Retraites : députés et sénateurs trouvent un accord sur un texte commun en commission mixte paritaire
Les sept députés et sept sénateurs réunis en CMP ont trouvé un accord sur un texte commun pour la réforme des retraites. Le point essentiel de l’accord porte notamment sur le CDI senior et les carrières longues. Il reste maintenant au Sénat et à l’Assemblée à adopter cet accord.

Retraites : députés et sénateurs trouvent un accord sur un texte commun en commission mixte paritaire

Les sept députés et sept sénateurs réunis en CMP ont trouvé un accord sur un texte commun pour la réforme des retraites. Le point essentiel de l’accord porte notamment sur le CDI senior et les carrières longues. Il reste maintenant au Sénat et à l’Assemblée à adopter cet accord.
François Vignal

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It’s a match. Les sept députés et sept sénateurs de la commission mixte paritaire sont parvenus à un accord sur la réforme des retraites ce mercredi, après 8 heures de réunion, a appris publicsenat.fr de source parlementaire. Ce n’est pas vraiment une surprise. Sur les 14 parlementaires qui composent en fonction des équilibres politiques de chaque chambre la CMP, 10 sont en faveur de la réforme (4 Renaissance, 4 LR, 1 Modem et 1 centriste).

Si le PS et LFI ont demandé que la commission mixte paritaire soit publique, beaucoup de choses se sont en réalité jouées dans les jours qui ont précédé, dans le cadre des réunions préparatoires entre les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée. Les sénateurs René-Paul Savary (LR) et Elisabeth Doineau (groupe Union centriste) sont ainsi allés à la rencontre de la rapporteur Renaissance, la députée Stéphanie Rist, lundi en fin de journée. Mardi, deux réunions en visioconférence ont été organisées pour parfaire le futur accord. « Les choses avancent bien, il y a une volonté commune d’arriver à une CMP conclusive », expliquait hier à publicsenat.fr René-Paul Savary, laissant peu de doute.

Le cœur de la réforme, avec le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans et l’accélération de la réforme Touraine qui porte à 43 ans le nombre d’annuités nécessaires, est toujours dans le texte. Ce n’était pas un enjeu de discussion entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale, totalement alignés sur le sujet. Le gouvernement s'est fortement inspiré de l'amendement voté tous les ans par le Sénat, lors du budget de la Sécu. Les 1.200 euros pour la retraite minimale, dont la présentation par le gouvernement a été pour le moins floue, avec un nombre de bénéficiaires se réduisant comme peau de chagrin, au fur et à mesure des explications, sont aussi toujours au programme. Les points de désaccord entre la droite et les macronistes n’étaient pas là non plus.

  • Surcote pour les femmes conservée

Les sénateurs sont entrés dans cette CMP en position de force. Avec cinq membres de la majorité sénatoriale, et un texte voté au Sénat, ils avaient la main forte pour négocier. La surcote jusqu’à 5 % pour les mères de famille (qui en réalité peut bénéficier aux hommes dans certains cas), dont le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, avait fait une « ligne rouge », est dans le texte. Il faut dire que le sujet avait été négocié directement avec le gouvernement en amont des discussions au Sénat.

A noter que les amendements des sénateurs PS qui concernaient aussi les mères de famille ont finalement été conservés dans la version finale.

  • Expérimentation sur le CDI senior 

Le CDI senior, apport du Sénat auquel tenaient les sénateurs, est conservé mais sous forme d’une expérimentation. Les partenaires sociaux sont appelés à discuter en premier lieu du sujet, en vue d’un éventuel accord interprofessionnel. En l’absence d’accord, l’expérimentation est mise en place, du 1er septembre 2023 à 2026. La mesure sera réservée aux chômeurs de plus de 60 ans. Son coût est revu à la baisse, avec « 100 millions d’euros », d’après Elisabeth Doineau. Le ministre Gabriel Attal avait dénoncé devant le Sénat un coût de « 800 millions d’euros », pointant le risque d’effet d’aubaine.

