Transition écologique : « Sur la qualité du budget vert, nous pouvons et nous devons faire mieux », reconnaît Bruno Le Maire

Transition écologique : « Sur la qualité du budget vert, nous pouvons et nous devons faire mieux », reconnaît Bruno Le Maire

Auditionné par la commission des finances du Sénat sur le budget 2023, le ministre de l’Economie a défendu un texte qui tente de « tenir l’équilibre entre la protection de nos compatriotes et des entreprises face à l’inflation et le nécessaire rétablissement de nos finances publiques ».
François Vignal

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Après la présentation du budget en Conseil des ministres ce lundi matin, les ministres de Bercy sont venus en fin de journée défendre les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) 2023 devant la commission des finances du Sénat, en vue de son examen cet automne. Un budget marqué par le contexte économique pour le moins incertain.

« L’objectif de ce budget, c’est de tenir l’équilibre entre la protection de nos compatriotes et des entreprises face à l’inflation et le nécessaire rétablissement de nos finances publiques, qui doivent nous amener sous les 3 % en 2027 », a défendu le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. « Le budget qu’on présente est un budget de protection. La protection du pouvoir d’achat, avec le bouclier tarifaire […] qui permet de maintenir à 15 % la hausse de l’électricité et du gaz », lance pour sa part le ministre des Compte publics, Gabriel Attal, qui ajoute : « Protéger les Français c’est aussi protéger nos comptes publics. Nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » à « combien ça coûte ? » Un euro dépensé doit être un euro raisonné, évalué, immédiatement utile. […] Nous avons fixé une trajectoire de maîtrise de la dépense publique la plus ambitieuse depuis 20 ans ». Regardez :

Hypothèse de croissance « très optimiste », selon la droite sénatoriale

Alors que ce budget est basé sur une hypothèse de croissance de 1 %, le sénateur LR Roger Karoutchi craint cependant qu’elle soit « très optimiste ». Il pointe « en parallèle beaucoup de dépenses volontaristes ».

Le bouclier énergétique, première des dépenses nouvelles, c’est une dépense de 45 milliards d’euros pour l’Etat. Mais grâce aux mécanismes de marché, Bercy en récupère 19 milliards. Au final, le coût net pour les finances de l’Etat est de 16 milliards d’euros en 2023, dont 11 milliards d’euros pour le gaz et 5 milliards pour l’électricité.

Lire aussi » Les grandes lignes du budget 2023

Le gouvernement met aussi en avant dans ce budget l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, un gain de 6 milliards d’euros pour les ménages. Reste que la mesure est généralement appliquée lors du PLF. Le communiste Pascal Savoldelli y voit « un cadeau fiscal pour 905.000 foyers qui touchent plus de 100.000 euros de revenu fiscal par tranche ».

Après 10 milliards de baisses d’impôts de production lors du précédent quinquennat, Bruno Le Maire insiste sur la suppression pour les entreprises de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), en deux ans, soit une baisse d’impôts de 8 milliards d’euros.

Après les « dialogues de Bercy », le gouvernement a retenu quelques propositions de l’opposition

Ce budget se fait pour la première fois après « les dialogues de Bercy », qui ont permis durant le mois de septembre d’échanger les informations en amont avec les oppositions. Des rencontres « utiles », selon Gabriel Attal, à la suite desquelles le gouvernement a retenu la proposition de « suspendre l’actualisation des valeurs locatives, car les participants nous ont remonté des inquiétudes ».

Pour les collectivités, le gouvernement a aussi pris la décision « d’abonder les dotations de solidarités urbaines et rurales de 210 millions d’euros. […] Donc on garantit à 70 % des communes une dotation globale de fonctionnement stable ou une augmentation. Un amendement viendra le pérenniser ». Autre mesure : un million d’euros « pour soutenir la forêt ». Le gouvernement présentera « un amendement » pour « sanctuariser les effectifs de l’Office national des forêts, qui étaient réduits ces dernières années, et qui devaient encore l’être ».

« Je reconnais très honnêtement que nous consacrons beaucoup de moyens sur le bouclier du gaz »

Alors que l’exécutif insiste sur sa volonté de porter la transition écologique, Bruno Le Maire reconnaît lui-même que ce projet de loi de finances pourrait faire mieux en la matière. « Ce budget marque notre détermination à poursuivre l’accélération de la transition écologique. Je reconnais très honnêtement que nous consacrons beaucoup de moyens sur le bouclier du gaz. Cela a un impact aussi sur la qualité du budget vert. Nous pouvons et nous devons faire mieux dans les mois qui viennent », soutient le ministre de l’Economie (voir la première vidéo).

