Retraites: les temps forts du débat au Sénat

Retraites: les temps forts du débat au Sénat

Pendant près de deux heures, ce mardi, les sénateurs ont débattu de la future réforme des retraites. Dans un exercice de questions-réponses portant sur le financement de la réforme ou sur le montant des pensions de certains corps de métiers par exemple, le secrétaire d'État en charge des retraites, Laurent Pietraszewski s'est montré pour le moins évasif et peu précis au grand dam des parlementaires.
Public Sénat

Par Public Sénat

Temps de lecture :

15 min

Publié le

Mis à jour le

Au moment où le gouvernement relance la concertation avec les partenaires sociaux sur la réforme des retraites, le Sénat organise ce mardi 7 janvier dans l’hémicycle, en fin d’après-midi, un débat sur ce projet très sensible.

Après plus d’un mois de grève dans les transports, le gouvernement reste ferme sur sa volonté de maintenir sa réforme, que plusieurs syndicats veulent voir retirée. Pour tenter de désamorcer la fronde, l’exécutif multiplie les concessions. Le gouvernement a lâché du lest sur quelques professions (policiers, pilotes, danseurs de l’opéra).

Mardi matin sur RTL, le premier ministre Édouard Philippe a esquissé un pas vers la CFDT. Il s'est dit « ouvert à des discussions sur beaucoup de sujets » dont celui de la « conférence de financement », idée proposée dimanche par Laurent Berger pour sortir du conflit. Mais « l'équilibre du système doit être garanti » a-t-il répété. Le texte sera présenté en Conseil des ministres le 24 janvier, a confirmé Édouard Philippe, et examiné par l'Assemblée à partir du 17 février. Il ne devrait pas arriver au Sénat qu’après les élections municipales.

Par ce débat, la commission des affaires sociales souhaite que le gouvernement « indique le résultat des concertations en cours », « dresse le bilan des différents aménagements concédés à certains régimes » et « apporte des précisions sur le coût de la réforme et les modalités de la transition vers le futur régime », précise la commission dans un communiqué. Le secrétaire d’État à la réforme des retraites, Laurent Pietraszewski, sera là pour répondre.

Suivez ce débat sur Public Sénat dans notre édition spéciale à partir de 17 heures.

La réforme des retraites : « Le gouvernement a tout fait pour créer le doute » pour Alain Milon

La réforme des retraites : « Le gouvernement a tout fait pour créer le doute » pour Alain Milon
06:43

Président LR de la commission des affaires sociales, Alain Milon a rappelé la nécessité, selon lui, de l’organisation d’un tel débat 15 jours avant la présentation du projet de loi en conseil des ministres « afin que le Parlement et à travers lui le plus grand nombre de nos compatriotes y voient clair sur l’essentiel ».

Si la réforme des retraites est « un sujet politique hautement inflammable », Alain Milon note que le gouvernement a également participé par ses actions « à alimenter un climat de défiance dans la parole publique ». « Comment croire à des promesses de maintien de niveau de vie des retraités (…) quand, depuis trois ans, le gouvernement ne cesse de fouler aux pieds l’actuelle règle de revalorisation censée garantir que les pensions progressent au même rythme que l’inflation ? » s’est-il interrogé.

« Le gouvernement a tout fait pour créer le doute dans l’esprit de nos compatriotes lorsqu’il s’agit des retraites » a-t-il estimé.

Sur l’épineuse question de l’âge pivot notamment, le sénateur LR rappelle que durant sa campagne, Emmanuel Macron « n’a cessé de répéter qu’il ne toucherait pas à l’âge légal de départ à la retraite sans jamais évoquer un quelconque âge pivot ».

Martin Lévrier (LREM) : « Dire régime universel ne veut pas dire régime unique »

Retraites : « Dire régime universel ne veut pas dire régime unique » (Martin Lévrier - LREM)
02:50

Défendant la réforme voulue par le gouvernement, le sénateur La République en marche Martin Lévrier a déclaré que la « défiance » envers le système actuel était « généralisée », à cause de régimes « à différentes vitesses ». Le parlementaire des Yvelines a voulu répondre à la droite de l’hémicycle, qui reproche au gouvernement d’avoir multiplié les concessions à plusieurs catégories professionnelles depuis le début du conflit social. « Dire régime universel ne veut pas dire régime unique. Cela veut dire qu’un euro cotisé, quel que soit son métier, ouvrira les mêmes droits. Parler d’universalité impose des réflexions sectorielles, elle impose même des réflexions sur les spécificités de chacun et demande des aménagements clairs et consensuels. »

Cathy Apourceau-Poly  : « L’universalité mise en avant n’est qu’une illusion pour masquer le véritable objectif : niveler les droits sociaux vers le bas »

Cathy Apourceau-Poly sénatrice communiste du Pas de Calais : « L’universalité mise en avant n’est qu’une illusion »
05:01

Cathy Apourceau-Poly dénonce l’attitude « irresponsable » de l’exécutif : « Votre gouvernement a décidé de passer en force et sans concertation.

