Stations de ski : « En une phrase, on a douché tous les espoirs des professionnels », déplore Cyril Pellevat

Stations de ski : « En une phrase, on a douché tous les espoirs des professionnels », déplore Cyril Pellevat

Le président de la République a refroidi les espoirs des professionnels en jugeant « impossible » une ouverture des stations pour les fêtes. Mais la porte reste ouverte et les sénateurs entendent plaider pour la réouverture des remontées mécaniques avant janvier.
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Par Héléna Berkaoui

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Les annonces d’Emmanuel Macron, mardi, sont tombées comme un couperet pour les professionnels des stations de ski. « Il me semble impossible d’envisager une ouverture pour les fêtes », a déclaré le président de la République privilégiant une ouverture « courant janvier ». Une déclaration mal reçue alors qu’une concertation est en cours dont la décision définitive sera rendue entre le 5 et le 8 décembre. Ce matin, sur France inter, Bruno Le Maire assurait que des indemnisations seraient instaurées en cas de non-réouverture avant les fêtes de Noël. Ces pertes sont estimées à 2 milliards d’euros pour 2020, selon les représentants des stations de ski.

Au Sénat, où le sujet a été pris à bras-le-corps, c’est aussi la douche froide. « En une phrase, on a douché tous les espoirs des professionnels qui avaient pourtant travaillé sur des protocoles sanitaires », déplore le sénateur de la Haute-Savoie, Cyril Pellevat. Le Président de l’Association Nationale des Maires des Stations de Montagne, Jean-Luc Boch, dit, pour sa part, avoir pris un coup de massue.

Avant toutes choses, c’est la méthode qui hérisse : « Une annonce venue d’en haut qui nie le travail réalisé par les acteurs du secteur, peste le sénateur de l’Isère, Guillaume Gontard. On a l’impression qu’on fait semblant de nous associer et finalement une décision tombe sans prise en compte de ce qui a pu être dit ».

Après une première rencontre avec les élus, vendredi soir, les représentants du secteur ont été reçus à Matignon, lundi, sortant de cette réunion avec la promesse qu’une décision serait prise sous dix jours. Le 16 novembre, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, appelait, elle, les stations de ski à recruter des saisonniers « quitte à demander ensuite du chômage partiel ». Un enchaînement qui donne « l’impression d’avoir des ordres et des contre-ordres » et « une communication peut-être un peu hasardeuse », estime Cyril Pellevat.

« Derrière, c’est 120 000 emplois et pour certaines stations cela représente 3 % de leur chiffre d’affaires annuel, l’indemnisation ne couvrira pas tout », rappelle le sénateur de la Haute-Savoie qui préside le groupe d’étude Développement économique de la montagne ». Le sénateur a entamé une série d’auditions des acteurs du secteur de la montagne pour formuler des propositions, il a déjà envoyé des demandes de contributions écrites aux maires des communes concernées. Après l’allocution d’Emmanuel Macron, c’est une tristesse générale qui lui est remontée : « Les élus me disent qu’ils s’y attendaient mais ils sont déçus notamment face au travail accompli ». Malgré la déclaration du président de la République, il publiera un rapport assez solide le 1er décembre comportant des préconisations pour une réouverture.

« Si on est toujours sur une décrue, on pourrait envisager une réouverture avant le mois de janvier »

« La porte n’est pas tout à fait fermée », veut-il croire en reprenant les propos d’Emmanuel Macron : « On voit les effets d’une mesure par tranche de 15 jours comme il le dit lui-même ». Cyril Pellevat rappelle que trois scénarios sont sur table. Le premier consiste en une réouverture complète des stations, restaurants compris, mais semble tout à fait compromise. La seconde, « la solution du pire », est celle énoncée par le président de la République à savoir une fermeture complète. Et la dernière implique la réouverture des remontées mécaniques avec un dispositif de ventes à emporter pour les restaurants. C’est en faveur de cette troisième solution que Cyril Pellevat va plaider les prochains jours. « Si on est toujours sur une décrue, on pourrait envisager une réouverture avant le mois de janvier », espère-t-il.

« Il ne faut pas fermer la porte à une réouverture, il faut continuer les discussions et apporter des réponses », plaide, lui aussi, le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard. « Il faut absolument une nouvelle rencontre a minima pour expliquer cette décision. Tout le monde peut comprendre mais il faut que les choses soient clairement exposées », insiste-t-il.

Lire aussi. Stations de ski : des sénateurs plaident pour une ouverture « avant Noël »

La situation sanitaire reste néanmoins tendue dans la région alpine, comme le rappelait Jean Castex lors de sa rencontre avec les acteurs du secteur. La Haute-Savoie présente encore le taux d'incidence le plus élevé de France (485,4/100.000 hab) juste devant la Savoie voisine (385,9/100.000) et l'Isère (365,2/100.000). Une reprise de l’activité fait craindre que les accidentés du ski viennent engorger des hôpitaux déjà sous tension avec la crise sanitaire. 

Au niveau européen, les réponses ne sont pas toutes les mêmes. L’Allemagne et l’Italie se dirigent vers une fermeture des stations mais l’Autriche songe à rouvrir ses pistes comme c’est déjà le cas de la Suisse. « Une coordination européenne est menée à’'initiative de la France », indiquait Matignon pour trouver des solutions communes. « On a différentes manières d’aborder les choses et cela pose des questions en termes de compréhension notamment quand les pistes sont sur des distances très proches », note Guillaume Gontard.

Le sénateur écologiste voit aussi en cette crise un possible point de départ pour une réflexion plus globale. « Il y a un grand plan à mettre en œuvre, il y a matière à réfléchir à un autre type de tourisme en développant des offres alternatives ». La crise du coronavirus s’ajoute au réchauffement climatique qui menace de plus en plus sérieusement les stations de basse et moyenne montagne. En 2018, la Cour des comptes s’était penchée sur les stations des Alpes du Nord face au réchauffement climatique et appelait à créer un nouveau modèle de développement. « Aujourd’hui, il n’y a rien de satisfaisant sur ces questions-là et on ne s’en sortira pas avec des canons à neige », prévient Guillaume Gontard.

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