Suppressions de postes de fonctionnaires : comment la droite a calmé ses ardeurs

Suppressions de postes de fonctionnaires : comment la droite a calmé ses ardeurs

Alors que Valérie Pécresse s’engage à diminuer les effectifs de la fonction publique, un état des lieux à droite laisse présager un ton moins offensif, après les surenchères des différents candidats au moment de la primaire 2016. Le contexte a évolué.
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Serait-ce le retour d’un totem de la droite, revisité ? La réduction de la voilure de l’État, et notamment des effectifs de ses agents, revient dans les programmes, pour faire baisser la dépense publique. Candidate à l’investiture des Républicains pour l’élection présidentielle, Valérie Pécresse propose de supprimer 150 000 postes « dans l’administration administrante ». Interviewée ce 19 octobre par le quotidien L’Opinion, la présidente de la région Île-de-France précise néanmoins : « L’État doit se recentrer sur ses trois missions prioritaires : protéger, éduquer, soigner, avec là où il le faut des postes supplémentaires pour la justice, l’éducation et les soins. Il ne s’agit pas de dégrader le service public, ni de casser la reprise. Mais les dépenses doivent baisser ».

Quatre semaines auparavant, c’est Éric Ciotti, lui aussi candidat, qui faisait de la réduction du nombre de fonctionnaires l’une de ses principales propositions. L’ampleur de la coupe est toutefois plus importante – 250 000 postes – mais le député a peu de chances de sortir vainqueur de la primaire.

« Soyons prudents avec le rabot sur les fonctionnaires », prévient un porte-parole de Xavier Bertrand

Chez les deux autres candidats qui occupent le haut de l’affiche, aucune annonce comparable. La campagne n’en est encore qu’à ses débuts, néanmoins ce silence est probablement le signe d’une certaine prudence sur le sujet. Pour le moment, Xavier Bertrand ne s’est engagé sur aucun chiffre. « Soyons prudents avec le rabot sur les fonctionnaires », avertit Olivier Paccaud, l’un de ses porte-parole. Il faut dire qu’en cinq ans, le contexte a sensiblement évolué. Le recul des services publics et de la présence de l’Etat dans les territoires pendant des années a été mal vécu par les citoyens. « Les Français ne veulent pas moins d’État, ils l’ont montré durant la crise des Gilets jaunes », rappelle le sénateur de l’Oise. Cela ne veut pas dire que les effectifs ne seraient pas amenés à évoluer. « Peut-être que l’État fait trop de choses. Il faut le recentrer sur ses missions régaliennes. Si on avait une ligne de conduite, ce serait : qui embrasse trop mal étreint », résume Olivier Paccaud.

Michel Barnier n’a pas pris non plus de position publiquement sur le sujet. Les réflexions se poursuivent. L’un de ses conseillers politiques, le sénateur Cédric Vial, reconnaît à titre personnel que « la situation de ces dernières années a sensiblement évolué. » « Supprimer des fonctionnaires : la question, c’est de savoir où, et lesquels. Il y a des difficultés des services publics dans le monde rural, aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il faille continuer ce qui a été fait ces dernières années », défend le sénateur de la Savoie. Une façon de dire qu’une logique purement budgétaire serait malvenue. « Il faut poser les questions dans l’ordre : dire quel est d’abord le rôle de l’État, et comment l’État est en capacité de l’exercer. »

En seulement cinq ans, l’objectif chiffré disparaît du programme du parti

Le projet présidentiel, adopté par les Républicains début septembre, qui devra servir d’armature au vainqueur de la primaire, ne dit pas autre chose. Au chapitre « libérer l’État de la bureaucratie », le parti appelle à « redéfinir le périmètre de l’action publique », à fixer des « priorités » (les ministères régaliens, la santé et l’éducation) et à « réduire les dépenses de toutes les missions moins prioritaires ». « Les tâches qui ne devraient plus relever de l’État » seraient, quant à elles, supprimées.

D’ailleurs, le projet ne fait mention d’aucun engagement chiffré. « On a décidé volontairement de ne pas en donner. On pense vraiment qu’il faut repenser la manière de faire, repenser les missions », considère Christine Lavarde. Avec le député Olivier Marleix, la sénatrice était chargée de la coordination du projet. Rappelant que la réorganisation de l’État ne doit pas être une fin en soi, cette vice-présidente de la commission des finances du Sénat considère que le statut de fonctionnaire est actuellement « beaucoup trop large ». « Il faut les conserver là où le statut a son importance, car il garantit protection et indépendance. » Le débat est posé, mais manque encore de détails. « On ne sait pas où réduire les dépenses », déplorait le 23 septembre le sénateur Philippe Dominati, à l’occasion d’un séminaire de travail des parlementaires LR.

Quand les candidats de droite proposaient jusqu’à 600 000 suppressions de postes

L’absence de trajectoires tranche avec le projet adopté en 2016. À l’époque, le parti appelait à baisser de 300 000 le nombre des effectifs des « administrations publiques au sein de l’État », « à l’exception des forces de sécurité ». Cette « diminution significative » se serait appliquée aux effectifs collectivités territoriales, mais pas à la fonction publique hospitalière.

Certains candidats à la primaire de la droite et du centre s’y étaient tenus. Nicolas Sarkozy, qui était à la tête du parti au moment de l’élaboration du programme, est resté sur cette ligne. Alain Juppé s’était engagé sur une fourchette de 250 000 à 300 000 postes. D’autres sont tombés dans une forme de course à l’échalote. Nathalie Kosciusko-Morizet et un certain Bruno Le Maire, devenu ministre de l’Economie d’Emmanuel Macron faisaient campagne sur une réduction de 100 000 postes par an (soit 500 000 sur un quinquennat). François Fillon avait remporté la primaire avec une promesse de 500 000 suppressions de postes. Dans certaines de ses interventions dans les médias, il avait poussé le curseur jusqu’à 600 000. L’Institut Montaigne, cercle de réflexion aux orientations libérales, avait douté de la faisabilité de 500 000 départs.

Après leur élimination au premier tour de la présidentielle, le parti était revenu à un objectif qualifié de « plus cohérent ». Il a fait campagne sur un objectif compris entre 200 000 et 300 000 aux législatives. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy (2007-2012), la politique du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux avait débouché sur une diminution de 150 000 postes dans la fonction publique d’Etat. Au cours de la même période, les effectifs de la fonction publique territoriale ont continué leur progression, et de fait, amoindri l’effort réel.

L’expérience du quinquennat d’Emmanuel Macron est aussi une expérience qui invite Les Républicains à la prudence et à s’abstenir de tout objectif. « On voit que le président Emmanuel Macron a pris des engagements, il n’en reste plus rien », constate la sénatrice Christine Lavarde. Dans son programme, Emmanuel Macron s’était engagé sur une diminution de 50 000 emplois dans la fonction publique d’État (en plus du souhait de voir la fonction publique territoriale diminuer de 70 000 personnes). L’objectif a été abandonné en 2019, après le grand débat national. Le 22 septembre, lors d’une audition au Sénat sur le budget 2022, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt a confirmé « une forme de stabilité » des emplois de l’État sur le quinquennat.

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