Pour la sénatrice communiste du Pas de Calais, « plus personne n’est dupe » : « Tout le monde a bien compris que cette volonté de réforme vise à obliger les salariés à travailler plus longtemps, pour toucher moins de pensions. » « L’universalité mise en avant n’est qu’une illusion pour masquer le véritable objectif : niveler les droits sociaux vers le bas » a-t-elle ajouté.

La sénatrice communiste a demandé une nouvelle fois au gouvernement de retirer son projet de réforme des retraites par points « et d’améliorer notre système de retraites par répartition ».

Jean-Marie Vanlerenberghe (Modem) : « Mettons actuellement entre parenthèses l’âge pivot »

Jean-Marie Vanlerenberghe (Modem) : « Mettons actuellement entre parenthèse l’âge pivot »
01:12

Le sénateur Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociale et spécialiste des retraites, a rappelé qu’il défend « depuis longtemps », avec les centristes, un système universel par points. La valeur du point « ne baissera pas, elle sera indexée sur le salaire moyen » souligne le sénateur du Pas-de-Calais, membre du groupe Union centriste.

« La gouvernance du système sera paritaire » souligne-t-il. Jean-Marie Vanlerenberghe prend pour exemple le régime complémentaire Agirc-Arrco, « qui gère 80 milliards d’euros et qui est à l’équilibre. (…) Il n’y a pas plus belle exemple de réussite du paritarisme ».

En revanche, le sénateur Modem, comme il l’a déjà conseillé, appelle le gouvernement à retirer le chiffon rouge de l’âge pivot. « Est-il besoin de faire des ajustements paramétriques ? Nous ne le pensons pas. Ceux-ci se feront progressivement, à condition de respecter un âge de départ à la retraite à 62 ans, qui devra sans doute évoluer pour éviter les déséquilibres démographiques. En clair, mettons actuellement entre parenthèses l’âge pivot » affirme Jean-Marie Vanlerenberghe.

Il souligne au passage que « l’idée d’une conférence financière nationale, évoquée par Laurent Berger (numéro 1 de la CFDT), rejoint la proposition avancée récemment par les présidents de groupes parlementaires centristes à l’Assemblée nationale et au Sénat ». Dans une tribune publiée en novembre, Patrick Mignola, président du groupe MoDem de l’Assemblée, Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste du Sénat et Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-AGIR de l’Assemblée, proposaient en effet « une conférence sociale ».

Patrick Kanner (PS) dénonce une « régression sociale »

Réforme des retraites : Patrick Kanner (PS) dénonce une « régression sociale »
02:40

Pour le président du groupe socialiste au Sénat, la crise sociale actuelle est « majeure ». Après 34 journées de grève, l’inflexion du gouvernement est incompréhensible à ses yeux. « Le gouvernement se félicite d’une réforme des retraites bien calibrée, bien pensée […] Il n’y a pas d’impasse, de rejet. De ce fait, pas d’inflexion. C’est droit dans ses bottes de hussard que le Premier ministre mène ce travail, y compris en nous imposant une procédure accélérée », a ironisé le sénateur du Nord.

Patrick Kanner a déploré une « réforme structurellement inégalitaire », « l’aberration » et « la régression sociale » que constitue l’âge pivot à 64 ans, proche de l’espérance de vie en bonne santé des Français. « Un ouvrier a 6 ans d’espérance de vie de moins qu’un cadre », a-t-il rappelé au secrétaire d’État Laurent Pietraszewski, « homme du Nord », comme lui. L’ancien ministre socialiste a d’ailleurs rappelé que la majorité actuelle avait réduit de 10 à 6 le nombre de critères de pénibilité instaurés sous François Hollande.

Compte tenu du taux de chômage des plus de 60 ans, cette réforme risque, selon lui, de plonger des seniors dans une « trappe à pauvreté sans fond ».

