Transports : que vont devenir les 1.000 kilomètres de petites lignes de train transférables aux régions ?

Transports : que vont devenir les 1.000 kilomètres de petites lignes de train transférables aux régions ?

« L’Etat répond présent pour les petites lignes » assure le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Djebbari, auditionné par le Sénat sur leur avenir. Il évoque la vente « d’actif » de la SNCF pour financer les petites lignes. Reste à voir ce que les régions décideront sur les 1.000 kilomètres de lignes qu’elles pourront récupérer.
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Février 2018. Le rapport Spinetta fait l’effet d’une petite bombe à la SNCF. L’ancien PDG d’Air France évoque la fermeture des petites lignes de train, celles qui maillent le territoire mais dont certaines sont peu fréquentées. Le gouvernement désamorce vite la polémique, alors qu’arrive la réforme ferroviaire. Le premier ministre Edouard Philippe assure que « l’avenir des petites lignes ne sera pas tranché de Paris » et renvoie la responsabilité, pour ne pas dire la patate chaude, aux régions. D’aucun comprennent que si des petites lignes fermeront, ce ne sera pas le gouvernement qui le décidera, ni n’en paiera l’éventuel coût politique…

Accord sur les petites lignes avec les régions Grand Est et Centre-Val-de-Loire

Les petites lignes, c’est plus de 9.000 kilomètres sur les 28.000 que compte la France. 78% de ces petites lignes sont à voie unique et 85% ne sont pas électrifiées. On en compte plus 50% en Occitanie et Nouvelle Aquitaine, contre seulement 22% dans les Hauts-de-France.

Un an plus tard, le 11 janvier 2019, la ministre Elisabeth Borne confie au préfet Philizot un rapport pour définir une stratégie pour « les désertes fines des territoires », rappelle le sénateur centriste Hervé Maurey, président de la commission du développement durable du Sénat. Son rapport s’est pour le moins fait attendre. « Les conclusions devaient être rendues en avril 2019, et devaient nourrir le rapport rendu au Parlement avant le 27 juin 2019. Les échéances prévues ont été à plusieurs reprises retardées » constate le sénateur Union centriste de l’Eure, en ouverture de l’audition de Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'Etat chargé des Transports, sur l’avenir des petites lignes, ce mardi 25 février. « En janvier, vous avez dit le temps des rapports est passé et il est nécessaire de mettre en place un véritable plan d’action » rappelle Hervé Maurey. Ce qui est en effet chose faite. L’Etat vient d’annoncer la signature d’un accord avec les régions Grand Est et Centre-Val-de-Loire sur les petites lignes. « Nous ne sommes pas très loin d’aboutir avec la région Bretagne, la discussion est avancée avec la région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur » précise le secrétaire d’Etat.

« Le rapport Philizot a un mérite, il va vite à lire car il n’y a pas grand chose dedans »

La semaine dernière, le ministère publie à cette occasion un document intitulé « petites lignes ferroviaires, des plans d’action régionaux ». Et là, miracle, en annexe, le voici : le rapport Philizot (à consulter ici). Va-t-on avoir un scan précis et complet des petites lignes et savoir quelles lignes pourraient fermer ? Pas vraiment. Le document en question ne fait que… 9 pages. « Vous me permettrez de douter que ces 9 pages soient le fruit du travail mené par le préfet pendant plusieurs mois » glisse Hervé Maurey… Autrement dit, tout n’aurait pas été publié.

« C’est un embryon de rapport » ajoute sa collègue centriste, la sénatrice du Rhône, Michèle Vullien. « Ce rapport a un mérite, il va vite à lire car il n’y a pas grand chose dedans » ironise encore le sénateur PS de Meurthe-et-Moselle, Olivier Jacquin (voir au début de la vidéo), qui ne cache pas la crainte actuelle : que « la demande des régions de récupérer des lignes » se fasse « sans visibilité financière ». Il y a « un flou ». De là à dire qu’il y a un loup… « Comment va-t-on faire ? Quel moyen va être donné aux régions ? Avez-vous envisagé de donner des moyens supplémentaires ? » demande le sénateur PS Claude Bérit-Debat.

