SNCF : « Nous sommes déjà à 5 milliards d’euros de pertes par rapport au chiffre d’affaires attendu » affirme Jean-Pierre Farandou

SNCF : « Nous sommes déjà à 5 milliards d’euros de pertes par rapport au chiffre d’affaires attendu » affirme Jean-Pierre Farandou

La commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable a auditionné Jean-Pierre Farandou, candidat à sa réélection aux fonctions de président-directeur général de la SNCF. Crise sanitaire, situation du groupe, petites lignes… tous les sujets ont été abordés
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Par Elise Le Berre

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Des interrogations sur le passé, et des inquiétudes pour l’avenir. À l’occasion de l’audition de Jean-Pierre Farandou, candidat proposé au poste de président-directeur général de la SNCF, les questions des sénateurs se bousculaient : il faut admettre que cette première année d’exercice à la tête de la compagnie ferroviaire aura été « pour le moins, particulière », concède l’actuel PDG. La transformation du groupe, au 1er janvier 2020, en société anonyme, les mouvements sociaux contre la réforme des retraites, puis la crise sanitaire et les confinements, ont effectivement rendu toute particulière cette première année d’exercice. Mais de ces épisodes marquants, Jean-Pierre Farandou souhaite retenir la capacité d’agilité du groupe, et a rappelé que oui, « la SNCF fonctionne », et qu’elle est même sortie « grandie de la crise sanitaire ».

 

« Un homme du métier » à qui « rien n’aura été épargné »

 

Avec ses « quelques heures de vol » au sein de la compagnie - un doux euphémisme, puisqu’il est entré à la SNCF en 1981 – Jean-Pierre Farandou a d’emblée rappelé son parcours : « On peut dire que je suis un cheminot », un « homme de métier », qui a notamment occupé les métiers de chef de gare, de chef de dépôt, mais qui est aussi passé par les directions régionales, ce qui a d’ailleurs nourri « sa première expérience de relation avec les territoires ».

L’actuel PDG l’admet, « c’est peu de dire que le contexte a changé » depuis son arrivée à la tête du groupe. Jean-Pierre Farandou est revenu sur sa première année d’exercice : un premier mouvement de grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites, qui a commencé en 2019 et a duré jusqu’en février, « le plus long mouvement jamais connu », et la crise sanitaire. « Jamais l’activité ferroviaire n’avait connu un coup d’arrêt aussi soudain, […] nous sommes passés en mars de 15 000 trains par jour, à 3500 trains par jour, et de 5 millions de voyageurs, à 150 000 voyageurs par jour ».

 

Jean-Pierre Farandou: "En mars, nous sommes passés de 15 000 à 3500 trains par jour"
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Outre la première mutation que représente pour le groupe la crise épidémique de covid-19, dont les premières secousses commencent à se faire sentir avec la baisse inédite du trafic ferroviaire, il s’agit également de faire face à une deuxième mutation, celle de l’ouverture à la concurrence.

À cette question, Jean-Pierre Farandou est ferme : « Je demande que nous jouions le jeu de la concurrence », même s’il admet tout de même souhaiter « éviter de perdre des parts de marché ». « Cela nous stimule », « à nous de démontrer […] que nous sommes un partenaire avec lequel les régions peuvent continuer de travailler. » « Nous ne serons plus subis, nous espérons être choisis ».

 

La SNCF, « utile dans les périodes de crises, utile aux territoires, utile pour répondre à l’urgence climatique, utile sur le plan social et économique »

 

Jean-Pierre Farandou a tenu à faire remarquer le rôle essentiel du groupe lors de la crise sanitaire, puisque dès mars 2020, ce sont un milliard de masques qui ont été acheminés de la Chine vers la France grâce à Geodis, qui a également acheminé des malades, et fait rouler des frets afin que l’économie vitale du pays tienne.

Mais ce rôle essentiel ne s’arrête pas là : prenant à partie Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes du groupe Les Républicains (LR), le PDG de la compagnie ferroviaire a rappelé l’action de la SNCF lors de catastrophes naturelles : « Dans les Alpes-Maritimes, […] nous avons transformé un TER en un TER cargo, un train de marchandises, pour contribuer à l’effort de ravitaillement des villages ».

