Retraites : « Les choses avancent bien, il y a une volonté commune d’arriver à une CMP conclusive », selon le rapporteur du texte au Sénat

Retraites : « Les choses avancent bien, il y a une volonté commune d’arriver à une CMP conclusive », selon le rapporteur du texte au Sénat

A la veille de la commission mixte paritaire sur la réforme des retraites, les réunions préparatoires entre les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée se passent bien et laissent présager d’une issue positive. La surcote pour les femmes fait déjà consensus. Sur le CDI senior, la majorité sénatoriale espère une « ouverture ». Reste la question sensible des carrières longues, où députés et sénateurs LR ne sont pas sur la même ligne…
François Vignal

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Ça avance. La commission mixte paritaire (CMP) sur la réforme des retraites est sur de bons rails. Mercredi matin, sept députés et sept sénateurs tenteront de trouver, lors de cette réunion à huis clos, un texte commun sur la réforme des retraites. Si le PS et LFI ont demandé, en vain, que la CMP soit publique, beaucoup se joue en réalité en amont, lors des réunions préparatoires.

Les deux rapporteurs au Sénat, René-Paul Savary (LR) et Elisabeth Doineau (centriste), ont ainsi rencontré lundi soir, pendant 1h30, la rapporteure de l’Assemblée, la députée Renaissance Stéphanie Rist. Rebelote ce mardi, en début d’après-midi, pour une visio… puis une autre à 18 heures.

« On a repris les choses, article par article, amendement par amendement »

Ce matin, côté Sénat, on se montrait confiant, après la réunion de la veille. « Les choses avancent bien. Il y a déjà une volonté commune d’arriver à une CMP conclusive », assure René-Paul Savary (voir la vidéo, images de Samia Dechir). « Il y a certains points d’importance sur lesquels on va trouver un accord », ajoute le sénateur LR de la Marne. « On a fait un point sur l’ensemble des mesures. […] On était assez en phase », soutient sa collègue centriste. « On a repris les choses, article par article, et amendement par amendement. On a fait un travail assez intense, avec les administrateurs », raconte la rapporteure générale de la commission des affaires du Sénat.

Sans surprise, sur la question de la surcote de la pension des femmes, c’est bon. On peut déjà dire qu’il y a un accord. La mesure, adoptée au Sénat, avait été négociée en amont directement avec le gouvernement par la majorité sénatoriale. Hier, le président du groupe, Bruno Retailleau, expliquait à publicsenat.fr qu’il en faisait « une ligne rouge ». Et si jamais la surcote passait à la trappe, « on fera échec à la CMP » a quand même prévenu, au cas où, le patron des sénateurs LR.

Lire aussi » Réforme des retraites : les points clés du texte voté au Sénat

Les choses plus difficiles concernent les carrières longues. Sur ce point, députés LR et sénateurs LR ne disent pas la même chose. Les premiers en demande plus, quand les seconds ne veulent pas alourdir financièrement la réforme, du moins sur ce point.

Olivier Marleix veut « remettre sur la table » la question des carrières longues

« Il y a ce qu’on a obtenu à l’Assemblée, notamment sur les carrières longues, que ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans […] puissent partir à 63 ans », soit après 43 annuités, a souligné ce midi, lors d’un point presse, Olivier Marleix, à la tête des députés LR. Il sera présent à la CMP.

A cette occasion, il veut des « éclaircissements », « sur la question sur laquelle le gouvernement nous avait donné son accord, le fait que sur le dispositif carrières longues, on puisse faire valoir ses droits, dès lors qu’on a 43 années cotisées », explique le député LR, qui entend « remettre sur la table la proposition que nous avions déposée dans l’hémicycle, notre dernier amendement de groupe, que le Sénat n’a pas repris » (voir vidéo ci-dessous). Olivier Marleix entend néanmoins avoir « une petite discussion en interne, que chacun se sente bien impliqué sur cet amendement. Je parle de ceux qui en sont à l’initiative ». Autrement dit, Aurélien Pradié et ses amis, dont certains menacent de ne pas voter le texte, après la CMP. Or sans une bonne partie des voix LR, la majorité présidentielle n’a pas de majorité, ce qui la poussera à recourir au 49.3 pour adopter sa réforme… C’est pourquoi l’exécutif fait chauffer les téléphones depuis quelques jours pour aller chercher les voix. Olivier Marleix estime « entre 15 et 20 » les députés de son groupe opposés au texte. Mais les choses peuvent bouger selon l’issue de la CMP.