Coût total de 7,6 milliards d’euros d’ici 2028

Le dit rapport souligne que « le besoin de financement global (pour les petites lignes) est évalué par SNCF Réseau (chargée de l'exploitation et de l'entretien du réseau, ndlr) à 7,6 milliards d’euros jusqu’en 2028, dont 6,4 milliards restant à engager à partir de 2020. Il s’agirait là de la concrétisation d’un effort de rattrapage, pour gommer le retard d’investissement » cumulé depuis des dizaines d’années, avec les conséquences néfastes que l’on sait. « Les fermetures non-concertées ou sans mise en place d’autres offres de mobilité et les limitations temporaires de vitesse alimentent un sentiment d’abandon, par l’État et SNCF Réseau, d’une partie du territoire national » reconnaît le rapport.

« Une nouvelle approche est donc indispensable, l’hypothèse d’une réduction massive du réseau semblant difficile sans alternatives ou justifications solides » avertit le préfet, selon qui « quel que soit le schéma » retenu, « il est indispensable de refonder le pilotage du système » en revoyant les relations entre « l’État, les régions et SNCF Réseau, dans un contexte de responsabilités accrues des régions ».

Le transfert aux régions selon « le principe de la neutralisation financière » selon Jean-Baptiste Djebbari

Le ministère a prévu ainsi de classer les lignes selon trois types : certaines, les plus structurantes, seront financées maintenant à 100% par SNCF Réseau ; d’autres seront cofinancées, comme jusqu’ici, par les plans Etat-région ; et « d’autres peuvent être transférées à la région, à leur demande. Cela permet d’avoir une délégation de travaux ou d’expérimenter avec des matériels plus légers » explique Jean-Baptiste Djebbari, qui compte lancer « très prochainement au ministère des Transports une filière industrielle du train léger ». Il s’agit notamment du train à hydrogène, qui transporte jusqu’à 100 passagers.

Dans le détail, « 1.500 kilomètres remonteraient en lignes structurantes » sur les 9.000 et « 1000 kilomètres sont transférables au travers de l’article 172 de la loi d'orientation des mobilités », qui permet le transfert aux régions de la gestion des petites lignes, « dont le décret sera pris d’ici à l’été ». « Le principe en est la neutralisation financière, en coût des transferts » (r)assure le secrétaire d’Etat (voir la vidéo).

SNCF Réseau devra débourser « 1,4 milliard d’euros » pour rénover les petites lignes

Jean-Baptiste Djebbari confirme au passage un chiffre sorti dans la presse de « 1,4 milliard d’euros » de dépenses nécessaires pour SNCF Réseau, afin de rénover les 1.500 kilomètres qui seront réintégrés au réseau structurant. Mais « c’est un chiffre brut » précise le membre du gouvernement. Mais entre les optimisations industrielles, de nouvelles recettes liées à l’utilisation des lignes, les contrats de plan Etat-région ou la prévision d’augmentation de 1% du trafic, « tout ça fait un plan petite ligne à l’équilibre » selon le secrétaire d’Etat. Mais pour se « donner des marges », l’Etat a prévu « 300 millions d’euros d’exploitation sur 10 ans ».

Autre surcoût cité par le secrétaire d'Etat : la fin de l'utilisation du glyphosate pour désherber les voies et leurs abords. Elle ne sera pas sans conséquences financière. Le surcoût est estimé à « plusieurs centaines de millions d'euros ».

« Le groupe SNCF a certainement des velléités de cessions et d’acquisitions »

Pour financer la reprise d’une part des petites lignes, Jean-Baptiste Djebbari confirme l’idée de « cession des actifs » de la SNCF, « ça renvoie au plan stratégique du groupe SNCF, qui a certainement des velléités de cessions et d’acquisitions ».

De manière générale, le secrétaire d’Etat assure que le gouvernement veut « mettre un terme à ce cercle vicieux qui mène à mal entretenir ces petites lignes ». « Ce que nous avons tenté de faire, c’est de remettre de l’ordre dans la maison ferroviaire, remettre des trains sur les voies et des gens dans les trains », résume Jean-Baptiste Djebbari, pour qui « L’Etat répond présent pour les petites lignes ». Reste à voir si les régions, qui pourront à terme récupérer 1.000 kilomètres, auront les moyens et la volonté de conserver ces lignes, dont la disparition est toujours mal vécue dans les territoires.

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