Stop Covid : le Sénat approuve à son tour l’application de traçage numérique

Stop Covid : le Sénat approuve à son tour l’application de traçage numérique

Après l’Assemblée nationale, le Sénat à majorité de droite et du centre a approuvé dans la nuit du 27 au 28 mai, lors d’un vote en séance, l'application pour smartphone StopCovid. Cet outil de traçage numérique, basé sur une utilisation volontaire, doit concourir à briser les chaînes de contamination du Covid-19.
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C’est un double feu vert au Parlement. Le Sénat, chambre dominée par la droite et le centre, a voté ce 27 mai, peu avant minuit, en faveur de l'application pour smartphone StopCovid. Cet outil numérique, l’un des axes de la stratégie de déconfinement, doit contribuer à freiner la propagation de coronavirus. 186 sénateurs ont approuvé la déclaration du gouvernement (la majorité des sénateurs LR, LREM et des Indépendants), tandis que 127 s’y sont opposés (groupes socialiste, communiste, et une bonne partie du RDSE). 29 se sont abstenus, en majorité des centristes.

Plus tôt dans la soirée, l’Assemblée nationale avait approuvé ce système de traçage, par 338 voix contre 215. Cédric O, le secrétaire d’État chargé du Numérique avait assuré qu’en cas de vote négatif des deux assemblées, l’application ne serait pas déployée. Lors du débat au Sénat, suivi d’une séance de questions-réponses, il a précisé que cette technologie française allait pouvoir être déployée en début de semaine prochaine.

« Le plus dur commence à partir de mardi prochain »

« Le plus dur commence à partir de mardi prochain », a-t-il expliqué. La fameuse date du 2 juin. Cette application, dont le téléchargement et l’utilisation sont basés sur le volontariat, est l’un des outils de « la deuxième partie du plan de déconfinement » du gouvernement. Les données seront « pseudonymisées » et supprimées au bout de 14 jours. L’application s’arrêtera six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. StopCovid épaulera le travail des équipes de suivi sanitaires, en permettant à un utilisateur de savoir s’il a croisé une personne porteuse du coronavirus, au moyen de la fonction Bluetooth du téléphone. Ces « cas contact », croisés à moins d’un mètre pendant un quart d’heure, seront invités par un médecin à être testés et isolés pendant une quatorzaine. En cas de test positif, l’utilisateur pourrait se déclarer porteur du virus à son tour sur l’application.

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Un intense débat politique – calme mais passionné – a rythmé pendant deux heures et demie l’hémicycle de la Haute assemblée. Chacun essayant de peser le pour et le conte, les uns d’insister sur les avantages et les garanties offertes, les autres de mettre en avant plutôt les failles et leurs inquiétudes. De manière inhabituelle, le président du Sénat, Gérard Larcher, n’a pas conduit les débats (Jean-Marc Gabouty, RDSE, était au plateau), mais a assisté au débat, depuis les bancs, auprès de ses collègues LR.

« Un peu vaut mieux que rien du tout », selon Bruno Retailleau (LR)

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Cette droite sénatoriale, dans sa grande majorité, s’est prononcée en faveur de StopCovid, là où l’essentiel de leurs homologues députés a choisi de voter contre. Et peu importe que l’application ne soit fiable qu’à 80 %. « Un peu vaut mieux que rien du tout, surtout lorsqu’il faut briser les reins de cette épidémie », a harangué Bruno Retailleau, président du groupe LR, pour qui « n’écarter aucune solution » sonne comme un « devoir ». Le sénateur de la Vendée a jugé que le dispositif était suffisamment porteur de garanties et de moyens de contrôle. Le développement en France de ce programme, indépendamment des GAFAM, a achevé de le convaincre, au nom de la « souveraineté numérique ».

Pour Emmanuel Capus, orateur du groupe Les Indépendants, les garanties apportées par le gouvernement, après les avis de la CNIL (commission nationale informatique et libertés), semblent « suffisamment solides ». Le sénateur du Maine-et-Loire veut espérer que ce type d’outil permettra d’éviter un nouveau confinement, « la pire des privations de libertés que nous ayons connue », selon lui. Le petit groupe de la République en marche au Sénat a aussi logiquement apporté son soutien au gouvernement. « Ce n’est évidemment pas Big Brother qui est proposé », a voulu tempérer le sénateur LREM Julien Bargeton, évoquant un « curseur au bon endroit », entre libertés individuelles et la protection sanitaire.