Sur les carrières longues, le patron des députés LR semble donc reprendre à son compte l’amendement Pradié, qui permet de partir à la retraite après 43 années de cotisations, pour ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans. Or Olivier Dussopt a chiffré, pendant les débats au Sénat, entre « 7 et 10 milliards d’euros » la mesure, « inacceptable » pour le gouvernement. En réalité, l’amendement du groupe LR dont Olivier Marleix parle, similaire à un amendement du groupe Horizons, va moins loin et permettrait à certains de partir après 43 annuités, mais après 44 années pour d’autres, selon l’âge auquel ils ont commencé à travailler. La nuance est de taille, puisque cet amendement est estimé lui entre 300 et 400 millions d’euros. Plus facile à avaler et à vendre, quand majorité comme LR se disent attachés à l’équilibre financier de la réforme.

« Incohérent »

Pour compliquer ce coup de billard à plusieurs bandes, les sénateurs LR sont plus proches sur cette question du gouvernement que des députés LR… Ils soutiennent la première « main tendue » aux LR, celle qui crée une borne d’âge à 21 ans (pour un coût de 400 millions d’euros). Et c’est tout.

« Cela ne me paraît pas être la mesure primordiale. C’est une mesure qu’on comprend bien mais qui paraît généreuse par rapport à l’indispensable », avance René-Paul Savary. « Pour l’instant, on n’est pas d’accord pour aller plus loin », soutient Elisabeth Doineau, qui souligne au passage qu’une carrière longue où on ferait 43 annuités, comme dans le régime général, n’est plus, de fait, une carrière longue. « C’est incohérent, je ne comprends pas que la première ministre se soit engagée à ça », soutient la sénatrice centriste de la Mayenne.

« Si à force de concessions, on finit par ne pas avoir de gain financier, ça ne sert à rien de faire une réforme »

Les sénateurs LR répètent leur attachement à l’équilibre financier de la réforme à l’horizon 2030. « Si à force de concessions, de modifications du texte, on finit par ne pas avoir de gain financier pour l’équilibre des retraites, ça ne sert à rien de faire une réforme », pointe de son côté, Roger Karoutchi, premier vice-président du Sénat. « A moins que le gouvernement nous dise que le coût annoncé ne sera pas excessif, et que ça ne remette pas en cause l’équilibre financier de la réforme, auquel cas on avance », tempère le sénateur LR des Hauts-de-Seine. Autrement dit, si la majorité présidentielle prend la responsabilité d’alourdir la facture sur les carrières longues, pour répondre aux exigences des députés LR, dans l’espoir d’obtenir la majorité, les sénateurs LR souhaiteraient que des économies soient réalisées par ailleurs…

Pour tenter d’accorder les violons entre députés et sénateurs LR, une réunion était prévue, en fin d’après-midi, avec Gérard Larcher, président LR du Sénat, Eric Ciotti, président du parti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix. Bref, ça négocie à tous les niveaux.

« On peut cadrer le CDI senior »

Côté Sénat, la question du CDI senior est sur la liste de Noël. Le gouvernement reproche à cette mesure, voulue et adoptée par la majorité sénatoriale, de coûter trop cher, avec 800 millions d’euros. Au Sénat, on répond qu’il faut aussi prendre en compte les économies réalisées par les seniors qu’on sort du chômage, qui cotiseront, malgré l’exonération des cotisations famille.

Après la réunion d’hier, René-Paul Savary a néanmoins « vu une évolution » du côté de son homologue de l’Assemblée sur ce point. « On peut cadrer, on est très ouverts. […] Dans un premier temps, on peut le faire pour les demandeurs d’emploi, avec des accords de branche et des exonérations de cotisations qui peuvent être modulées », avance-t-il, « puis lors de l’arrivée d’une loi travail, on pourrait élargir le dispositif ». Si Elisabeth Doineau a senti aussi « une ouverture », elle souligne qu’« on nous rappelle au bout que c’est coûteux. On doit travailler pour que ce ne soit pas coûteux ».

Sur la retraite progressive, que le Sénat souhaite conserver à 60 ans contre 62 ans dans le texte du gouvernement, René-Paul Savary s’y dit « très attaché, il n’y a pas de raison de sacrifier les salariés qui ont des métiers difficiles ». « On l’a défendu, mais ça me semble un peu compromis », craint cependant Elisabeth Doineau. Si beaucoup de sujets ont été brossés, tout n’est pas encore tout à fait réglé, comme le dit la sénatrice centriste : « On ne peut pas faire le travail de la CMP. La CMP aura bien aussi un débat ». A huis clos.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le