Stéphane Artano (RDSE) : « la méthode du gouvernement interroge » 

Stéphane Artano (RDSE) : « la méthode du gouvernement interroge »
04:43

Stéphane Artano, orateur pour le groupe RDSE a jugé nécessaire une réforme des retraites. « Ne rien faire menacerait la pérennité de notre régime par répartition ». Si le groupe RDSE est « globalement » favorable à un système universel de retraite par points, « la méthode du gouvernement interroge ». Pour Stéphane Artano, il y a une absence de « clarté sur le financement de la réforme.

« C’est sans doute l’utilisation du terme universel qui créé autant d’incompréhension dans la population (…) Pour sortir de l’impasse plusieurs secteurs ont obtenu des aménagements voire le maintien de leur spécificité. Les régimes spéciaux laisseraient ainsi la place à des régimes spécifiques mais basé sur quelle universalité ? (…) N’est-il pas à craindre une fracture dans notre pays qui verrait un régime universel s’adresser essentiellement aux salariés du secteur privé ? » s’est-il enfin interrogé.

René-Paul Savary, sénateur (LR) : « La confiance n’est pas au rendez-vous  »

René-Paul Savary, sénateur (LR) : « La confiance n’est pas au rendez-vous »
05:40

Si René-Paul Savary, sénateur (LR) de la Marne a expliqué que Les Républicains n’étaient « pas farouchement opposés à une réforme », il a répété plusieurs fois que face au projet de loi du gouvernement, il était inquiet : « Nulle part en Europe, il n’y a de régime unique ». Inquiet, il l’est aussi pour les femmes : « Une pension de 5% dès le premier enfant, cela ne compense pas les trimestres qui vont être supprimés aujourd’hui. »

Le vice-président de la commission des Affaires sociales s’est dit également préoccupé « quant à l’équilibre financier de ce futur projet de loi » : « Vous n’avez jamais expliqué comment seraient financés les nouveaux mécanismes de solidarité. » « La confiance n’est pas au rendez-vous » a-t-il conclu en pointant les nombreuses manifestations. Et René-Paul Savary d’appeler le gouvernement à écouter le Sénat.

Claude Malhuret : « Le gouvernement a réussi à rassembler mais hélas contre lui »

Claude Malhuret : « Le gouvernement a réussi à rassembler mais hélas contre lui »
05:14

Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants, République et Territoires, a relevé que « le service après-vente » de la réforme a connu des ratés. « Le gouvernement a réussi à rassembler mais hélas contre lui en suivant une ligne droite qui a beaucoup zigzagué ». « La première inquiétude » du sénateur de l’Allié, « c’est de voir la facture augmenter à chaque étape de la négociation ».

En ce qui concerne « le maintien de plusieurs régimes particuliers » que le gouvernement a concédé, Claude Malhuret se demande « si c’est terminé ? »

Claude Malhuret termine son intervention par une mise en garde au sujet « des 130 milliards d’excédents des régimes autonomes ». « Si ces réserves devaient devenir la variable d’ajustement d’une fracture trop lourde, j’ai peur que beaucoup de gens qui vous sont plutôt favorables deviennent quelque peu courroucés.

Laurent Pietraszewski : « Notre système reste trop injuste, complexe, peu lisible »

Laurent Pietraszewski : « Notre système reste trop injuste, complexe, peu lisible »
05:16

Le secrétaire d’État chargé de la réforme a défendu un texte préservant le principe d’un système de retraite par répartition et de solidarité entre les générations. Les échanges menés depuis deux ans avec les partenaires sociaux ont « conforté », selon lui, « la conviction du gouvernement à rassembler les Français autour de trois principes » : l’universalité, l’équité et la justice sociale, mais aussi la « responsabilité des acteurs ». Régime universel, oui, mais la volonté de l’exécutif n’est pas de mettre les Français « dans un modèle unique », a-t-il assuré. Ni d’y aller avec « brutalité ».