 

"Le fret ferroviaire a joué un rôle majeur pour acheminer les masques lors de la crise sanitaire."
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Pour Jean-Pierre Farandou, le rôle de la SNCF consiste aussi à répondre à « l’urgence économique, pour les entreprises et les territoires : le fret ferroviaire a joué un rôle décisif dès le début et au plus fort de la crise sanitaire en permettant l’acheminement des biens essentiels. La période a montré à quel point le fret ferroviaire constitue un enjeu stratégique pour le pays, qui permet de réconcilier besoins logistiques […] et protection de l’environnement ».

 

2020, annus horribilis pour la compagnie ferroviaire

 

Didier Mandelli (LR) a été heureux de constater les « convictions et motivations intactes » de Jean-Pierre Farandou malgré « l’année horrible » pour la SNCF.

Il est vrai que la nouvelle forme de gouvernance du groupe, les grèves, la crise sanitaire et le confinement, ont largement occupé l’esprit des sénateurs, qui se sont enquis de l’estimation des pertes pour la compagnie, mais aussi du montant prévu par le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, qui doit, d’après le gouvernement, « véritablement relancer le transport ferroviaire ».

« En effet les tensions économiques restent fortes : juste avant l’annonce du second confinement, donc fin octobre de cette année, nous étions déjà à 5 milliards d’euros de pertes de décalage par rapport au chiffre d’affaires attendu ». « Et on le sait bien, la situation va encore se dégrader, avec le confinement numéro deux et la réduction du trafic pour la fin de l’année », confirme Jean-Pierre Farandou.

Or, à ces tensions économiques, s’ajoutent de nouvelles inquiétudes liées à la modification, par la crise sanitaire, du comportement des usagers, qui sont dorénavant « nombreux à privilégier l’usage de la voiture plutôt que celui du transport collectif », et « dont on peut penser qu’ils seront moins nombreux, demain, à prendre le train en raison de la généralisation du télétravail ». Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, a interrogé le candidat au poste de PDG de la SNCF sur la stratégie pour faire revenir les passagers dans les trains. Pour cela, il faut d’abord « partir à la reconquête » des clients, notamment en réajustant l’offre afin de mieux « coller aux nouveaux comportements ». Et pour ce faire, deux conditions : « le train ne doit pas être plus coûteux que la voiture, d’autre part l’offre de transport doit être attractive notamment dans les zones rurales », annonce Jean-Pierre Farandou.

Selon lui, le groupe doit aujourd’hui relever plusieurs défis collectifs : un défi environnemental, d’abord, puisque « le train constitue une réponse d’avenir face aux enjeux climatiques, la clé de la mobilité de demain », d’où l’importance d’inciter les Français à délaisser la voiture - « grande gagnante de la crise sanitaire » -.

Un défi socio-économique, également, puisque dans une « période brutale, nous devons veiller à l’emploi, et notamment à l’emploi des jeunes ». À cela, il avance 7000 contrats d’alternance - faisant de la compagnie ferroviaire « l’entreprise qui [aura] le plus d’alternants en France » - et 2500 contrats d’insertion. Le défi territorial, enfin, avec le « ferroviaire de proximité », et la participation de la SNCF, en tant « qu’entreprise publique, à la cohésion sociale et au dynamisme économique des territoires ».

 

« Nous sommes inquiets pour la mobilité ferroviaire sur nos territoires »

 

Enfin, Philippe Tabarot a mis sur la table le sujet des petites lignes et du plan Philizot : « Cette commission a porté lors du projet de loi de finances un amendement pour rappeler qu’à notre avis, suite au rapport Philizot, de nombreuses lignes de dessertes fines du territoire vont être amenées à fermer faute par l’État de pouvoir respecter sa participation financière ». « Comment investir près de 700 millions d’euros par an - c’est à peu près la somme à atteindre pour respecter les 6,4 milliards nécessaires que préconise le rapport Philizot - alors même que cette année, [..] le plan de relance ne prévoit que 300 millions d’euros pour deux ans sur nos petites lignes ? […] nous sommes inquiets […] pour la mobilité ferroviaire sur nos territoires ».

« Je pense que la clé, […] c’est la capacité de l’État à trouver des conventions avec des régions pour arriver à se mettre d’accord sur les lignes qui doivent être maintenues en priorité », réplique Jean-Pierre Farandou.

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