« Souffrez que je vous réponde ! » : vif accrochage entre Éric Dupond-Moretti et Philippe Bas

« Souffrez que je vous réponde ! » : vif accrochage entre Éric Dupond-Moretti et Philippe Bas

La séance sur le projet de loi pour la « confiance dans la justice » est montée dans les décibels ce 28 septembre. Le garde des Sceaux n’a pas laissé passer la critique sur le bilan du quinquennat en matière de justice énoncée plus tôt par le sénateur LR Philippe Bas.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Entre Éric Dupond-Moretti et les sénateurs, les relations sont loin d’être un long fleuve tranquille. Il n’est pas rare que le ton monte entre le garde des Sceaux et le Sénat. La séance, ce 28 septembre, sur le projet de loi sur la « confiance dans la justice » avait pourtant débuté dans la sérénité, malgré l’affichage de quelques points de désaccord sur les dispositions du texte.

Et puis la fin de la discussion générale en début de soirée a viré à un échange musclé portant sur le bilan de la présidence Macron en matière de justice. Philippe Bas (LR), figure de premier plan de la commission des lois du Sénat, a d’abord raillé le nom « présomptueux » du projet de loi, avant de protester contre le bilan du quinquennat en matière de justice.

Philippe Bas « ulcéré » par la promesse non-tenue sur les places de prison

La droite sénatoriale aime le rappeler, la promesse présidentielle d’accroître de 15 000 le nombre de places de prison ne se réalisera pas dans les temps. Philippe Bas parle d’un échec grave. « M. le garde des Sceaux, vous vous dites ulcéré du procès qui est fait au gouvernement à propos des 15 000 places de prison que le président de la République s’est engagé à construire durant son quinquennat. Et moi je suis ulcéré qu’on puisse oser prétendre que cet engagement a été tenu. »

Philippe Bas a également voulu nuancer le tableau dépeint par le ministre en ouverture des débats, celui d’un budget de la Justice en hausse de « 33 % en cinq ans ». Pour lui, la loi de programmation de février 2019 est arrivée bien tard. « On ne rattrapera pas les sous-dotations des premières années du quinquennat », reproche-t-il. Le sénateur enchaîne avec la remise à niveau et pointe des « sous-consommations de crédits », une « anomalie grave dans le fonctionnement de l’Etat. » « Un tiers des crédits d’investissement de ces trois années n’a pas été engagé. C’est très grave […] Le compte n’y est pas. »

« Vous voudriez que je vienne ici à Canossa, la tête baissée pour dire : on n’a rien fait ? Mais c’est une plaisanterie ! »

Sur les bancs des ministres, l’ancien ténor du barreau fulmine. Quand vient son tour, pour répondre aux interpellations, il laisse éclater sa colère. « Ce que nous avons fait — pardon mais c’est vous qui avez donné cette tournure politicienne — vous ne l’avez pas fait », rétorque le ministre. Lequel se lance dans une litanie de chiffres, sur la progression du nombre de greffiers ou de magistrats, dont le nombre est passé, selon lui, de 8 427 au 1er janvier 2017 à 9 090. Puis il souligne la baisse nette du taux de vacances des magistrats, avant d’être repris. « Oui, vous avez dit le contraire dans un discours un peu fumeux, purement politicien. »

Derrière son masque, la respiration bruyante traduit son exaspération. « C’est insupportable, la critique pour la critique… » La présidente de séance, la socialiste Laurence Rossignol, est obligée d’intervenir pour demander aux sénateurs, comme au ministre, de « baisser d’un ton ». Il faut dire que les deux hommes n’en sont pas à leur premier accrochage de l’année, loin s’en faut. Le ton était monté cet été au moment d’une question sur l’échec de la révision constitutionnelle. Plus tôt, au printemps, c’est un échange glacial au cours d’une audition, sur le projet de loi luttant contre les séparatismes, qui avait opposé le garde des Sceaux et l’ancien président de la commission des lois.

Ce mardi soir, Éric Dupond-Moretti se plaît à rappeler que la droite a « peu de leçons » à donner, s’agissant des suppressions de postes de fonctionnaires de police lorsqu’elle était au pouvoir. « Vous verrez les 7 000 places [de prison] qui seront livrées en 2022-2023. Quant aux 8000, le président de la République a dit, en 2018, qu’il y aurait au total 15 000 places d’ici 10 ans. En 2027, toutes les places seront livrées. » La joute se poursuit avec l’hémicycle, mais la tension retombe difficilement. « Je termine, mais souffrez que je vous réponde, vous voudriez que je vienne ici à Canossa, la tête baissée pour dire : on n’a rien fait ? Mais c’est une plaisanterie ! »

Dans la même thématique

European Parliament in Strasbourg
7min

Politique

Européennes 2024 : les sondages peuvent-ils encore bouger ?

Les rapports de force vont-ils rester globalement stables jusqu’au scrutin du 9 juin ? La liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann peut-elle dépasser celle de la majorité présidentielle de Valérie Hayer ? Marion Maréchal va-t-elle devancer la liste LR de François-Xavier Bellamy ? Les Français vont-ils se décider au dernier moment ? Eléments de réponses avec quatre sondeurs.

Le

France Migration
6min

Politique

Convocation de Mathilde Panot : pourquoi les poursuites pour « apologie du terrorisme » sont en hausse ?

La présidente des députés LFI, Mathilde Panot a annoncé, mardi, sa convocation par la police dans le cadre d’une enquête pour « apologie du terrorisme » en raison d’un communiqué de son groupe parlementaire après les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre. Depuis la loi du 13 novembre 2014, les parquets poursuivent plus régulièrement au motif de cette infraction. Explications.

Le