Le successeur de Jean-Paul Delevoye a insisté sur le besoin de garantir l’équilibre du système : il en va d’une « responsabilité » à l’égard des jeunes générations. Les consultations avec les syndicats et le patronat permettront sans doute d’aboutir à une autre méthode d’assurer l’équilibre financier. Mais la solution de l’âge pivot comporte un avantage, pour Laurent Pietraszewski. « Nous faisons aussi le choix de la liberté donné aux individus, en incitant les Français à travailler plus longtemps dans le but de garantir les pensions et de financer un niveau élevé de solidarité. »

Philippe Dallier (LR) : « Nous venons de passer six mois sans que le gouvernement soit capable de nous dire quels sont les enjeux budgétaires »

Philippe Dallier (LR) demande des précisions budgétaires sur la réforme des retraites
01:36

Le sénateur LR Philippe Dallier interroge le secrétaire d’État sur le plan budgétaire. « Il aura fallu attendre deux ans et demi pour que la question financière remonte à la surface. En 2017, le président avait dit pendant la campagne qu’il n’y avait pas de problème. (…) Il aura fallu attendre l’été dernier et la fameuse apparition de l’âge d’équilibre pour que chacun découvre que Jean-Paul Delevoye était parvenu à la conclusion que ce n’était pas possible. Nous venons de passer quasiment six mois sans que le gouvernement soit capable de nous dire quels sont les enjeux budgétaires » pointe du doigt Philippe Dallier.

Le sénateur de Seine-Saint-Denis demande donc à Laurent Pietraszewski des détails sur ces enjeux financiers : « On va distinguer trois périodes : celle jusque 2025 où le Conseil d’orientation des retraites dit qu’il manque entre 7 et 17 milliards d’euros. Puis la période de convergence. Et la période où tout le monde aura convergé vers le même système ».

Mais pas de réponse précise du membre du gouvernement, qui rappelle juste que « nous sommes dans une enveloppe constante de 325 milliards d’euros, à peu près 14% du PIB. Quand le PIB progresse, l’enveloppe consacrée va progresser » souligne-t-il, ajoutant que les régimes spéciaux coûtent actuellement « autour de 9 milliards d’euros par an ».

René-Paul Savary, sénateur (LR) de la Marne : « Si vous me dites qu’on n’est pas capable de faire des simulations sur des carrières passées, comment peut-on être capable de faire des simulations sur des carrières à venir ? »

 

René-Paul Savary, sénateur (LR) de la Marne : « Si vous me dites qu’on n’est pas capables de faire des simulations sur des carrières passées, comment peut-on être capable de faire des simulations sur des carrières à venir ? »
04:55

A la question de René-Paul Savary, sénateur (LR) de la Marne, proposant de « faire des simulations sur les carrières passées pour ceux qui partent à la retraite actuellement », le secrétaire d’Etat chargé des retraites Laurent Pietraszewski, répond que c’est « compliqué » parce que cela ne correspond plus à la situation actuelle et que la société évolue. Le vice-président de la commission des Affaires sociales au Sénat lui rétorque : « Si vous me dites qu’on n’est pas capables de faire des simulations sur des carrières passées, comment peut-on être capable de faire des simulations sur des carrières à venir ? »

« Vous n’avez répondu à aucune des questions que j’ai posées », s’exclame Laurence Rossignol

Retraites : « Vous n’avez répondu à aucune des questions que j’ai posées », s’exclame Laurence Rossignol
03:38

L’ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes avait formulé une série de questions précises, portant principalement sur les conséquences sur les femmes. Les réponses ont été très évasives. La sénatrice socialiste Laurence Rossignol voulait notamment savoir si dans la réforme les veuves allaient bénéficier des pensions de réversion à 64 ans, et non plus 55. Deuxième question : « Trouvez-vous juste d’exclure les ex-conjoints divorcés du bénéfice de la pension de réversion ? » Avant de finir sur le sort des fonctionnaires, vraisemblablement pénalisés par le système de calcul sur l’ensemble de la carrière au lieu des 6 derniers mois. Or, 62% des agents publics sont des femmes.

Sur les pensions de réversion, le secrétaire d’État attend un rapport de l’Igas, commandé par Jean-Paul Delevoye. « Ça fait partie des éléments qui doivent être regardés encore », a-t-il répondu, un peu gêné. Flou encore sur le cas des fonctionnaires ou des ex-conjoints divorcés, où la question n’est pas loin d’être éludée. « Il y a des gagnants et des perdants vraisemblablement. Il ne peut pas y avoir des perdant dans le cas que vous citez », a expliqué Laurent Pietraszewski.

« Je pense que vs n’avez pas bien compris ma question, je n’ai pas parlé des perdants », a répliqué Laurence Rossignol, très loin d’être convaincue par des réponses lapidaires ou absentes. « J’ai parlé des perdantes, cette grande cause du quinquennat qui est en train de s’effondrer dans votre réforme des retraites. »

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le