SNCF : le ministre des Transports défend un « coup de pouce », avant la prochaine trajectoire financière

SNCF : le ministre des Transports défend un « coup de pouce », avant la prochaine trajectoire financière

Clément Beaune a été auditionné ce 5 octobre, par les sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire, très inquiets sur les moyens accordés au réseau ferroviaire. Il a défendu un arbitrage favorable de Matignon pour 2023, mais n’a pas encore livré de détails sur l’actualisation de la trajectoire financière de moyen terme.
Guillaume Jacquot

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« Vous allez pouvoir ouvrir un bureau annexe au palais du Luxembourg, tant les questions de transports sont au cœur des problématiques de notre commission ! » Le sénateur Jean-Michel Houllegatte (PS) a traduit avec humour l’intérêt de la vingtaine de collègues qui l’ont précédé au micro pour la première audition du nouveau ministre délégué chargé des Transports. Qualifié de « colonne vertébrale de la mobilité verte » par le ministre Clément Beaune, le transport ferroviaire s’est taillé une part importante des échanges à la commission de l’aménagement du territoire au Sénat, ce 5 octobre.

Dès les premières minutes, le président de la commission, Jean-François Longeot (Union centriste), a mis les pieds dans le plat en abordant le départ surprise de Luc Lallemand, le patron de SNCF Réseau. Ce qui porte les attributs d’un « débarquement » constitue un « sujet de préoccupation majeur » dans les rangs du Sénat, selon lui. « Je pense qu’il était important d’ouvrir un nouveau chapitre », a commenté le nouveau ministre. Au-delà de cette « nouvelle impulsion » à la tête de cette société chargée de la maintenance et de l’aménagement des infrastructures ferroviaires, Clément Beaune a vanté les qualités du numéro 2 de Réseau, qui aura la lourde charge de prendre la relève, si sa nomination est confirmée. « Il est sans doute l’un des meilleurs connaisseurs – dans son lien avec les collectivités territoriales, les équipes, dans sa connaissance des projets – de notre réseau ferré. »

Mais plus que ce changement de direction, c’est sur l’épineuse question des ambitions – et donc des moyens – de SNCF Réseau que les sénateurs ont aiguillé le débat. Depuis l’été, la commission de l’aménagement du territoire bataille contre le nouveau contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau, qu’elle juge bien en deçà des besoins. « Vous pouvez changer de président de SNCF Réseau mais si vous ne lui donnez pas des moyens supplémentaires pour régénérer, moderniser notre réseau cela ne changera rien […] Le mur d’investissements est devant nous. Si on tergiverse, on va se le prendre en pleine face », a averti Philippe Tabarot (LR), rejoint par des collègues de toutes tendances.

« Mettre la priorité sur le réseau »

Pour Clément Beaune, ce contrat de performance ne méritait pas tant de commentaires négatifs. « Il comporte un investissement qui n’a jamais été réalisé ces quatre dernières décennies : 2,9 milliards d’euros par an, sur dix ans. On peut dire qu’il faut aller plus loin. Enfin, c’est un effort qu’on n’a jamais fait », a-t-il défendu. À une autre échelle, le patron de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, évalue les besoins à 100 milliards sur 15 ans, pour faire doubler la part du train dans les déplacements des Français.

En matière d’engagements budgétaires, le ministère va devoir proposer prochainement une actualisation de la trajectoire d’investissements qui avait été fixée dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) en 2019. « Le gouvernement n’a pas encore arrêté ce qui sera sa position », a simplement indiqué Clément Beaune. Ses services attendent la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures. « Je ne vais pas vous faire aujourd’hui une annonce sur une trajectoire, puisque c’est plus tard que nous la définirons, d’ici le début de l’année prochaine. » Le ministre n’a su dire non plus à ce stade si un nouveau projet de loi était nécessaire. La seule certitude est qu’il entend « mettre la priorité sur le réseau ».

À plus court terme, puisque les parlementaires examineront dans les prochaines semaines le budget 2023, le ministre a notamment fait état de 3,8 milliards d’euros dédiés au financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT). L’essentiel des fonds affectés à cette structure, présidée depuis peu par Jean Castex, sera « largement consacré au transport ferroviaire », a insisté le ministre. Clément Beaune affirme qu’un arbitrage de la Première ministre – passée elle aussi par le ministre des Transports – a permis de relever de 150 millions d’euros la trajectoire qui était prévue par la loi d’orientation des mobilités. « Ce sont des montants modestes mais complémentaires aux 2,9 milliards [de SNCF Réseau]. Je le présente plutôt comme un signal ou un coup de pouce. Un petit coup de pouce, mais qui donne la direction », a résumé le ministre.

Plutôt pour des investissements dans le matériel plutôt que dans une baisse de la TVA sur les billets de train

L’annonce d’un budget global pour les politiques de transports (tous modes de transports confondus) – 12 milliards d’euros pour 2023, soit +15 % en un an – n’a pas apaisé les préoccupations sénatoriales sur le financement des petites lignes et la remise à niveau des lignes. « Il faut faire bien plus que le simple maintien en l’état du réseau. Le contrat de performance, même si on monte le curseur, ne permettrait même pas ce strict minimum », s’est inquiété le sénateur écologiste Jacques Fernique. « Ce que nous souhaitons, c’est un peu plus qu’un coup de pouce », a appuyé le socialiste Olivier Jacquin, après avoir déploré un « sous-investissement chronique ».

Alors que plane la menace d’une hausse des tarifs des billets SNCF, entraînée par l’inflation des coûts de l’énergie, le sénateur de Meurthe-et-Moselle en a profité pour demander au nouveau ministre sa position sur un abaissement de la TVA (de 10 % à 5,5 %) sur les billets de train. Ce type de proposition a déjà réuni une majorité de voix au Sénat, par le passé.

Au risque de décevoir le parlementaire, Clément Beaune a répondu que ce type de mesure n’était pas son « rêve le plus absolu ». « Je crois que nos moyens financiers doivent être avant tout consacrés à l’offre, plus qu’à la demande. Des rames rénovées, des trains nombreux et disponibles. On a déjà de quoi faire. Ça ne veut pas dire qu’à court terme, notamment dans une période d’inflation, de pouvoir d’achat qui nous pose des difficultés, on ne doit pas réfléchir à des mesures qui peuvent encourager l’usage des transports publics. » Clément Beaune affirme qu’il n’a « pas encore de réponse » et que « la discussion parlementaire peut l’éclairer ». La porte sera-t-elle ouverte dans cette nouvelle législature ?

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