Transports parisiens : malgré « l’urgence », le Sénat refuse d’augmenter la participation des entreprises

Transports parisiens : malgré « l’urgence », le Sénat refuse d’augmenter la participation des entreprises

Lors de l’examen du budget 2023, de nombreux sénateurs de tous bords ont alerté sur l’urgence dans laquelle se trouvent les transports parisiens. Même les élus franciliens de droite se sont prononcés pour une participation plus importante des entreprises à leur financement, sans que la mesure ne soit finalement votée. Sans aide de l’Etat, Valérie Pécresse a annoncé une augmentation du Pass Navigo début décembre.
Louis Mollier-Sabet

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Ce n’est pas forcément un point qui était au cœur du budget présenté par le gouvernement, et d’ailleurs bien ce qu’ont reproché les sénateurs présents à Gabriel Attal, rarement aussi unanimement chahuté lors de l’examen de ce projet de loi de finances 2023. C’est à l’occasion d’une petite dizaine d’amendements proposant d’augmenter le versement dit « mobilité » des entreprises aux autorités organisatrices de transport que les esprits se sont échaudés dans l’hémicycle. D’abord avec des propositions concernant l’ensemble du territoire et relevant les plafonds des taux que peuvent appliquer les collectivités pour financer leurs réseaux de transport, qui ont rapidement été rejetées. Mais les débats se sont rapidement centrés autour de la situation des transports franciliens, ce qu’ont pu regretter certains élus, notamment des métropoles lyonnaises ou marseillaises, comme le sénateur écologiste Guy Benarroche : « Nous provinciaux nous sommes solidaires, nous allons voter l’augmentation du versement mobilité pour Paris, mais il n’est pas logique dans ce vote qu’il n’y ait pas de cohérence entre la situation parisienne et celle du reste de la France. »

« Il faut trouver des recettes supplémentaires, on peut tourner autour du pot, mais c’est indispensable »

Ce qu’ont aussi expliqué les sénatrices et sénateurs franciliens présents, c’est que la situation était particulièrement catastrophique pour la région parisienne et son « autorité organisatrice » qui gère les transports sous l’égide de la région, Île-de-France Mobilités. La présidente de la région Île-de-France a en effet lancé un cri d’alarme aux élus parisiens pour qu’ils tentent de trouver une solution lors des débats budgétaires afin de résoudre la situation financière critique d’Île-de-France Mobilités. « Ce n’est pas notre amie politique qui le demande », a souligné le sénateur écologiste Daniel Breuiller, alors que le sénateur socialiste de Paris, Rémi Féraud, proche d’Anne Hidalgo, n’a pas manqué de rappeler que « ce n’est pas la gauche qui demande l’augmentation de ce versement mobilité, mais Valérie Pécresse. »

Le versement mobilité étant une taxe sur la masse salariale des entreprises, la solution pourrait a priori en effet paraître plus compatible avec la gauche sénatoriale. Ce sont d’ailleurs les sénateurs communistes qui ont ouvert le bal. « Le nombre de gens dans les transports est le même qu’avant la pandémie, mais on n’a retrouvé nulle part le nombre de transports suffisants. C’est une situation invivable qui ne pourra pas durer. Il n’y a pas assez d’argent pour investir dans les rames, ou dans la maintenance du matériel, pour embaucher ou pour investir dans la formation. Donc il faut trouver des recettes supplémentaires, on peut tourner autour du pot, mais c’est indispensable », a ainsi alerté le sénateur communiste de Paris Pierre Laurent, rejoint par son collègue du Val-de-Marne, Pascal Savoldelli, qui a parlé de « situation de quasi-faillite » pour Île-de-France Mobilités.

« Je ne suis pas très joyeuse de demander aux entreprises une fiscalité supplémentaire »

Ce qui est plus surprenant, c’est que nombre d’élus de la majorité sénatoriale ont rejoint, un peu à contrecœur, la position de la gauche. Philippe Tabarot, sénateur LR et Vincent Capo-Canellas, sénateur centriste ont même proposé des amendements un peu moins dépensiers, mais qui reposaient tout de même sur la possibilité pour les collectivités d’augmenter le versement mobilité afin de financer les réseaux de transports.

