Sécurité globale : les propositions des rapporteurs au Sénat en cours d’arbitrage

Sécurité globale : les propositions des rapporteurs au Sénat en cours d’arbitrage

Les amendements des deux rapporteurs au Sénat sur la proposition de la loi relative à la sécurité globale, sont en voie d’être finalisés. Article 24, polices municipales ou encore drones : Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé donnent quelques orientations sur les réécritures qu’ils défendront.
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Les débats sur la proposition de loi « sécurité globale », adoptée en novembre à l’Assemblée nationale, entrent dans le concret au Sénat. Plus de 220 amendements ont déjà été déposés sur le texte avant son examen en commission des lois, le 3 mars (la discussion en séance publique débute le 16 mars). L’éventail des thèmes abordés dans ce texte d’une cinquantaine d’articles est particulièrement large. Des dispositions concernent les polices municipales, les forces de sécurité intérieure, les entreprises chargées de sécurité privée, d’autres chapitres encore abordent la captation d’images.

Etant donné la matière sensible du texte, le Sénat avance avec précaution. Seuls 15 amendements des deux rapporteurs de la proposition de la loi au Sénat, Marc-Philippe Daubresse (LR) et Loïc Hervé (Union centriste), ont été formellement déposés à ce jour. Les « arbitrages » sur une série de points clés du texte se poursuivent. La semaine dernière, plusieurs entretiens ont réuni le duo à la manœuvre sur ce texte, avec le président du Sénat Gérard Larcher, le président de la commission des lois François-Noël Buffet (LR) ou encore les patrons des deux groupes de la majorité, Les Républicains et les centristes. La plupart des modifications soutenues par les deux rapporteurs devraient être déposées d’ici le week-end.

A l’exception toutefois du projet de réécriture du controversé article 24. La version soumise à l’examen en commission pourrait être connue « au dernier moment », probablement le 2 mars, selon les rapporteurs. « On a besoin d’avoir une finesse juridique. La rédaction doit être la plus précise possible », insiste Loïc Hervé, au vu des tensions qu’a suscité l’article.

La version des rapporteurs de l’article 24 connue la semaine prochaine

Très critiqué dans sa rédaction au Sénat, l’article 24 était une réponse aux craintes des forces de l’ordre sur des diffusions malveillantes d’images permettant l’identification d’un agent. Dans la version adoptée par les députés, l’article pénalise « le fait de diffuser, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un membre des forces de l’ordre. Il a suscité une vive opposition d’associations de journalistes ou de défense des droits de l’homme, qui redoutent des interpellations préventives en cas de captation d’images. Les rapporteurs avaient annoncé dès novembre que la commission s’orienterait vers une rédaction protégeant les policiers, tout en sanctuarisant la liberté de la presse.

« Il faut que l’on tienne l’engagement de mieux protéger les forces de police en opération. C’est une demande explicite du ministre de l’Intérieur. Si le Sénat ne le fait pas, l’Assemblée nationale le fera à sa place, sans doute dans une rédaction moins protectrice des libertés », explique le sénateur Marc-Philippe Daubresse à Public Sénat. La solution « innovante » en préparation ne doit « pas interférer » avec la loi sur la liberté de presse. Par ailleurs, elle ne doit faire redondance avec l’article 18 du projet de loi confortant les principes républicains, article dit « Samuel Paty ». De portée plus large, ce dernier prévoit un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion, dans un but malveillant, d’informations relatives à la vie privée.

Une « ligne rouge » sur l’extension des prérogatives des polices municipales

Le champ de l’expérimentation sur l’élargissement des compétences de certaines polices municipales appellera aussi probablement des modifications de la part de la commission. En décembre, le co-rapporteur Marc-Philippe Daubresse avait estimé que le cadre global de l’expérimentation manquait de rigueur et posait des questions sur l’opérationnalité du dispositif (relire notre article). Il fixe une ligne rouge : « La police municipale ne peut pas déborder sur les pouvoirs de la police judiciaire », insiste-t-il. Pour le sénateur du Nord, il ne faudrait pas confier des tâches sensibles aux polices municipales comme des tâches d’investigation ou des saisies de stupéfiant.

Le rapporteur entend également allonger la durée de l’expérimentation ouverte par l’article 1 de la proposition de loi. « Trois ans, c’est trop court. Il faut cinq années, et se calquer sur la durée d’un mandat municipal », recommande Marc-Philippe Daubresse.

La question du seuil minimal de 20 agents de policiers municipaux, requis dans une commune ou une intercommunalité pour participer à l’expérimentation, risque également de faire débat. Le co-rapporteur Marc-Philippe Daubresse, qui n’a pas déposé d’amendement sur le sujet, souhaite qu’un équilibre soit trouvé entre les différents groupes.

Un besoin de meilleures garanties sur l’utilisation des drones par les forces de l’ordre

L’article 22, qui pose un cadre dans la loi à l’utilisation de drones équipés de caméras par les autorités, risque aussi d’être assorti de garanties nouvelles. Le sénateur Loïc Hervé entend notamment s’inspirer des recommandations de la CNIL et apporter un contrôle par le préfet et le procureur de la République.

Le co-rapporteur se dit également « très réservé » sur les dispositions de l’article 21, qui aborde les caméras mobiles des policiers et gendarmes. Dans l’état actuel du texte, ces derniers pourraient procéder à des enregistrements dans le but d’informer le public sur les circonstances d’une intervention. « Cela change la nature de leur travail », s’inquiète Loïc Hervé.

Sur les dispositions concernant les gardes-champêtres, les rapporteurs veulent également freiner les ardeurs des députés. Un amendement a été déposé pour supprimer l’article 6 quater qui leur permettait de recourir à des appareils photos dans leurs missions. Les sénateurs plaident également pour une « identification commune » des gardes-champêtres sur tout le territoire, avec port de la carte professionnelle et tenue obligatoire pendant leur service.

Les deux rapporteurs font état de bonnes relations sur ce texte avec la majorité présidentielle

Parallèlement, les deux rapporteurs ont également tissé un dialogue avec le gouvernement et la majorité présidentielle. Ils se sont entretenus la veille en visioconférence avec les rapporteurs à l’Assemblée nationale, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, et ce 24 février à la mi-journée avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Le sénateur Marc-Philippe Daubresse a qualifié l’entretien de « tout à fait constructif ». « Sous réserve de ce que nous proposons, je pense qu’on est plutôt sur la voie d’une commission mixte paritaire conclusive avec nos collègues députés », confie-t-il.

Loïc Hervé salue de son côté la « bonne tonalité des échanges ». « Le ministre et nos collègues députés ont semblé très attentifs à nos remarques sur certains points. Ça ne veut pas dire qu’on aboutira à un accord, mais ça veut dire qu’on a pesé avec les arguments du Sénat », témoigne le sénateur de Haute-Savoie.

Le gouvernement aimerait également profiter de la lecture au Sénat pour intégrer dans la proposition de loi quelques nouveaux sujets. Mais le filtre de l’article 45 de la Constitution, empêchant l’introduction de dispositions avec un lien lointain avec le texte, pourrait laisser un certain nombre d’idées au placard. De même qu’un certain nombre d’amendements parlementaires.

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