Retraites : Jean-Paul Delevoye fait de la pédagogie de la réforme devant le Sénat

Retraites : Jean-Paul Delevoye fait de la pédagogie de la réforme devant le Sénat

Ce mercredi, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a été auditionné au Sénat sur la réforme des retraites. Conscient que le sujet suscite l’inquiétude des Français, il s’est attelé à convaincre les parlementaires de la nécessité d’un « système universel » propre à garantir des « solidarités » entre citoyens.
Public Sénat

Par Alice Bardo

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« Nos jeunes se demandent à quoi ça sert de cotiser puisqu’ils n’auront pas de retraites ! » reconnaît d’emblée Jean-Paul Delevoye. Le haut-commissaire à la réforme des retraites le sait bien, le sujet est épineux. « Sensible » même, confirme Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Car outre l’inquiétude des jeunes, c’est la colère de retraités qui se fait entendre depuis l’annonce de la hausse de la CSG, qui grève la pension de nombre d’entre eux.

Tout au long de son audition devant les sénateurs, Jean-Paul Delevoye s’est employé à bien choisir ses mots : il n’envisage pas de faire une « réforme des retraites », mais de mettre en place un « système universel ». Ainsi les 42 régimes spéciaux « convergeront » pour ne former plus qu’un. Et pour légitimer cette refonte du système, le haut-commissaire remonte à l’après-guerre, lorsque l’ « universalité » était déjà le maître mot pour les retraites. « Il y avait des systèmes dérogatoires mais ils avaient vocation à être temporaires », précise-t-il.

La retraite comme « juste reflet des efforts fournis au travail »

Rappelant aux retraités que « leur situation est parmi les meilleures dans l’OCDE », le haut-commissaire explique vouloir « faire en sorte que la retraite soit le juste reflet des efforts qu’on fournit tout au long de la vie au travail ».

« Est-ce que je vais être traité de manière équitable par rapport à mon voisin ? » est l’une des questions que Jean-Paul Delevoye s’astreint à se poser. Il prend l’exemple des primes, « plus fortes dans le secteur privé » que dans le public, ce qui est « défavorable aux enseignants » (leurs primes ne sont pas intégrées dans le calcul des retraites). Fusionner les régimes spéciaux permettrait de décloisonner ces deux secteurs, pour ensuite les fondre dans un « régime de base, qui concernerait 96% des salariés » et au sein duquel « les règles de calcul des droits seraient les mêmes pour tous ». Ainsi « salariés et fonctionnaires cotiseront au même taux ». Sauf ceux qui en décident autrement : « Chacun, dans le privé ou dans le public, au sein de son entreprise ou de sa branche, pourra garder, s’il le souhaite, quelques aspects spécifiques et il appartiendra qu’elles en assument le financement. »

En outre, au soutien de sa plaidoirie pour « un système juste », il « souhaite que les hauts revenus puissent aussi alimenter la solidarité vers ceux qui relèvent du régime de base ».

« 1 point cotisé vaudra les mêmes droits »

Un autre aspect de la réforme des retraites est le passage à un système par points, « qui alimenteront un compte unique tout au long de la vie ». « 1 point cotisé vaudra les mêmes droits pour tous les Français » ajoute Jean-Paul Delevoye. Et il le certifie, « ils seront tous liés à une augmentation de la pension ». Les modalités de la mise en œuvre de ce nouveau système, « plus juste », ne sont pas arrêtées. « La notion de l’indexation n’est pas totalement inintéressante », reconnaît le haut-commissaire. Et de poursuivre : « La détermination de la valeur du point est importante, mais son indexation peut être un élément déterminant. »

« La baisse des pensions sera-t-elle la variable d’ajustement ? » interroge Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. Là encore, le haut-commissaire ne manque pas de rassurer ses auditeurs : « Depuis 1945, pour tous les régimes à points, la valeur du point n’a jamais baissé. » La désindexation des retraites annoncée par l’exécutif est encore dans toutes les têtes… Et les syndicats, avec qui les négociations ont commencé, sont aux aguets. Pour le secrétaire général de Force ouvrière, Pascal Pavageau, « la retraite à point, c’est sans fin ».

« Nous avons garanti l’âge minimum à 62 ans et liberté totale de choix »

« Nous avons garanti l’âge minimum à 62 ans, (mais) nous tiendrons compte de la spécificité de certaines situations : carrières longues, métiers pénibles, handicap et catégories actives. » précise Jean-Paul Delevoye, conscient que la question de l’âge minimum de départ à la retraite reste un point de crispation dans la société. « Le Sénat avait proposé le recul de l’âge de départ à la retraite à 63 ans » a tenu à rappeler Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général.

Le haut-commissaire ménage la chèvre et le chou : « Les Français sont très attachés à un âge minimal de départ à la retraite, mais aussi à une liberté de choix ». Une liberté qu’il veut « totale ». Opposé à la retraite progressive « qui ne marche pas », il trouve « intéressant un départ progressif en ciseau ». Reste la « problématique du cumul d’un emploi avec la retraite » : « 500 000 personnes sont concernées actuellement, et ils cotisent sans droits » déplore-t-il.

« Harmoniser » les pensions de réversion

Enfin, Jean-Paul Delevoye s’est arrêté sur les pensions de réversion, qui correspondent à une partie de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé. Elle est versée, sous conditions, à l’époux survivant et aux orphelins. L’exécutif souhaite « harmoniser » leurs règles de perception. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales a souligné les « vives réactions » à ce sujet. Jean-Paul Delevoye lui rétorque qu’il s’agit là d’un débat purement « médiatique » et reconnaît que « le niveau d’écart des pensions entre les hommes et les femmes est de 40 % et qu’il est réduit à 25 % après versement des pensions de réversion. »

« Corriger les inégalités entre les femmes et les hommes »

La parité a été évoquée plusieurs fois par le haut-commissaire : « Nous ne savons pas encore si nous mettons des points forfaitaires pour corriger les inégalités entre les femmes et les hommes », suggère-t-il avant de rappeler que « si on ne réduit pas les écarts de salaires entre les hommes et les femmes, l’écart entre les retraites sera toujours là. »

Le dialogue est ouvert jusqu’à fin janvier, tant avec les partenaires sociaux « qui peuvent être force de proposition » que les citoyens « porteurs de l’intelligence collective ». « Il ne suffit pas de recevoir organisations syndicales mais de s’intéresser à ce qu’elles disent » avertit la sénatrice communiste Laurence Cohen, qui reconnaît toutefois les qualités de « pédagogue » du haut-commissaire. Le projet de loi devrait voir le jour au premier semestre 2020.

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