« Bien que provincial, le combat d’Île-de-France Mobilités me semble juste pour éviter de réduire drastiquement les transports en commun », a ainsi argumenté Philippe Tabarot, rapporteur des crédits sur le transport.

Sophie Primas, présidente LR de la commission des Affaires économiques, a admis ne pas « être très joyeuse de demander aux entreprises une fiscalité supplémentaire », mais devant la « surdité du gouvernement face à la situation d’urgence décrite », a fait contre mauvaise fortune bon cœur. « Faisons une suspension de séance, donnez-nous une solution et immédiatement nous retirons notre amendement », a-t-elle-même interpelé Gabriel Attal.

« Il n’y a pas de solution magique »

Le ministre chargé des Comptes publics, élu de région parisienne, s’est contenté de rester sur l’argumentation habituelle du gouvernement sur la fiscalité dans ce budget 2023 : « Dans un même texte, on ne peut pas à la fois baisser les impôts de production massivement avec la suppression de la CVAE et accepter une augmentation des impôts de production. Cela représente tout de même une hausse de 500 millions d’euros, […] nous ne voudrions pas rentrer ici avec un texte prévoyant 4 milliards de baisses des impôts de production et ressortir avec 1 milliard d’impôts supplémentaire. »

Le ministre s’est dit « parfaitement conscient des problèmes dans les transports collectifs », mais a mis en garde contre une « solution magique et évidente » et d’éventuels effets pervers : « Si on augmente les impôts de production, il y aura moins d’emplois, moins de masse salariale, moins de recettes pour Île-de-France Mobilités [in fine]. »


Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine et vice-président du Sénat, a alors « regretté » avoir « l’impression que l’Etat est ailleurs. » « On se retrouve avec un gouvernement qui dit ‘trouvez une solution’, mais qui n’a rien assumé. Vous ne pouvez pas que garder la responsabilité de nommer le PDG de la RATP mais de ne pas financer en parallèle », a-t-il ajouté en référence à la nomination de Jean Castex à la tête de l’entreprise, validée ce mercredi en Conseil des ministres.

« L’Etat est intervenu massivement sur l’essence et les transports privés, et pour les transports publics, il ne pourrait pas ? »

Roger Karoutchi a une solution, aussi évoquée par Jean-François Husson, rapporteur général du budget, pendant les débats : que l’Etat annule les « avances remboursables » faites pendant la crise covid et en fasse de simples « dotations » à Île-de-France Mobilités. « C’est le gouvernement qui avait imposé des mesures de rigueur [pendant la crise sanitaire]. Ce qui simplifierait les choses c’est qu’une partie des avances remboursables se transforme en dotations. L’Etat est intervenu massivement sur l’essence et les transports privés, et pour les transports publics, pour 6 à 7 millions d’usagers tous les jours en Île-de-France, il ne pourrait pas reprendre la responsabilité d’un certain nombre de choses ? » a notamment plaidé le sénateur des Hauts-de-Seine.

« La question des avances remboursables a été posée par le rapporteur général, vous ne m’avez pas entendu dire que je ne voulais pas en discuter. Il y a un travail à mener pour trouver des solutions, mais gardons-nous des positions simplistes », a temporisé Gabriel Attal, en expliquant que les débats dans l’hémicycle n’étaient pas forcément le lieu pour régler le problème. « Il manquerait un peu de monde autour de la table », a notamment indiqué le ministre chargé des Comptes publics. Finalement, la majorité sénatoriale a été obligée de demander un scrutin public pour que la mesure ne soit pas votée par les sénateurs et les sénatrices présents, sans qu’une solution ne soit actée face à une « urgence » pourtant unanimement constatée.

« En grande couronne, on ne peut pas payer un Pass Navigo à 100 euros »

Jean-François Husson a évoqué la tenue d’une conférence de financement, et des mesures prises lors d’un projet de loi de finances rectificative l’année prochaine. Valérie Pécresse a par ailleurs annoncé l’augmentation du prix du Pass Navigo début décembre si aucune décision n’était prise pour renflouer Île-de-France Mobilités. « En grande couronne on ne peut pas payer un Pass Navigo à 100 euros », a déploré Anne Chain-Larché, sénatrice LR de Seine-et-Marne. Pour le moment, c’est la solution vers laquelle on semble se diriger, au moins à court terme.

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