Rejet de la PMA : Bruno Retailleau accusé par la gauche de manoeuvrer en vue de la présidentielle

Rejet de la PMA : Bruno Retailleau accusé par la gauche de manoeuvrer en vue de la présidentielle

Dans la nuit de mercredi à jeudi, le Sénat a adopté le projet de loi bioéthique en rejetant l’article 1 sur l’ouverture de la PMA, le tout dans un climat de grande confusion. La gauche accuse Bruno Retailleau d’avoir manœuvré et d’avoir fait capoter le texte, pour servir ses ambitions présidentielles. Le malaise se fait aussi sentir dans les rangs des LR.
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Par Héléna Berkaoui

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De revirement en revirement, la révision de la loi bioéthique a suscité frustration et colère sur les bancs de l’opposition sénatoriale de gauche. Le projet de loi, adopté en seconde lecture dans la nuit de mercredi à jeudi, a été amputé de sa mesure phare : l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens et aux couples de femmes seules.

Le rapporteur du texte, Bernard Jomier (PS), n’y va pas par quatre chemins et se désole que « le Sénat, qui se fait habituellement remarquer par la qualité de ses travaux et son sens du consensus politique, sombre dans les méandres de la primaire des Républicains pour la présidentielle ». Dans son viseur : le patron de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau. Le sénateur de Vendée ne fait plus mystère de ses ambitions présidentielles et pousse depuis plusieurs mois à l’organisation d’une primaire au sein de son parti politique.

La sénatrice socialiste, Marie-Pierre de La Gontrie ne dit pas autre chose que son collègue : « La vie parlementaire va devenir compliquée si l’engagement public d’un président de commission n’est pas respecté. Après le président de la commission des lois, il y a une semaine, le président de la commission bioéthique hier… Un double effet Retailleau ? », interroge-t-elle sur son compte Twitter.

La sénatrice de Paris fait ici référence à deux épisodes qui ont agité la Haute assemblée. Le premier : le poste de corapporteure du projet de loi sur le séparatisme. Le président de la commission des Lois, François-Noël Buffet avait donné son accord de principe pour que ce poste échoue à la sénatrice socialiste avant que ce dernier ne rétropédale (lire ici).

Le deuxième : l’abandon pur et simple de l’adoption de l’article 1 du projet de loi bioéthique qui aurait pourtant dû faire l’objet d’une nouvelle délibération lors de l’examen du texte, hier. Mardi soir, le président de la commission spéciale sur le texte, Alain Milon, assurait publiquement que l’article 1, rejeté suite à un imbroglio, serait réexaminé. Mais dix minutes avant le vote du projet de loi, les sénateurs ont réalisé qu’il n’en serait rien. Pour la gauche, les contours de ce revirement ne laissent pas place au doute et le rôle du président du groupe Les Républicains relève de l’évidence. « Il a de fait, infligé au président de la commission de se déjuger », grince Bernard Jomier.

Au sein même du groupe LR du Sénat, des critiques se font entendre. Le sénateur LR de l’Hérault, Jean-Pierre Grand s’est ému de la tournure qu’ont pris les débats : « C’est une vraie victoire politique de La manif pour tous, leur poids au sein du groupe commence à poser problème ». Le patron du groupe LR ne cache d’ailleurs pas sa proximité idéologique avec les membres de ce groupe, lors de la séance, le sénateur de Vendée a largement repris leurs revendications. Rappelons que ces positions ne sont pas unanimes au sein des LR, le président de la commission spéciale, Alain Milon étant par exemple favorable à la PMA pour toutes, à la PMA post mortem et même à la GPA, même s’il fait figure d’exception.

Plus emblématique cette fois, la réponse à fleurets mouchetés du président du Sénat, Gérard Larcher (LR) lors de sa conférence de presse, ce jeudi. Pour rappel, Gérard Larcher s’était dit ouvert à l’ouverture de la PMA pour toutes, dans la forme du texte voté par le Sénat en 2019, c’est-à-dire en excluant cependant les femmes homosexuelles et les femmes seules, du remboursement par la Sécu.

« L’addition des voix de ceux qui voulaient généraliser la PMA et de ceux qui la refusaient dans son principe se sont additionnées, c’est ce qui a conduit au rejet de l’article 1. Je regrette un peu que le Sénat ait laissé passer la chance d’améliorer le texte, je le dis comme je le ressens […] Là, quelque part, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot et je ne suis pas certain que l’équilibre trouvé en 2019 soit retrouvé », a déploré le président du Sénat (voir la vidéo ci-dessus).

La corapporteure du projet de loi bioéthique, Muriel Jourda (LR), tempère quant à elle l’épisode. « Il ne s’est rien passé de plus cette année que l’année dernière dans les prises de position. Il n’y a pas de radicalisation particulière contrairement à ce que j’ai pu entendre, chacun assume les positions qu’il avait déjà », affirme-t-elle, assurant que les critiques entendues sont infondées (voir la vidéo ci-dessus).

Pour le principal intéressé, la cause des remous survenus lors de l’examen du projet de loi bioéthique est à aller chercher à gauche. « C’est le revirement de la gauche qui, contrairement à la 1ère lecture, a refusé de voter cet article 1, ce qui a modifié les équilibres antérieurs », écrit-il dans un communiqué. « La gauche peut bien tenter de refaire l’histoire, les faits sont têtus : chacun a pu voter en conscience au terme d’un débat apaisé et éclairé, la volonté de chacun a été respectée et le texte du Sénat préserve l’essentiel : la sécurité du droit de la filiation pour les enfants et l’éthique médicale », balaye encore Bruno Retailleau.

 

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