Travailleurs handicapés dans la fonction publique : le Sénat veut « mettre la pression » sur le gouvernement
14 ans après la mise en place de la loi pour l’égalité des chances des personnes en situation de handicap, le Sénat formule 28 propositions destinées à « donner un nouveau souffle » à leur embauche dans la fonction publique. 

Travailleurs handicapés dans la fonction publique : le Sénat veut « mettre la pression » sur le gouvernement

14 ans après la mise en place de la loi pour l’égalité des chances des personnes en situation de handicap, le Sénat formule 28 propositions destinées à « donner un nouveau souffle » à leur embauche dans la fonction publique. 
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« Nous ne sommes pas là pour dénigrer un système mais pour dire qu’il est à bout de souffle ». Philippe Bas, président LR de la commission des lois du Sénat, sait de quoi il parle. Sous Jacques Chirac, c’est lui, en tant que ministre de la Santé, qui en 2005, avait porté la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Si une loi de 1987 imposait déjà à un employeur de plus de 20 salariés, d’embaucher au moins 6% de personnes handicapées, celle de 2005 étend cette obligation à la fonction publique et crée un fonds pour l’insertion professionnelle, le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), alimenté par la contribution des ministères, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.

La fonction publique de l’État : mauvais élève

Pendant 8 mois une mission d’information de la commission des lois du Sénat s’est penchée sur l’état de l’embauche des personnes handicapées dans les différentes fonctions publiques (d’État, territoriale et hospitalière). Depuis la loi de 2015 et la création du FIHPFP, le taux d’emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique est passé de 3,74% à 5,61%, soit 250 760 personnes. Un bilan positif mais en deçà de l’obligation légale de 6%. En effet, seul la fonction publique territoriale avec un taux de 6,76% est dans les clous, contre 5,67% pour le versant hospitalier et 4,65 pour le « mauvais élève », la fonction publique de l’État. Sont principalement visés, l’Éducation nationale et les services du Premier ministre. « Actuellement, les actions mises en œuvre sont peu structurées. Elles reposent souvent sur l’énergie et l’engagement personnel de certains élus, managers ou agents » observe Catherine Di Folco (LR), co-rapporteure avec Didier Marie (PS) de la mission d’information.

Un système de bonus/malus pour valoriser l’effort des employeurs les plus vertueux

Surtout, ce sont les déficits budgétaires du FIPHFP, jugées « particulièrement inquiétants », qui remettraient en cause la pérennité du système. En effet, comme l’observent les deux rapporteurs, ce fonds subit un « effet ciseaux » en versant désormais plus d’aides qu’il ne reçoit de contributions. Car les agents handicapés sont plus nombreux dans la fonction publique en 2019 qu’il y a 14 ans. Afin de stabiliser les ressources du FIPHFP, évaluées par les sénateurs à 150 millions d’euros par an (20 millions de plus que l’objectif du gouvernement), la mission d’information demande au gouvernement d’instituer une cotisation universelle assise sur la masse salariale des employeurs publics ; mais aussi de mettre en place un système de bonus/malus afin de valoriser l’effort des employeurs les plus vertueux. Les employeurs publics qui recruteraient le plus de travailleurs handicapés seraient ainsi valorisés. À l’inverse, ceux qui multiplieraient les licenciements et les mises à la retraite pour inaptitude, seraient pénalisés. Dans la perspective de la prochaine loi de Finances, le Sénat veut ainsi « mettre la pression sur le gouvernement », selon les mots de Philippe Bas, pour qu’il mette en place ce nouveau modèle économique.

Des propositions dans le cadre du projet de loi de transformation de la fonction publique

Parmi les 28 propositions formulées par la mission d’information, on peut noter une expérimentation autorisant la titularisation des personnes handicapées à l’issue de leur contrat d’apprentissage, sous réserve de leurs compétences professionnelles. Les sénateurs souhaitent limiter à cinq ans la prise en compte des maintiens dans l’emploi pour le calcul des travailleurs handicapés. Ils demandent également l’installation d’un « référent handicap » dans toutes les administrations et militent pour une meilleure prise en compte des associations représentants les personnes handicapées aux réformes de la fonction publique. La mission d’information propose aussi le recours plus fréquent aux contrats ad hoc, qui permettent d’exempter de concours les agents handicapés.

La plupart de ces propositions seront intégrées au projet de loi de transformation de la fonction publique, dont l’examen en commission des lois, est prévu le mercredi 12 juin.

 

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