La future loi travail annoncée par le gouvernement sera l’occasion de préciser les choses, notamment sur les exonérations de cotisations patronales. En raison du recours à un PLFRSS, ces exonérations ont dû être portées sur les cotisations de la branche famille. Les sénateurs préféreraient qu’elle le soit sur la branche chômage.

  • Un compromis sur les carrières longues (qui n’est pas l’amendement Pradié)

Quant à la question des carrières longues, sans doute la plus épineuse, elle divisait sénateurs et députés LR. Une voie de compromis a été trouvée autour de l’amendement déposé à la fin des débats à l’Assemblée par Olivier Marleix, président du groupe LR, et dont un certain Aurélien Pradié était le deuxième signataire. Cette mesure permet à certains de partir après 43 ans, s’ils ont atteint le nombre de trimestre nécessaire (4 ou 5 trimestres) et l’âge de départ anticipé auquel ils ont droit. Dans les faits, ce ne sera pas 43 annuités pour tous ceux concernés par les carrières longues. Cela dépend notamment de l’âge auquel on commence à travailler. Certains devront donc toujours travailler 44 ans pour atteindre l’âge de départ anticipé auquel ils ont droit. Cette mesure coûte environ 300 millions d’euros.

Pour plus de détails, lire notre article » Carrières longues : non, le compromis en CMP ne permet pas de limiter la durée de cotisation à 43 ans pour tous

De quoi espérer faire voter Aurélien Pradié et ses amis ? C’est l’enjeu. Car après cet accord, les lectures des conclusions de la CMP seront examinées au Sénat jeudi matin, et surtout à l’Assemblée jeudi après-midi. Et sans majorité certaine, le gouvernement, qui a besoin des voix des LR, risque de devoir recourir au 49.3 pour assurer l’adoption de sa réforme.

Précision importante : le point de compromis n’est pas « l’amendement Pradié », tel que défendu à l’origine par le député du Lot, qui visait à permettre de partir après 43 annuités tous ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans, même avec un seul trimestre travaillé. Une mesure qui « coûte entre 7 et 10 milliards d’euros. C’est inabordable », avait prévenu le ministre du Travail, Olivier Dussopt, samedi lors des débats au Sénat.

En comptant la borne des 21 ans, qui permet à ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans de partir après 43 annuités, soit 400 millions de dépenses supplémentaires, le coût total des concessions faites au LR sur les carrières longues s’élève à 700 millions d’euros dans la réforme. Le prix peut-être d’un vote sans 49.3. Quand on sait qu’il faut au gouvernement au moins 30 voix LR, cela fait environ 23 millions d’euros le vote. Ce qui fait cher la voix.

  • Clause de revoyure en 2027

La clause de revoyure en 2027, introduite par le gouvernement au Sénat dans le vote bloqué, est conservée après la CMP. C’était une demande à l’origine des députés Modem, puis Horizons.

Sur les retraites anticipées, les sénateurs n’ont pas eu gain de cause. Ils voulaient maintenir cette possibilité de partir à 60 ans, en permettant dans un premier temps d’avoir 80 % de rémunération en salaire et 20 % en retraite. L’âge de retraite anticipée est maintenu à 62 ans, comme prévu dans le texte du gouvernement et dans la version du texte voté par le Sénat, après le recours au vote bloqué.

  • La réflexion sur l’introduction d’une dose de retraite par capitalisation supprimée

Autre point : l’amendement LR adopté au Sénat, qui demandait un rapport pour étudier l’introduction d’une dose de retraite par capitalisation, est aussi passé à la trappe, à l’issue de la CMP.

L’accord en CMP ne signifie pas la fin du parcours parlementaire. Chaque chambre doit maintenant examiner et adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, afin que la réforme soit définitivement adoptée. C’est prévu jeudi, à 9 heures, au Sénat. Ce sera une formalité. A l’Assemblée, les députés plancheront dessus le même jour à 15 heures et ce sera une autre paire de manches. L’incertitude sur la majorité pourrait pousser le gouvernement à sortir la carte 49.3 pour adopter certes définitivement la réforme, mais en force.

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