Sécurité globale : un cadre rénové et de nouvelles prérogatives pour les agents de sécurité privés

Sécurité globale : un cadre rénové et de nouvelles prérogatives pour les agents de sécurité privés

Le Sénat a adopté ce 17 mars le volet, de la proposition de loi dite sécurité globale, qui concerne les entreprises et salariés de la sécurité privée. Face à la montée en puissance du secteur, le texte va l’encadrer davantage. Il leur confère également de nouvelles missions, provoquant l’hostilité de la gauche mais également quelques doutes à droite.
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La France va accueillir prochainement deux grands rendez-vous internationaux : le mondial de rugby en 2023, suivi des Jeux olympiques en 2024. Pour ces grands évènements, les agents de sécurité privés seront évidemment mis à contribution, dans le prolongement de l’action des forces de police et de gendarmerie. C’est dans un secteur qui s’est fortement développé en trente ans, que la proposition de loi des députés LREM Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, soutenus par le gouvernement, entend remettre de l’ordre, en régulant davantage. Le Sénat débattait de ces dispositions ce 17 mars.

Les abus de la sous-traitance combattus

En séance, l’hémicycle a approuvé l’ambition du texte initial, visant à encadrer le recours à la sous-traitance, pour mettre fin aux dérives constatées. Celle-ci sera limitée à deux rangs : un sous-traitant pourra lui-même sous-traiter, mais la délégation ne pourra plus aller au-delà. « Peu de secteurs d’activité sont soumis à une telle contrainte », a expliqué le rapporteur Loïc Hervé (Union centriste), face aux propositions de limitation à un seul niveau. En revanche, les sénateurs n’ont pas suivi les députés sur la limitation de la sous-traitance à 50 % d’un marché. « Inadaptée aux besoins des entreprises », la règle avait été supprimée en commission.

Un débat politique s’est ouvert sur les nouvelles responsabilités ponctuelles conférées aux agents privés de gardiennage et de surveillance. Sur décision du préfet, ils seraient ainsi autorisés à mener des missions de surveillance contre les actes terroristes, aux abords des bâtiments dont ils ont la charge. Cette prérogative les inscrirait davantage dans le « continuum de sécurité ». La vigilance et la sécurité ne sont plus seulement l’affaire des policiers nationaux, gendarmes ou militaires.

Palpations ou surveillance sur la voie publique : la gauche s’insurge de nouvelles prérogatives

Comme la veille, lors des débats sur les nouvelles compétences expérimentales des polices municipales, les groupes de gauche ont bataillé contre cette nouvelle « brèche » dans les missions régaliennes de l’Etat. « S’il y a bien un domaine qui doit rester exclusivement sous le giron de la police nationale et de la gendarmerie, il s’agit bien de l’antiterrorisme », s’est insurgé le sénateur (PCF) Pascal Savoldelli, quand sa présidente Éliane Assassi dénonçait « une forme d’externalisation » de la police (voir l’intervention en vidéo ci-dessus). « On en revient à la philosophie générale de cette proposition de loi, le glissement des responsabilités de l’Etat vers des tiers », a reproché le socialiste Didier Marie.

Le rapporteur Loïc Hervé a admis s’être lui-même posé des questions, avant de se « rallier » à cet article 14, qui ne fait que « prolonger » la mission de surveillance de ces agents privés. La notion de voie publique se limite à la « proximité immédiate » du bâtiment, et ces personnes devront solliciter les forces de l’ordre, en cas de présence d’un individu armé ou d’un colis suspect. « Il ne s’agit pas de demande aux agents de sécurité privés de se substituer aux forces de police dans la lutte antiterroriste », a expliqué le sénateur Loïc Hervé.

La détection des drones par les agents privés a également suscité des réactions chez les socialistes. « Les agents de sécurité privés n’auraient pas vocation à neutraliser les drones ni à actionner eux-mêmes les drones, ils pourraient simplement faire de la détection et prévenir les forces de l’ordre s’ils perçoivent une menace », a défendu Loïc Hervé.

Le nouveau périmètre des agents de sécurité privés ne s’arrête pas là. Ils n’auront plus besoin de l’habilitation, ni de l’agrément pour procéder à des palpations de sécurité, en cas de menace grave pour la sécurité publique ou dans le cadre d’un périmètre de protection. « Ce ne sont pas des actes simples. Ils nécessitent une formation et portent atteinte à l’intimité des personnes », s’est opposée la sénatrice Laurence Cohen (PCF). Plusieurs sénateurs LR ont également demandé que la démarche d’agrément soit maintenue, pour favoriser un bon niveau de professionnalisation. « Baisser le niveau d’exigence serait contraire à la volonté de renforcer l’encadrement de la sécurité privée pour offrir de meilleures garanties au citoyen », expliquait Pascal Allizard (LR) dans son amendement.

Pour le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, l’agrément avait quelque chose de « superfétatoire ». Même explication de la part du rapporteur Loïc Hervé, qui a rappelé que les techniques de palpation étaient incluses dans les formations des agents.

Le Sénat revoit les conditions d’accès dans la profession

Les sénateurs ont par ailleurs accepté de renforcer les prérogatives des agents du CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité), en élargissant ses pouvoirs de contrôle et d’encadrement d’un secteur qui emploie près de 180 000 personnes. Le Sénat a en revanche refusé que le CNAPS puisse infliger de lourdes sanctions pécuniaires en cas de faute, le Conseil pouvant déjà prononcer une interdiction temporaire d’exercer, et les employeurs pouvant prendre leurs propres sanctions.

De la même façon, pour ne pas bloquer de façon trop rigide l’accès à la profession, le Sénat a retiré l’un des articles de l’Assemblée nationale, qui voulait exclure le recours à la validation des acquis de l’expérience pour accéder à des métiers de la sécurité privée. Le Sénat s’est également opposé à l’incompatibilité systématique d’une condamnation au casier judiciaire B2 avec l’exercice d’une activité de sécurité privée. Selon les sénateurs, qui avaient réécrit cet article en commission, il doit revenir au CNAPS, comme c’est le cas actuellement, d’apprécier si une infraction à ce casier est compatible ou non avec ce métier.

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