Pouvoir d’achat : le Sénat entame l’examen du projet de budget rectificatif

Pouvoir d’achat : le Sénat entame l’examen du projet de budget rectificatif

La chambre haute du Parlement démarre ce lundi l’examen en première lecture du projet de budget rectificatif, second volet des mesures de soutien au pouvoir d'achat des Français. Prévu sur deux jours seulement, le débat s’annonce expéditif. Adopté à l’Assemblée nationale le 27 juillet dernier, le texte prévoit la poursuite du bouclier tarifaire sur l'énergie et une remise carburant à 30 centimes le litre en septembre-octobre, la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires ou la suppression de la redevance audiovisuelle. Les discussions pourraient s’animer sur l’opportunité de taxer les « superprofits » des grands groupes.
Louis Mollier-Sabet

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Après des débats parfois heurtés, l’Assemblée nationale avait finalement adopté le projet de loi de finances rectificative (PLFR) dans la nuit du 26 au 27 juillet dernier. Le texte, prévoyant 20 milliards d’euros de mesures de soutien au pouvoir d’achat face aux tensions inflationnistes, a donc été transmis au Sénat dans la version telle que votée par l’Assemblée nationale. Il a été amendé par la commission des Finances et le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, ce jeudi après-midi, « en totale urgence », explique-t-il.

La faute, notamment, à un été parlementaire chargé, et à la nouvelle configuration parlementaire inédite obligeant les LR du Sénat et de l’Assemblée à se coordonner : « Cela n’a pas ressemblé aux procédures habituelles, en plus du dialogue habituel avec le gouvernement, on a dû faire une sorte de travail de commission avec une partie de la minorité à l’Assemblée nationale. On a eu la version définitive du texte mercredi, pour travailler dessus jeudi, il a fallu suivre presque en temps réel, cela ne laisse pas la même place à notre travail que par le passé. »

Le projet de loi de finances rectificative illustre ainsi toute l’ambiguïté de la nouvelle position de la droite au Parlement, et en particulier du groupe LR du Sénat, qui devient pivot indispensable du travail législatif, tout en devant composer à la fois avec le gouvernement et les collègues du groupe LR à l’Assemblée nationale.

  • Pas de remise en cause du compromis déjà trouvé à l’Assemblée sur le prix des carburants

Ce fragile équilibre avait déjà transparu dans l’examen du projet de loi sanitaire au Sénat, et fait que « l’essentiel des mesures sorties de l’Assemblée nationale » pour lutter contre l’inflation ne sera pas « remis en cause » par la majorité sénatoriale, explique Jean-François Husson. Le rapporteur général cite notamment toutes les mesures destinées à lutter contre l’augmentation des prix de l’énergie, comme la remise de 30 puis 10 centimes à la pompe, ou bien le bouclier tarifaire prolongé jusqu’en décembre : « Sur certains points, on n’avait pas du tout la même ligne de conduite, mais le gouvernement non plus. Un accord a été trouvé, les Français n’attendent pas de nous qu’on le détricote. »

Mais sur le fond, le rapporteur général du budget appelle à « mettre les quatre derniers mois de l’année à profit pour proposer un dispositif plus efficient qui n’arrose pas tout le monde de la même manière. L’accord est ce qu’il est, mais ça coûte très cher et il y a une part de perte parce que l’aide n’est pas ciblée. » Plus généralement, Jean-François Husson plaide pour un changement dans les orientations macroéconomiques et budgétaires du gouvernement : « Il faut de la dette productive, qui permet d’investir, et pas de distribuer des chèques aveuglément. Là, il n’y a pas de stratégie pour la balance commerciale et nos comptes publics. »

  • « Encourager la valeur travail » : hausse du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires à 7500 euros

Le rapport de Jean-François Husson adopté ce jeudi par la commission des Finances entend ainsi « prendre le pari d’encourager la valeur travail », en rendant pérenne la hausse à 7 500 euros du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires - aujourd’hui fixée à 5000 euros et que la version de l’Assemblée nationale proposait d’augmenter à 7000 - et en permettant aux employeurs de « monétiser les RTT. » « La logique ce n’est pas de continuer à être dans un carcan des 35h qui sont devenues des contraintes plus encore aujourd’hui. Des gens sont prêts à travailler plus pour avoir un meilleur niveau de vie, mais ils sont bridés », explique le rapporteur général du budget.