Il rappelle cependant la hausse de 500 millions d’euros du dispositif « Ma prime rénov’ », les 1,3 milliard d’euros pour le verdissement du parc automobile et les 1,5 milliard pour les collectivités locales qui bénéficieront d’un fonds vert. Le gouvernement va aussi arrêter de financer les garanties exports pour les énergies fossiles. Reste que des milliards sont mis sur la table pour aider l’utilisation d’une énergie fossile – le gaz – dont la hausse du prix serait cependant insupportable pour les ménages. Difficile équation.

« J’ai eu l’occasion de vous dire que ce que vous qualifiez de budget vert était plutôt de la peinture à l’eau ou un vernis » pointe Jean-François Husson (LR)

Le rapporteur général du budget au Sénat, le sénateur LR Jean-François Husson, souligne aussi un manque d’ambition en la matière. « Sur la transition écologique, vos propos à l’un et l’autre ont été très brefs. Et pour tout vous dire, ils m’inquiètent. J’ai eu l’occasion de vous dire que ce que vous qualifiez de budget vert était plutôt de la peinture à l’eau ou un vernis. Vous avez eu besoin de faire venir Valérie Masson-Delmotte (climatologue membre du Giec, ndlr) pour faire prendre conscience au gouvernement des enjeux climatiques. C’est bien mais ça ne suffit pas », pointe Jean-François Husson. Il ajoute :

On a une prise de conscience d’une tout autre ampleur à prendre. Il faudra y mettre de l’intelligence et des moyens. Il faudra changer de logiciel.

Pour le sénateur EELV Daniel Breuiller, l’effort n’est pas non plus à la hauteur. « Il va y avoir 45 milliards – ou 16 milliards d’euros net – de bouclier énergétique. Il y aura 2,5 milliards sur l’isolation des bâtiments. […] Mais il faut mettre un facteur 10, a minima 10 milliards pour l’isolation thermique », dénonce l’écologiste, qui évoque aussi la place « du rail ». Dans ces conditions, « ce n’est pas du tout le moment » de supprimer la CVAE, selon Daniel Breuiller, ou avec « a minima une conditionnalité climatique ou sociale ».

« Je ne voudrais pas qu’on sous-estime l’ampleur des transformations que nous avons générées avec le Président, tout en ayant parfaitement conscience qu’il faut aller plus vite, faire mieux, déployer plus massivement nos dispositifs », répond Bruno Le Maire. Il souligne que « la majorité des investissements » de France 2030 vont à la transition énergétique, et renvoie également au plan de sobriété qui sera présenté « le 6 octobre » :

Les économies que nous allons tous devoir faire, ce n’est pas pour passer l’hiver, c’est pour passer le siècle.

Suppression de la CVAE : « Il y a une préoccupation très forte qui monte chez les élus »

Côté collectivités, le socialiste Thierry Cozic demande l’indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation. Bien que le gouvernement prévoit de compenser, les sénateurs ont été nombreux à s’inquiéter des conséquences pour les collectivités de la suppression de la CVAE, jusqu’ici répartie entre elles.

« Il y a une préoccupation très forte qui monte chez les élus. Est-ce le bon moment de priver les collectivités de cette ressource ? » demande le communiste Eric Bocquet. Le président PS de la commission des finances, Claude Raynal, interroge l’intérêt même de la suppression en deux ans, dénoncé par le Medef. « Si ça ne sert plus à rien, autant passer à zéro ! Un choc de 4 milliards d’euros, ce n’est plus un choc », lance-t-il.

« Le Medef qui trouve que le budget manque d’ambition, je trouve que c’est fort de café » lance Bruno Le Maire

La suppression de la CVAE est totalement nécessaire, selon le ministre de l’Economie, qui « n’accepte pas que qui que ce soit aille parler de cadeau au Medef ». Medef qui n’a pas apprécié que la suppression de cet impôt se fasse sur deux ans, au lieu de deux. « Le Medef qui trouve que le budget manque d’ambition, vous dites que c’est fort de café. Et bien je trouve aussi que c’est fort de café », affirme aussi Bruno Le Maire, qui rappelle que le gouvernement a déjà baissé de 33,3 à 25 % l’impôt sur les sociétés. Comme il trouve « fort de café qu’on nous demande moins de dépenses publiques, et plus de soutien pour les entreprises. Il ne serait pas mauvais de faire preuve d’un peu de cohérence ». Une pique envoyée à la droite.

« Quand on me dit qu’il faut indexer la DGF sur l’inflation ou qu’il faut un bouclier tarifaire pour toutes les entreprises, ce n’est pas à la portée de notre bourse. Et nous devons tenir les déficits publics », rétorque encore le locataire de Bercy. Ces derniers sont prévus à 5 % en 2023, comme cette année, avec un retour aux 3 % en 2027. Si tout va bien.

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