« Si on veut que les jeunes s’engagent, il faut aussi qu’ils puissent bouffer tous les jours »

« Si on veut que les jeunes s’engagent, il faut aussi qu’ils puissent bouffer tous les jours »

Les organisations de jeunesse auditionnées par la mission d’information du Sénat sur l’égalité des chances, ont souligné les difficultés pour les jeunes, notamment dans les zones rurales, alors qu’« un quart des jeunes ruraux de 18 à 24 ans sont sans emploi ou sans formation ». La mobilité devient pour eux un enjeu crucial.
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Avec la crise du covid-19, la situation d’une partie de la jeunesse est devenue extrêmement compliquée. Précarité, isolement, difficulté dans les études et l’accès à l’emploi, les jeunes cumulent les handicaps. Ces problèmes actuels étaient dans toutes les têtes, mercredi, lors de l’audition de plusieurs organisations de jeunesse par la mission d’information du Sénat sur l’égalité des chances.

Dans la chambre des territoires, la situation des jeunes des zones rurales a d’abord occupé les échanges. « Un jeune de Haute-Saône, de Paris ou de Seine-Saint-Denis n’aura pas les mêmes chances dès le départ, en raison de son origine », souligne Lucile Bertaud, vice-présidente « politique jeunesse » du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP). « Les opportunités ne sont pas les mêmes selon les territoires », ajoute-t-elle.

« Tous les jeunes n’ont pas les moyens d’être mobile »

Selon une étude du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2017, « un quart des jeunes ruraux de 18 à 24 ans sont sans emploi ou sans formation », rappelle Maximilienne Berthelot-Jerez, secrétaire nationale du Mouvement rural de la jeunesse chrétienne (MRJC), « les propositions d’emplois en zone rurale sont plus rares qu’en zone urbaine » (voir vidéo ci-dessous). Des jeunes qui ont donc un « besoin de mobilité assez tôt pour prolonger leur formation et s’insérer dans le monde du travail ». « On a donc des migrations vers d’autres territoires. Les territoires ruraux sont peu desservis en transports publics, donc c’est une nécessité d’avoir son véhicule », souligne encore Maximilienne Berthelot-Jerez.

« Le manque d’emploi dans certains endroits condamne les jeunes à bouger. Mais tous n’ont pas les moyens d’être mobile », ajoute Nicolas Bellissimo, président des JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne. « Un tiers des jeunes dans des territoires ruraux n’a pas pu répondre à une offre d’emploi faute de mobilité », alerte Bertrand Coly, conseiller du groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse du CESE, également l’un des vice-présidents de l’institution. Il ajoute que « les inégalités entre femmes et hommes sont bien plus marquées que sur les autres territoires. Il y a une assignation sociale pour les jeunes filles dans ces territoires-là ». « On ne pense jamais à la logique inverse », ajoute cependant Lucile Bertaud, « il y a peut-être des jeunes urbains qui souhaitent aller en milieu rural. Il n’y a jamais cette réflexion ».

« Avec le collectif, les jeunes se rendent compte qu’ils ne sont pas tout seuls »

Dans ce contexte, comment faire ? La sénatrice PS Michelle Meunier demande si pour les jeunes d’aujourd’hui, « c’est le sauve-qui-peut » et le chacun pour soi, ou « si le groupe a encore de l’avenir pour un jeune en 2021 ». Derrière cela, c’est la question de l’engagement qui se pose. « Cet esprit de groupe existe et se développe même », pense Charles Viger, du Forum français de la jeunesse (FFJ). Encore faut-il « donner des moyens aux associations d’exister. Mais les moyens sont en baisse », tempère Anaïs Anselme, déléguée générale du FFJ.

« Avec le collectif, les jeunes se rendent compte qu’ils ne sont pas tout seuls. Et ça les motive pour se battre », souligne Nicolas Bellissimo de la JOC, « mais on se bat contre une société où l’individualisation augmente ». Il ajoute :

Toute la société divise et on n’est pas invités à faire du collectif aujourd’hui.

Mais avant de s’engager, encore faut-il pouvoir remplir un certain nombre de besoins de base : se nourrir, se loger. C’est ce que rappelle Bertrand Joly, évoquant « les minima sociaux ». « Aujourd’hui, on a des jeunes qui crèvent la faim et pour lesquels il n’y a pas de réponse apportée par la société, et auxquels on dit qu’il faudra payer la retraite des plus anciens demain. Si on veut que les jeunes s’engagent, il faut aussi qu’ils puissent bouffer tous les jours, qu’ils puissent avoir un logement », lance le vice-président du CESE. Bertrand Joly « interroge » au passage « la réforme des APL. C’est plus de 700 millions d’euros d’économies qui seront faits dans le budget de l’Etat sur les jeunes, ou principalement sur les jeunes ».

« Reproduction des inégalités de classe sociale, de genre et géographique »

Pour le Forum français de la jeunesse, Charles Vigier insiste sur l’orientation. « C’est un facteur de reproduction des inégalités de classe sociale, de genre et géographique », souligne-t-il. Nicolas Bellissimo remarque pour sa part que « les jeunes des quartiers ouvriers et populaires ont des ressources limitées », « le manque de réseaux frappe ces jeunes bien souvent ».

Invitées à évoquer une proposition pour la jeunesse par la sénatrice PS Monique Lubin, rapporteure de la mission d’information, les organisations ont quelques idées. Anaïs Anselme souligne que « le RSA (jeune) est quelque chose sur lequel on serait d’accord. Mais sinon, il faudrait un comité interministériel de la jeunesse pour régler ce souci du millefeuille des politiques pour la jeunesse, et tout remettre à plat ». Pour Paul Mayaux, président de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) et membre du CNAJEP, « le revenu de solidarité active doit être un droit universel opposable pour avoir un accompagnement social et fiscal pour toutes et tous, quel que soit le parcours et le niveau de formation ». Autre idée, issue du CESE et mise sur la table par Bertrand Joly : « Rendre obligatoire une compétence jeunesse pour les communautés de communes ». De quoi nourrir le futur rapport sénatorial.

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