénat avait voté pour il y a un an en première lecture. Une nouvelle délibération interviendra dans la semaine, à la demande de la commission spéciale du Sénat, comme du gouvernement.

Dans les rangs du groupe LR, la séance risque de ne pas laisser des bons souvenirs. « Cela laisse un goût un peu bizarre à la fin de la séance », témoigne la sénatrice Corinne Imbert, l’une des rapporteures du texte, qui a voté en faveur de l’article 1. « Tel qu’il était issu de la discussion dans l’hémicycle, il ne se satisfaisait personne », explique-t-elle. Par le jeu des oppositions à l’extension de la PMA à toutes les femmes, mais aussi des abstentions – nombreuses à gauche, mais aussi présentes à droite et au centre – provoquées par les amendements introduits en séance, l’article a manqué d’une majorité de soutiens. Corinne Imbert estime que l’amendement sur la PMA post-mortem a été débattu dans la « confusion ».

« Il ne faut pas trop tirer d’arguments par rapport au vote d’hier car il y a eu une confusion »

La veille, Bruno Retailleau avait mis en cause les conditions du vote, organisé à l’approche de la suspension de séance. Plusieurs sénateurs manquaient à l’appel dans les travées. D’autres ont contesté le décompte des voix par le président de séance, le sénateur Georges Patient, membre de la majorité présidentielle. « Le président de séance s’est trompé dans l’annonce des votes », réagit ce matin le sénateur LR René-Paul Savary. « Cela crée un imbroglio. » Cette figure de la commission des affaires sociales, opposée à la PMA pour toutes, estime comme sa collègue citée plus haut, que mathématiquement il ne pouvait y avoir « que des gens mécontents ». « Il ne faut pas trop tirer d’arguments par rapport au vote d’hier car il y a eu une confusion. Il y a cette erreur d’interprétation d’un vote sur un amendement qui introduit un droit à la PMA post-mortem. Cela a particulièrement froissé un certain de nombre de personnes qui ont refusé l’article ne serait-ce qu’à cause de ça. »

Un sénateur LR absent des débats sur le projet de loi, par le système des délégations de vote, a lui aussi compris à distance que ces amendements allaient compromettre l’article 1 dans sa globalité. « Je l’ai vu arriver gros comme une maison », témoigne-t-il. Ce sénateur favorable à la PMA pour toutes estime que cette remise en cause du vote, arraché il y a un an, n’est pas de bon augure pour l’image de la haute assemblée et qu’elle ne reflète pas le travail de fond. « On laisse croire que le Sénat est conservateur, que l’on n’est pas progressistes. Il ne faut pas donner cette impression. La discussion parlementaire est honnête, non populiste, et repose sur des vraies préoccupations ou des interrogations qu’on peut avoir sur ces questions. » Une autre sénatrice LR expérimentée fait également part de son « regret » sur ce vote qui contraste avec « la position d’ouverture » exprimée il y a un an.

« On a le sentiment d’une assez grande cacophonie, mais c’est le cas »

« On a le sentiment d’une assez grande cacophonie, mais c’est le cas », reconnaît également Muriel Jourda (LR). Opposée à la PMA pour toutes, la sénatrice a qualifié le débat sur l’amendement de la PMA post-mortem d’ « incident de séance », ce matin sur notre antenne.

En attendant, les groupes d’opposition à la majorité sénatoriale n’ont pas ménagé la droite, depuis le retrait de l’article 1. « En un an la ligne Retailleau a ramené la droite à son passé traditionnel, conservateur, réac’ », a conclu la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. Le gouvernement n’a pas été tendre non plus. Le secrétaire d’Etat Adrien Taquet s’est demandé en séance si le vote n’était pas le signe « d’ambitions électorales présidentielles qui avancent masquées ».

Les sénateurs de droite assurent que la liberté personnelle de vote est respectée. « Il n’y a aucune pression de la part de Bruno Retailleau. Bien sûr, il a ses convictions, qui peuvent en influer certains, mais il n’y a aucun désaccord entre nous. On se respecte beaucoup », souligne la sénatrice Corinne Imbert. « Je ne crois pas aux arrière-pensées. Je reconnais en lui une grande tolérance et d’acceptation de votes différents. Il nous sollicite sur les votes pour savoir quelle est notre position. Il nous laisse notre libre arbitre », reconnaît le sénateur LR Jacques Grosperrin,

« Le rejet de l’article 1, n’est pas une position définitive du Sénat »

Face aux remontrances du ministre, la droite juge que le gouvernement ne peut pas être exempt de tous reproches non plus. « Le gouvernement aurait pu mettre le texte à l’ordre du jour plus tôt », tacle le sénateur René-Paul Savary. Le Sénat a en effet été renouvelé de moitié, entre les deux lectures. Corinne Imbert, rapporteure de la partie du projet de loi consacré aux innovations scientifiques, a peu goûté les allusions du gouvernement sur 2022. « Je peux lui renvoyer le compliment. Inscrire la PMA pour toutes dans une loi de bioéthique, alors que c’est un sujet sociétal, c’est uniquement pour répondre à une promesse présidentielle, c’est aussi un acte politicien. C’est quelque part une faute. »

La commission spéciale du Sénat travaillant sur le projet de loi doit se réunir à nouveau dans les prochaines heures, dans l’optique de la nouvelle délibération sur l’article. Muriel Jourda rappelle qu’avant que l’article 1 ne soit amendé en séance, les amendements réclamant sa suppression avaient été rejetés. « Ce qui existe, le rejet de l’article 1, n’est pas une position définitive du Sénat », rappelle-t-elle.

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