Réouverture progressive : « La vaccination ne fera pas tout », prévient Jérôme Marty

Réouverture progressive : « La vaccination ne fera pas tout », prévient Jérôme Marty

Le chef de l’Etat tient, ce jeudi, une réunion pour examiner les protocoles de réouverture progressive des terrasses de cafés et restaurants, ainsi que de certains lieux culturels. Pour le président du syndicat de médecins UFML, il faut développer les autotests et l’aérosolisation à côté de la campagne vaccinale.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Alors que la barre symbolique des 100 000 morts du covid a officiellement été franchie ce jeudi, l’horizon d’un retour à la vie normale demeure incertain. Ce soir pourtant, Emmanuel Macron réunit une partie du gouvernement pour discuter de la réouverture progressive et sous contrôle des terrasses de cafés et restaurants, ainsi que de certains lieux culturels à la mi-mai.

Lors de ses annonces le 31 mars, Emmanuel Macron assurait que « dès la mi-mai, nous recommencerons à ouvrir avec des règles strictes certains lieux de culture », ainsi que les autres lieux accueillant du public. Hier, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, déclarait de façon moins définitive que la date du 15 mai faisait « partie des hypothèses », tout en soulignant que les décisions seraient prises au regard de la circulation du virus.

Malgré les restrictions sanitaires et la campagne de vaccination, les chiffres ne sont pas bons. Dans son dernier point épidémiologique, Santé publique France affirme que les indicateurs restent à un niveau élevé même s’ils progressent moins fortement. Le nombre hebdomadaire d’admissions de patients atteints du covid est, lui, toujours en augmentation. On dénombre 30 700 personnes hospitalisées au 6 avril dont 5 644 patients en soins critiques. Le nombre de cas de nouvelles contaminations atteint les 43 505 au 14 avril.

« Avec la cinétique, ce n’est pas possible qu’on soit à 5 000 cas par jour début mai. Il faudrait que le nombre de cas se divise par 2,5 par semaine. On n’y est pas du tout », constate le sénateur socialiste et médecin de formation, Bernard Jomier. Pour mémoire, le seuil 5 000 cas de contaminations par jour était l’objectif fixé par le président de la République pour sortir du deuxième confinement. « On ne va pas arriver à écraser la courbe d’ici là, abonde le docteur Jérôme Marty. On va certainement lever certaines restrictions à 20 à 30 000 cas de contaminations par jour », pressent le président du syndicat de médecins UFML (Union française pour une médecine libre).

La réouverture progressive et contrôlée des lieux accueillant du public dépendra là aussi des objectifs fixés par l’exécutif. « J’ai commencé à voir que l’Elysée faisait fuiter dans la presse que les données épidémiologiques ne sont pas les plus fiables… C’est une façon de préparer à ce qu’ils allègent les mesures, même si l’épidémie est encore à un niveau élevé », croit le sénateur de Paris, Bernard Jomier.

Pour autant, la réouverture des terrasses ou des lieux de culture est souhaitable pour le sénateur. La mission d’information sur les conséquences de la crise sur les lieux culturels, qu’il préside, invite même à une levée des fermetures « dans les plus brefs délais ».

« Il n’y a pas de raison d’empêcher les activités qui ne représentent pas de risque particulier, même si le virus circule à un niveau élevé. On peut imaginer rouvrir les bars et restaurants uniquement en extérieur, où le risque est très faible. Pour la vie culturelle, on connaît les protocoles qui permettent d’avoir un risque extrêmement faible dans les cinémas, les musées ou les théâtres, comme on l’a expliqué avec la mission d’information », expose Bernard Jomier.

Jérôme Marty se montre, lui aussi, favorable à réouverture des lieux découverts : « Aucun départ de contamination de masse n’est observé à l’extérieur, les terrasses auraient dû être ouvertes depuis bien longtemps ». Pour le médecin, « il y a une incompréhension totale des modes de transmission du virus. Mettre les tables à distance de 3 à 10 mètres ou des plaques de plexiglas, ça ne changera rien si l’air de la pièce n’est pas renouvelé. Il faut travailler sur les flux d’air, s’équiper en détecteur de CO2 et purificateurs d’air ». Ainsi l’ouverture des cinémas, théâtre et musées, lui apparaît également possible « à condition d’une aération poussée », des pistes aussi envisagées par la mission d’information (lire ici). La levée de l’interdiction des déplacements interrégionaux ne représente pas non plus un obstacle à ses yeux, « chaque fois qu’il y a eu de gros déplacements, il ne s’est rien passé, ce n’est pas gênant ».

« L’aérosolisation, l’aération et les autotests sont les deux blocs à développer à côté de la vaccination », insiste le président du syndicat de médecins UFML tout en regrettant que le gouvernement ne communique pas suffisamment là-dessus. Alors que les taux de contamination sont particulièrement élevés sur les lieux de travail, le médecin préconise aussi l’usage de l’autotest deux fois par semaine. « La vaccination ne fera pas tout », prévient-il.

« C’est une erreur de tout miser sur le vaccin », abonde Bernard Jomier. « C’est prendre un risque élevé et c’est un nouveau pari qui risque de mener à un relâchement sur d’autres mesures pour freiner la circulation, qui seraient inopérantes », redoute le sénateur socialiste tout en rappelant qu’une circulation accrue du virus induit aussi le risque de l’apparition d’un nouveau variant.

Dans le cadre de la mission d’information, le sénateur de Paris entend poser une autre question dans le débat public : « Est-ce qu’on reste sur la même stratégie, ou bien faut-il une stratégie de circulation minimale ou une stratégie zéro covid ? Cela doit être un débat du mois de mai/juin et il ne doit pas être mené seulement par le chef de l’Etat et quelques personnes. Il faut demander l’avis des acteurs économiques, des syndicats et du Parlement. Avec la mission, on travaille sur la question de l’adaptation territoriale. Il y a un questionnaire envoyé aux élus, qui est en cours de recueil », indique Bernard Jomier.

Lui aussi médecin de formation, le sénateur LR, René-Paul Savary, insiste sur la nécessité d’anticiper au maximum une réouverture. « Il faut l’envisager avec des mesures strictes, une bonne organisation et des protocoles. Je suis partisan d’ouvrir sous conditions avec des contrôles a posteriori », précise-t-il. Le sénateur LR de la Marne appuie lui aussi sur l’importance de s’activer au-delà de la campagne vaccinale. « Il faut avoir une lecture dynamique des courbes notamment avec la surveillance de la circulation du virus dans les eaux usées, c’est un témoin prédictif qui n’est pas suffisamment pris en compte », explique René-Paul Savary.

Emmanuel Macron devrait s’adresser aux Français pour préciser son calendrier de déconfinement d’ici à la fin du mois. Si aucune épidémie n’a fait autant de morts depuis la grippe espagnole, la pandémie affecte considérablement l’économie laissant des secteurs entiers exsangues comme l’hôtellerie ou la restauration. Aussi pour l’ensemble du spectacle vivant, musical et de variété, la perte de chiffre d’affaires pour l’année 2020 s’élève à 2,3 milliards d’euros. Pour les cinémas, il est d’un milliard d’euros et de 217 millions d’euros pour les musées. « Ce sera une levée des restrictions économiques, le gouvernement aujourd’hui n’a plus les moyens de les soutenir », interprète Jérôme Marty.

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