Répression en Iran : des sénateurs réclament un durcissement des sanctions contre Téhéran

Répression en Iran : des sénateurs réclament un durcissement des sanctions contre Téhéran

Lors d’une conférence sur la situation en Iran mardi 29 novembre au Sénat, les sénateurs Bruno Retailleau et Annick Billon ont annoncé une résolution sénatoriale en soutien au peuple iranien.
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Par Lola Scandella

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« Femme, vie, liberté ! ». En Iran, ce slogan résonne toujours dans les manifestations. Malgré la réponse sanglante que leur oppose un pouvoir religieux ultraconservateur, une jeunesse éprise de liberté et révoltée contre un système discriminant pour les femmes persiste à exiger des changements.

Mardi 29 novembre, le Sénat a rappelé son soutien à ce mouvement lors d’une conférence sur le sujet organisée à l’initiative de Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains (LR) et président du groupe de liaison et de solidarité avec les chrétiens et les minorités du Moyen-Orient, et d’Annick Billon, sénatrice centriste et présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Une résolution sénatoriale pour demander des sanctions supplémentaires contre le régime iranien

Pour le Sénat, c’est une manière de « rendre hommage au courage exceptionnel des femmes iraniennes et du peuple iranien », a expliqué Bruno Retailleau lors d’une conférence de presse en amont de l’évènement. L’objectif est aussi d’adresser un message « à la communauté internationale et au gouvernement pour durcir les sanctions » à l’encontre du pouvoir en place en Iran. S’il a salué comme « un signe fort » la résolution adoptée lundi à l’Assemblée nationale en soutien au peuple iranien, le sénateur LR a insisté sur la nécessité « d’aller plus loin » et « de renforcer les sanctions sur les commanditaires de la répression », notamment à travers un gel de leurs avoirs. « Nous présenterons une résolution » en ce sens, a-t-il ajouté, précisant qu’il souhaitait « une initiative transpartisane », invitant tous les groupes politiques à rejoindre les réflexions.

Autre sujet sur lequel ont voulu insister les sénateurs : la présence de l’Iran au sein de la commission des Nations unies sur la condition des femmes. « Inconcevable », pour Bruno Retailleau. « La communauté internationale doit envoyer un signal fort et unanime pour soutenir le peuple iranien », a renchéri la sénatrice centriste Annick Billon, exhortant la France « à exiger le retrait de l’Iran » de cette commission, comme l’ont déjà fait le Canada et les Etats-Unis. « La Délégation aux droits des femmes et le Sénat sont aux côtés du peuple iranien, les exactions doivent cesser », a-t-elle martelé.

« Cauchemars » de la répression

La conférence, organisée quelques jours après l’initiative de la sénatrice centriste Nathalie Goulet, qui avait invité les sénateurs à poser dans une vidéo en soutien aux opposants mardi 22 novembre, a été l’occasion de faire le point sur la situation du pays. La mort de la jeune femme Mahsa Amini le 16 septembre, assassinée par la police des mœurs pour quelques mèches de cheveux dépassant de son voile, a provoqué une vague sans précédent de contestations.

Nourries de revendications féministes, les Iraniennes s’élevant courageusement contre le système patriarcal brutal qu’elles subissent quotidiennement, le mouvement s’est élargi à des revendications économiques et a également pris une dimension identitaire, les régions kurdes d’où est originaire Mahsa Amini étant particulièrement touchées par la répression du régime. Ce dernier a lui-même reconnu lundi 28 novembre qu’au moins 300 personnes ont perdu la vie depuis le début des contestations. Le lendemain, une nouvelle estimation de l’association Iran Human Rights, basée en Norvège, faisait, elle, état d’au moins 448 tués depuis le mois de septembre (lien en anglais), dont 60 enfants.

Les femmes « sur le devant de la scène contestataire »

Devant les sénateurs, des hommes et des femmes, anciennement détenus en Iran, ont témoigné de la répression qu’ils ont subie pour avoir osé contrevenir aux implacables règles religieuses qui régissent à marche forcée la vie des Iraniennes et des Iraniens. Harcèlement, passage à tabac, viol… la liste des exactions qu’ils ont dénoncées est longue et glaçante. Arrêtée à 15 ans parce qu’elle jouait à la balle avec des garçons de son âge, l’une des témoins auditionnés a ainsi évoqué ses « cauchemars » encore peuplés « des hurlements d’une femme fouettée » dans une cellule voisine pour une relation jugée « illicite » par le pouvoir.

Si les femmes ont pris part à des mouvements de contestations antérieurs, notamment en 1979 ou en 2009, elles sont aujourd’hui « sur le devant de la scène contestataire », a souligné devant les sénateurs Azadeh Kian, professeure de sociologie et directrice du Centre d’enseignement, de documentation et de recherches pour les études féministes. « Pour la première fois, je pense que les hommes [qui les ont rejoints NDLR] ont compris que c’est une révolution des femmes contre un islam politique », a-t-elle ajouté.

>> Lire aussi : Droit des femmes, répression, « otages d’État »… Quatre questions pour comprendre la situation en Iran

« Crime contre l’humanité »

« N’hésitez pas à montrer que vous êtes là, que vous les soutenez », a exhorté Hirbod Dehghani-Azar, avocat d’origine iranienne en droit international, invitant les sénateurs et le reste des Français à exprimer leur solidarité, notamment via internet. Que peuvent faire les parlementaires pour aider le peuple iranien ? La question a évidemment été posée lors des échanges. « Ils peuvent se faire l’écho de ce combat, recueillir les preuves [des exactions menées NDLR], sanctionner les coupables », a énuméré l’avocat. « Utopiste » autoproclamé, il rêve également « d’une saisine de la cour pénale internationale par la France, pour pouvoir mettre en œuvre de réelles sanctions ».

« Il ne fait pas l’ombre d’un doute aujourd’hui que l’ampleur des crimes commis contre la population est constitutive d’un crime contre l’humanité », a renchéri l’avocat en droit international Richard Sedillot. « Le crime de génocide pourra éventuellement être discuté, notamment à l’encontre de la population du Kurdistan et du Balouchistan », a précisé ce spécialiste des questions liées aux droits humains. Et l’avocate iranienne et prix Nobel de la Paix Shirin Ebadi de conclure devant les sénateurs : « Nous vous serions reconnaissants de vous placer du bon côté de l’Histoire ».

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