Retraites : « C’est le Parlement qui décidera », rappellent les sénateurs

Retraites : « C’est le Parlement qui décidera », rappellent les sénateurs

Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, n’a présenté que des recommandations. De nouveaux échanges s’engagent avant l’écriture du projet de loi, mais les sénateurs répètent que la décision reviendra aux parlementaires. Le sénateur René-Paul Savary souligne qu’il subsiste encore beaucoup de « zones d’ombre ».
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Fruit de 18 mois d’échanges, la copie du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a été dévoilée aux partenaires sociaux et au gouvernement, ce jeudi (lire notre article). Dans le système universel voulu par le président de la République, au sein duquel seraient refondus les 42 régimes de retraite, et où les droits seraient calculés sur l’ensemble d’une carrière, au moyen de points et non plus d’annuités, une recommandation centrale se dégage. Partir avec un taux plein ne sera possible qu’à partir d’un âge pivot (64 ans en 2025), en dessous duquel les pensions seront affaiblies. Et inversement, en faisant valoir ses droits plus tard.

« De prime abord, pourquoi pas », a réagi le sénateur LR René-Paul Savary. Lors du dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), son groupe avait poussé à un recul de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans (au lieu de 62), pour équilibrer les comptes, sans jouer sur le niveau des pensions. Mais le diable se niche dans les détails. « Avec quel montant ? Est-ce que cela suffira ? » s’interroge le spécialiste de ces questions à la commission des Affaires sociales du Sénat.

Sa collègue Monique Lubin, socialiste, est aussi d’avis que toutes les réponses ne sont pas sur la table, notamment sur la valeur du point en euros. « Tout est à faire. Ce rapport donne un certain nombre de pistes, on peut donner quitus de la concertation menée, mais c’est le Parlement qui va décider, et le gouvernement qui va proposer. »

« Je pense qu’il y aura assez peu de perdants », promet le sénateur LREM Martin Lévrier

La sénatrice des Landes rappelle qu’une accélération de la réforme 2014 était envisagée dans le prochain PLFSS. Dès cet automne. « Il y a une valse-hésitation. On sait parfaitement qu’au sein du gouvernement, il existe un certain nombre de ministres qui voudraient être plus radicaux. » Bercy – et ses deux ministres issus de la droite – est ici montré du doigt.

Pour le sénateur (La République en marche), Martin Lévrier, les critiques sur ce bonus-malus instauré autour de l’âge de 64 ans est un faux procès. « Aujourd’hui la moyenne des gens qui partent à la retraite, c’est de l’ordre de 64 ans. 63,6 mois. On retrouve la même logique », affirme-t-il, précisant que l’écart existe déjà actuellement entre un départ à 62 ans, et celui à 67. « Il n’y a pas de risque d’automne social pour une deuxième raison : il y a eu une concertation. » Et de conclure, sur son sentiment : « Individuellement, je pense qu’il y aura assez peu de perdants ». Certains en doutent. « Il faudra faire les comptes », prévient René-Paul Savary.

« Je pense qu’il y aura assez peu de perdants », promet le sénateur LREM Martin Lévrier
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« Je pense qu’il y aura assez peu de perdants », déclare le sénateur LREM Martin Lévrier

« Nous sommes dans l’hypocrisie la plus complète », dénonce la socialiste Monique Lubin

« Il y a aura des gagnants et aussi des perdants » : Jean-Paul Delevoye l’a précisé plus tôt dans la matinée. C’est sans doute le prix à payer pour une réforme où les « mots d’ordre » sont « l’équité et la justice », selon l’intervention d’Agnès Buzyn cet après-midi lors des questions d’actualité au Sénat. René-Paul Savary et Monique Lubin, membres d’une mission sur l’emploi des seniors, craignent que les quinquagénaires et les sexagénaires payent les pots cassés. « La moitié de ceux qui liquident leur retraite ne paie plus de cotisations au moment de leur départ. Il faut véritablement faire des propositions pour maintenir ces personnes dans l’emploi », insiste René-Paul Savary.

Alors que le patronat a plutôt bien accueilli les recommandations, certains syndicats comme la CGT et Force ouvrière appellent à premier lieu à modifier les politiques économiques, pour mettre fin aux carrières hachées. « Nous sommes dans l’hypocrisie la plus complète », lâche sa collègue Monique Lubin. « Le représentant du Medef dit qu’il faut travailler plus longtemps mais, dans le même temps, ils ne font aucun effort pour garder des salariés au-delà de 55 ans. »

Retraites : « Nous sommes dans l’hypocrisie la plus complète », dénonce Monique Lubin (PS)
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« Nous sommes dans l’hypocrisie la plus complète », dénonce Monique Lubin (PS)

Craignant un saut dans « l’inconnu », la succession de ses questions à la ministre de la Santé au Sénat n’a pas trouvé de réponses précises. « Il ne s’agit à ce stade que de recommandations, elles serviront de base à la concertation », a opposé la ministre.

« Le Sénat a travaillé sur des systèmes par points depuis longtemps »

Modalités précises des nouvelles pensions de réversion pour les veuves et les veufs, fiscalité des retraites, avenir des cotisations des fonctionnaires après prise en compte des primes pour la retraite, gouvernance du système, ou encore mutualisation des fonds de réserve : René-Paul Savary dresse lui aussi une longue de liste de points concrets à éclaircir. « Le Parlement, je vous assure, sera attentif à différentes choses […] Il y a suffisamment de zones d’ombre pour être moins optimiste que ce qu’on a entendu tout à l’heure. »

Être pointilleux n’empêche pas d’être constructif à l’égard du gouvernement. La majorité sénatoriale pourrait accueillir plutôt favorablement l’architecture de la réforme. « Il y a des sujets sur lesquels, au niveau de la majorité sénatoriale je pense qu’on peut être d’accord sur la conception du système. Le Sénat a travaillé sur des systèmes par points depuis longtemps. Maintenant c’est dans les modalités, qu’il faudra des propositions », résume René-Paul Savary.

Avant l’entrée en application de la réforme en 2025, le sénateur, rapporteur de cette thématique dans les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, n’exclut pas de nouveaux ajustements paramétriques. « Il manque 10 milliards d’euros. Il faudra bien prendre des mesures ! »

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