« On doit toujours être vigilant à ne pas passer d’une société de la bienveillance à une société de la surveillance », demande Loïc Hervé (Union centriste)

StopCovid : « Ne pas passer d’une société de la bienveillance à une société de la surveillance », demande Loïc Hervé
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La moitié des membres de l’Union centriste se sont abstenus. Parmi les autres, le vote contre l’a nettement emporté, à l’image du sénateur Loïc Hervé, l’un des sénateurs siégeant à la CNIL. Pour le parlementaire de Haute-Savoie, « tant de défauts et si peu de mérites » ne pouvaient l’engager sur la voie du « solutionnisme technologique ». Citant des exemples d’échecs de ce type d’application dans le monde, ou déplorant une arrivée trop tardive de cette solution, Loïc Hervé s’est surtout inquiété des conséquences à plus long terme. « Nous ne sommes qu’au début d’un basculement », a-t-il mis en garde, dans une vibrante intervention. « On doit toujours être vigilant à ne pas passer d’une société de la bienveillance à une société de la surveillance. »

À gauche, la crainte du « précédent » que constituerait StopCovid est aussi vive, comme au groupe socialiste, qui a voté contre, d’un seul bloc. « J’ai de sérieux doutes sur l’inviolabilité du fichier centralisé » :  Jérôme Durain n’a pas seulement étalé ses peurs sur les failles techniques. Le sénateur de Saône-et-Loire a dit craindre que la France « ne soit à un tournant », celui d’un « monde fondé sur la méfiance généralisée entre les individus ».

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Même sentiment de gêne au groupe communiste, où les 16 membres ont également voté « résolument » contre. Pour leur présidente, Éliane Assassi, l’application « n’assure pas l’équilibre entre les libertés individuelles et l’efficacité sanitaire ». Regrettant la rapidité de développement, elle a affirmé que « ce genre de dispositif » constituait une « dérive idéologique ».

Au groupe RDSE, réunissant essentiellement des sénateurs du mouvement radical, les deux tiers se sont opposés. Malgré son vote pour, Françoise Laborde a tenu à dire qu’ « aucune démocratie » n’était « à l’abri d’une dérive ». « Les crises interrogent nos consciences sur les libertés fondamentales que nous sommes enclins à sacrifier de manière provisoire ou non », a-t-elle expliqué.

Craintes sur les données : ce serait « mentir que d’affirmer que le risque zéro n’existerait pas »

Représenté par trois de ses membres, le gouvernement a assuré que les libertés individuelles étaient « préservées » et « garanties ». Utilisation volontaire, caractère temporaire, données non-identifiantes et transparence sur le code source : « la vie privée des Français est respectée », a insisté la garde des Sceaux, Nicole Belloubet.

Ni « une coquetterie technologique », ni un outil « magique », mais « un complément utile », a argumenté Cédric O, estimant qu'il est fondamental de pouvoir « gagner du temps » dans la détection des cas contacts. Interrogé sur le risque d’un piratage des données centralisées, il a répondu que ce serait « mentir que d’affirmer que le risque zéro n’existerait pas ».

Sur les failles dans la souveraineté française, le secrétaire d’État a été interrogé à deux reprises, par le communiste Pierre Ouzoulias, et par la présidente (centriste) de la commission de la Culture, Catherine Morin-Dessailly. Pour les captchas (système de vérification pour s’assurer que l’utilisateur est bien humain) de Google, Cédric O a bien reconnu qu’il n’existait aucune solution française pour l’heure mais qu’une solution développée par Orange serait disponible dans deux semaines.

Sur les données de santé du Health Data Hub stockées sur des serveurs de Microsoft, le secrétaire d’État au Numérique a indiqué qu’une solution française n’aurait pas permis de faire des recherches aussi poussées avec des intelligences artificielles, tout en précisant que des « garanties techniques et juridiques ». Cet épisode illustre toutefois « l’urgence » avec laquelle la question de l’avenir du cloud pour la France doit se poser, selon lui.

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