Retraites : les sénateurs doutent de la nécessité d’unifier les 42 régimes

Retraites : les sénateurs doutent de la nécessité d’unifier les 42 régimes

La commission des affaires sociales du Sénat a comparé les réformes des retraites dans quatre pays d’Europe. Bilan : ils préconisent le passage de 62 à 63 ans de l’âge de la retraite, le développement des retraites par capitalisation. Ils mettent en doute la nécessité d’unifier tous les régimes.
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Les voyages forment la jeunesse. Et inspirent la réforme des retraites ? Deux sénateurs de la commission des affaires sociales se sont lancés dans une étude comparative entre pays européens. Ils se sont déplacés en Allemagne, Suède, Italie et Danemark. Le rapporteur général de la commission, le sénateur Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, et son collègue René-Paul Savary, rapporteur LR pour l’assurance vieillesse, n’étaient pas seuls dans leurs périples. Ils étaient accompagnés de Jean-Paul Delevoye, le Monsieur « retraites », chargé par Emmanuel Macron de plancher sur la réforme que le chef de l’Etat a promise.

Attendue pour 2019, cette réforme des retraites vise à mettre en place un système universel avec des règles communes de calcul des pensions. « Pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous ! » scandait le programme du candidat Macron. Il s’agit en réalité de mettre en place la retraite par points.

Le chef de l’Etat entend mettre fin aux 42 régimes de retraites différents. « Progressivement, tout le monde va converger vers un système unique » affirmait en avril Emmanuel Macron. Autrement dit, c’est la fin des régimes spéciaux, comme celui des cheminots… On comprend que la réforme est potentiellement explosive. En revanche, Emmanuel Macron a promis de ne pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, fixé à 62 ans, ni au niveau des pensions.

Il s’agit ni plus ni moins d’une réforme systémique, c'est-à-dire d’ensemble, et non de varier l’un des paramètres, comme l’âge de la retraite, pour faire face à l’allongement de l’espérance de vie et à l’augmentation du nombre de retraités.

Une unification des régimes de retraite pas indispensable

D’où le choix des pays visités par les sénateurs. « Nous avons voulu nous rendre compte dans les pays qui avaient fait une réforme systémique de leur système de retraites, souvent à points » explique Jean-Marie Vanlerenberghe à Public Sénat. Les expériences sont diverses : la Suède, première à se lancer, a unifié depuis longtemps son système. « L’Italie l’a fait beaucoup plus récemment » souligne le sénateur Modem du Pas-de-Calais, mais a dû « y revenir deux fois » pour cause de déséquilibre financier. Et il subsiste au final d’autres régimes. Regardez les explications de Jean-Marie Vanlerenberghe (images de Quentin Calmet) :

Retraites : "C’est ambitieux de vouloir tout unifier, mais qui dit que tout doit être unifié ?" demande Jean-Marie Vanlerenberghe
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Et qu’a fait l’Allemagne, souvent érigée depuis la France en exemple à suivre ? Elle n’a pas unifié ses régimes. « En Allemagne, le système de retraites s’est construit, comme en France, sur un modèle assurantiel organisé à partir des différentes catégories professionnelles. La réforme systémique n’a pas supprimé les régimes spécifiques » ont expliqué les sénateurs dans leur communication devant la commission. Jean-Marie Vanlerenberghe pense qu’une marge de manœuvre est ainsi possible :

« C’est ambitieux de vouloir tout unifier, mais qui dit que tout doit être unifié ? Système universel ne veut pas dire tout unifier dans sa gouvernance. Les Italiens ont unifié les règles mais chaque régime garde sa propre gouvernance ».

De quoi, espère-t-il, inspirer le gouvernement : « Je ne dis pas que c’est un modèle à suivre, mais ça peut donner des idées… Si le gouvernement rencontrait des difficultés, il peut y avoir une opportunité, au moins dans la phase de transition, de garder une gouvernance différente, mais sur des règles de base qui resteraient les mêmes : un système par points avec des cotisations définies et un taux de conversion pour la retraite ».

Repousser de 62 à 63 ans l’âge de la retraite

Autre préconisation des sénateurs, qui risque de ne pas être suivie par le chef de l’Etat : repousser d’un an l’âge de la retraite minimum, de 62 à 63 ans. « Pour le moment, Emmanuel Macron a raison. Il n’y a pas de nécessité vitale d’y toucher aujourd’hui. Mais nous pensons au Sénat (…) qu’il il faudrait pour l’horizon 2021-2022 passer à 63 ans » explique le rapporteur général du Budget de la Sécu.

Pour Jean-Marie Vanlerenberghe il faut repousser de 62 à 63 ans l’âge de la retraite
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Une dose de retraites par capitalisation pour les hauts revenus

Pour certains, c’est une libéralisation à combattre, car elle amène une forme de privatisation du système. Pour d’autres, c’est une solution : développer les retraites par capitalisation. « Il ne faut rien s’interdire » selon le sénateur Modem. « Les systèmes visités combinent de façon équilibrée une gestion en répartition pour leur régime de base et en capitalisation pour leurs régimes complémentaires » peut-on lire dans la communication des deux sénateurs.

« Je ne pense pas que ce soit l’orientation que souhaitent les Français » reconnaît Jean-Marie Vanlerenberghe. Il imaginerait plutôt une dose de capitalisation pour les plus hauts revenus. « Ce qui est plus important, c’est de savoir quelle sera la part des complémentaires. La part des revenus qui, en dehors du régime général, pourront être placés par un système d’assurance, de prévoyance ou de capitalisation » explique-t-il. Un « plafond » serait ainsi à définir « pour les salariés les plus aisés ».

Un système d’alerte pour prendre des décisions : baisse des retraites, hausse des cotisations ou impôt

Autre préconisation des sénateurs : élaborer un système d’alerte. En cas de « déséquilibre » entre le nombre de retraités, le nombre de cotisants ou l’augmentation de l’espérance de vie, un « système d’alerte » à destination des responsables politiques leur permettant de « prendre les mesures qui s’imposent ». « Nous avons ce dispositif au travers du Conseil d'orientation des retraites » estime-t-il. En cas d’alerte, les politiques devraient prendre « des dispositions soit durables, en augmentant les cotisations ou en baissant les retraites, soit par l’impôt, en compensant les caisses de retraites ». Bon courage au responsable qui décidera de baisser le niveau des retraites.

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