Retour des enfants de djihadistes : Éric Dupond-Moretti défend une position conciliant « humanité et grande prudence »
15 jours après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ne pas avoir justifié son refus de rapatrier deux Françaises djihadistes et leurs enfants détenus en Syrie, Éric Dupond-Moretti était auditionné au Sénat. Le ministre de la Justice a défendu une position « parfaitement équilibrée » et indique que 225 enfants de djihadistes ont été rapatriés.

Retour des enfants de djihadistes : Éric Dupond-Moretti défend une position conciliant « humanité et grande prudence »

15 jours après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ne pas avoir justifié son refus de rapatrier deux Françaises djihadistes et leurs enfants détenus en Syrie, Éric Dupond-Moretti était auditionné au Sénat. Le ministre de la Justice a défendu une position « parfaitement équilibrée » et indique que 225 enfants de djihadistes ont été rapatriés.
Simon Barbarit

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« Combien de Français, et parmi eux, combien d’enfants peuvent demander leur rapatriement sur le territoire national depuis le nord de la Syrie ? Quelle sera la doctrine du gouvernement ? » Le président de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet a résumé les deux points sur lesquels était attendu le garde des Sceaux auditionné sur les « revenantes » du djihad.

Il y a 15 jours, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme à ce titre. La juridiction européenne reproche à la France de ne pas voir motivé son refus de rapatrier des familles de djihadistes en Syrie. « En exécution de son arrêt, elle précise qu’il incombe au gouvernement français de reprendre l’examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l’entourant des garanties appropriées contre l’arbitraire ».

« La position de la France est parfaitement équilibrée »

La cour était saisie par deux couples de Français qui avaient demandé, en vain, à la France le rapatriement de leurs filles, deux jeunes femmes compagnes de djihadistes, et de leurs trois petits-enfants.

« La position de la France est parfaitement équilibrée. L’arrêt de la Cour européenne du 14 septembre ne remet pas en cause cet équilibre », a assuré le ministre. « Les engagements internationaux de la France en matière de protection des droits de l’Homme, n’imposent pas à celle-ci de procéder au rapatriement des personnes détenues dans le Nord Est syrien », a-t-il ajouté en rappelant que la « France n’avait pas attendu cet arrêt » et avait rapatrié depuis 2019 77 enfants depuis les camps syriens.

Si l’Etat n’est pas contraint de récupérer ses ressortissants, quelle est la doctrine française en la matière ? Le sénateur LR, Stéphane Le Rudulier fait la comparaison avec d’autres Etats européens. « Il y a un risque de prosélytisme dans le milieu carcéral […] Le Royaume-Uni a retiré la nationalité et interdit le retour de plus de 150 djihadistes, le Danemark est sur la même trajectoire. N’est-il pas temps de faire de même. Doit-on considérer ces femmes djihadistes comme des Françaises ? », a-t-il demandé.

« Notre doctrine c’est de ne rapatrier que ceux qui veulent »

« Les victimes sont là-bas et il n’y a rien d’anormal à ce que les ressortissants français soient jugés sur place », a répondu Éric Dupond-Moretti avant de préciser : « La ligne rouge qu’on n’essaye de ne pas dépasser, c’est l’exécution d’une peine de mort parce que, qu’on le veuille ou non, ils sont Français. Notre doctrine c’est de ne rapatrier que ceux qui veulent ».

Plusieurs élus ont souhaité savoir combien de Français étaient encore incarcérés sur l’ancien territoire de Daesch. « Aux alentours de 200. Pour les enfants, c’est encore plus compliqué car certains sont nés sur place et n’ont pas d’état civil donc ils ne sont pas répertoriés chez nous ».

Comme il l’a rappelé « la menace liée au retour de ces djihadistes en Europe est réelle ». Raison pour laquelle, le parquet national antiterroriste (Pnat) ouvre systématiquement une procédure de chef d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste « dès qu’il a connaissance du départ ou du maintien sur zone postérieure aux attentats de janvier 2015 ».

Rappelons que la loi du 30 juillet 2021  introduit, pour une durée d’un an, des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) pour les ex-détenus condamnés pour terrorisme.

En matière pénale, les femmes sont traitées comme les hommes, « sauf à démontrer un élément de contrainte ». En juillet dernier, 16 femmes de retour sur le territoire ont toutes été incarcérées et mises en examen. « Depuis fin septembre, 129 revenants de zone irako-syrienne, dont 51 femmes sont incarcérées dans les établissements susceptibles d’accueillir les publics terroristes islamistes femmes […] dans des quartiers spécialisés par des personnels spécialement formés », a-t-il rappelé.

Pour la prise en charge des enfants, le garde des Sceaux a loué une position conciliant « humanité et grande prudence », rappelant qu’ils avaient été « endoctrinés dès le plus jeune âge et avaient tous vécu des expériences traumatisantes ». « La France accueille 225 mineurs, dont 217 ayant séjourné en zone irako syrienne ».

Leur suivi conjugue mesures éducatives pour 188 d’entre eux. 11 ont fait l’objet d’une procédure pénale du chef d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, compte tenu de leur âge.

Le ministre a profité de cette audition pour fustiger « les faux experts qui débitent des Yakafokon, les choses sont difficiles ». « Entre les rodomontades que l’on peut lire dans les gazettes et la réalité de terrain, il y a une nuance ».

 

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