  • Redevance audiovisuelle : la commission des Finances temporise

Sur la redevance audiovisuelle, le Sénat – que ce soient la majorité sénatoriale ou la gauche – n’a jamais caché son opposition au projet de suppression pure et simple du gouvernement, poussant pour une refonte de la contribution à l’audiovisuel public. Jean-François Husson avait d’ailleurs déjà qualifié le dispositif du gouvernement de « copie bâclée », mais ce budget rectificatif n’était pas le lieu pour mener cette réforme. Toutefois, face à ce « cadre imparfait », la commission des Finances n’a pas renoncé à « mener une réforme » sur la redevance. Elle propose ainsi de « borner » la solution du gouvernement – l’affectation d’une fraction de la TVA au financement de l’audiovisuel public – au 31 décembre 2024, tout en créant une commission indépendante qui devra proposer un projet de réforme de la redevance, comme le préconisait le rapport de Roger Karoutchi (LR) et Jean-Raymond Hugonet (LR).

  • Soutien aux collectivités : triplement des collectivités bénéficiaires

L’Assemblée nationale avait déjà intégré 120 millions d’euros pour compenser la hausse de 4 % du RSA, versé par les départements, et 180 millions pour compenser la hausse des coûts de l’énergie et le dégel du point d’indice qui représentent des coûts très importants pour les collectivités. La commission des Finances du Sénat a tout de même tenu à « renforcer le soutien aux collectivités territoriales, parce qu’elles sont en première ligne aux côtés des Français », en « améliorant » le dispositif imaginé à l’Assemblée. Jean-François Husson propose ainsi des critères d’éligibilité plus souples pour les communes, qui tripleraient le nombre de collectivités bénéficiaires de ce soutien, soit de 5 000 à environ 15 000, tout en se défendant d’aider des communes mal gérées : « Il y aura peut-être des cas particuliers qui passeront au travers de ce dispositif, qui pourra d’ailleurs être amélioré lors de l’examen en séance. Mais il faut être au bon niveau de réponse et être au rendez-vous pour les collectivités. S’il y a des problèmes sur quelques cas particuliers, on est au mois d’aout, le budget arrive en octobre / novembre, on pourra rectifier. »

  • Superprofits, carte vitale biométrique : des surprises lors de l’examen du texte en séance ?

Mais après l’examen du texte en commission, il reste l’examen en séance. Et certains débats s’annoncent houleux, et surtout, une fois n’est pas coutume, assez incertains. Un peu sur le modèle du vote à propos de la hausse de 4 % du RSA qui s’est tenu jeudi soir, où le groupe LR a été mis en minorité par la gauche et les centristes, la droite sénatoriale pourrait se retrouver un peu esseulée au moment des débats de la taxe sur les superprofits. Sylvie Vermeillet a en effet déposé un amendement au nom du groupe centriste pour créer une « contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits », calculée sur l’écart entre le bénéfice net « normal » des années 2017, 2018 et 2019 et celui de 2021, en taxant la différence à hauteur de 20 % si elle est trop importante. Proposition qui a déjà reçu une fin de non-recevoir de Bruno Le Maire qui s’y est opposé hier.

Pour Jean-François Husson, une telle taxe ne correspondrait pas à « la ligne de conduite » de la droite sénatoriale, estimant, lui aussi, que « chacun doit prendre sa part de responsabilité dans la crise » : « Je pense que les entreprises privées doivent regarder de quelles manières elles contribuent à l’effort collectif, c’est à elles aussi d’innover, d’inventer et de montrer qu’il y a une mobilisation collective et générale. Je ne crois pas que cette mobilisation générale passe par des taxes, mais plutôt par la recherche de solutions nouvelles et temporaires. » Le rapporteur général du budget évoque aussi des problèmes techniques de calibrage de la mesure, qui, en l’état, ne précise pas de bénéfice net minimal pour l’application de la taxe : « Imaginez que cette année certains céréaliers fassent une bonne moisson, après trois mauvaises années. Ils vont passer à la caisse ? »

Sur un tout autre sujet, l’amendement déposé par Bruno Retailleau, et qui sera donc discuté la semaine prochaine en séance, a pu attirer l’attention. Le Président du groupe LR au Sénat propose de mettre en place un système de « cartes vitales biométriques » pour lutter contre la fraude sociale, qui pourrait atteindre « jusqu’à 6 milliards d’euros » sur les cartes vitales surnuméraires, d’après le sénateur de Vendée. Bruno Retailleau propose de financer cette réforme par l’annulation de 20 millions d’euros de crédits à l’Aide médicale d’Etat (AME), permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de l’accès aux soins. Une initiative qui devrait être soutenue par la commission des Finances en séance. « On sait qu’il y a de la fraude, il faut la traquer partout, comme on le fait avec la fraude fiscale. Il n’y a pas de raisons de grever les comptes sociaux de la France. »

Le projet de loi de finances rectificative sera examiné en séance à partir de lundi 1er août prochain.

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