Ukraine, défense, énergie : « Il faudra faire le maximum au sommet des 24 et 25 mars », espère Clément Beaune

Ukraine, défense, énergie : « Il faudra faire le maximum au sommet des 24 et 25 mars », espère Clément Beaune

Le secrétaire d’État chargé des affaires européennes était auditionné au Sénat ce 18 mars. Le rendez-vous, dans le prolongement du sommet de Versailles, devrait être largement consacré à l’aide à apporter à l’Ukraine mais aussi aux questions d’autonomie stratégique et énergétique.
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Nouvelle réunion du Conseil européen les 24 et 25 mars à Bruxelles. Ce rendez-vous formel s’inscrira dans le prolongement du sommet exceptionnel qui s’est tenu le 11 mars à Versailles. Comme à son habitude avant ce type de réunion régulière, la commission des affaires européennes du Sénat a sondé le gouvernement sur les positions qu’il défendra et sur les conclusions susceptibles d’aboutir.

Du côté des sanctions prises à l’égard de la Russie ou de l’assistance à apporter à l’Ukraine, Clément Beaune a indiqué que le prochain conseil européen serait l’occasion de dresser un bilan des décisions déjà mises en œuvre. Voire de les « amplifier ». À Versailles, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait proposé 500 millions d’euros supplémentaires en soutien à l’armée ukrainienne. Le 1er mars, une enveloppe 500 millions d’euros avait déjà été promise pour l’action humanitaire.

« Ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes que nous nous préparons à accueillir en France »

Au-delà du matériel, l’UE va également être mobilisée pour l’accueil des Ukrainiens fuyant leur pays. Selon l’ONU, le nombre de départs a désormais dépassé la barre des trois millions d’habitants. « En deux semaines, il y a plus de personnes fuyant la guerre en Europe, qu’en deux ans de 2015 à 2016 », a mis en perspective Clément Beaune.

Actuellement, l’essentiel des personnes ayant fui les zones de combat se trouve dans les pays limitrophes de l’Ukraine dont deux millions sont pour la seule Pologne. En Europe de l’ouest, les arrivées sont encore limitées, même s’il est difficile d’en évaluer le nombre avec précision : le mécanisme de protection temporaire accordée à ces populations est automatique. « Ce sont à l’évidence au moins plusieurs dizaines de milliers de personnes que nous nous préparons à accueillir en France », a anticipé Clément Beaune. D’où cette question du président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin : les Vingt-Sept envisagent-ils une procédure de répartition ? Plus le conflit s’enlisera, plus le besoin de coordination se fera sentir. « Je ne crois pas à ce stade – et ce n’est pas la demande d’ailleurs qui est formulée par les pays d’accueil principaux – à un mécanisme organisé de répartition », a estimé le secrétaire d’État. Mais il a appelé à « s’y préparer »

« Avancées importantes » pour l’Europe de la défense

La défense et le renforcement des capacités militaires de l’Union européenne occuperont aussi une large part de l’ordre du jour. Annoncée de longue date, la « boussole stratégique », c’est-à-dire les grandes orientations de la sécurité et de la défense européennes pour les années à venir, devrait être adoptée au cours de cette réunion des 24 et 25 mars. Clément Beaune estime pour sa part que ce document stratégique comporte des « avancées importantes, en matière de mobilisation de forces de réaction rapide, en matière d’engagement de l’investissement miliaire, et d’articulation de notre effort de défense européen avec l’Otan ».

Cette accélération inédite de l’embryonnaire Europe de la Défense ne s’est pas faite sans accrocs. Le président de la commission des affaires européennes s’est ému lors de l’audition du choix de l’Allemagne de se tourner vers l’avion de chasse F-35, de l’Américain Lockheed Martin. L’annonce a fait l’effet d’une douche froide en France, qui produit le Rafale. « Les propos du président de la République, laissant miroiter une autonomie européenne en matière de défense ne sont-ils pas finalement ceux d’un illusionniste ? On a une annonce et tous les signaux qui arrivent ne sont pas en accord », a estimé Jean-François Rapin (LR), inquiet de l’avenir du programme SCAF.

Cet avion de combat européen du futur, développé par la France, l’Allemagne et l’Espagne n’est pas remis en cause, a tenu à rassurer Clément Beaune. « L’engagement allemand dans le SCAF (avion de combat européen du futur) comme dans le char du futur a été rappelé très clairement par le chancelier Scholz. » Rien ne dit que l’Allemagne achètera systématiquement des équipements américains à l’avenir, selon le secrétaire d’État, tout en reconnaissant que les choses ne se mettront en place que progressivement. « Soyons francs, nous ne sommes pas du jour au lendemain […] en train d’acter immédiatement une forme de défense européenne, en passant par des achats militaires strictement européens. Je le regrette comme vous. »

Si la déclaration adoptée Versailles représente un certain progrès sur le chemin d’une Europe de la défense, le sénateur LR Cyril Pellevat s’interroge sur les « avancées réelles » qu’elle permettra. L’état des lieux sur les investissements militaires ne sera remis qu’au mois de mai, une échéance « bien lointaine » dans le contexte actuel. « Les choses se sont accélérées énormément en quelques jours », a tenu à rappeler le secrétaire d’État. Clément Beaune encourage à coordonner davantage les hausses des budgets militaires dans les différents Etats membres et mobiliser aussi le Fonds européen de défense (FED) pour accroître les financements « dans les semaines qui viennent ».

Les Européens vont également reprendre les discussions sur la réduction de leur dépendance énergétique. La commission européenne a proposé de réduire de deux tiers les importations de gaz naturel russe d’ici le début de l’année 2023. Clément Beaune a précisé que ces objectifs n’étaient « pas encore endossés » au niveau européen. La France, dépendante au gaz russe à hauteur de seulement 17 % de sa consommation, estime que l’objectif « va dans la bonne direction ». « Il est important, pour avoir de l’impact et de l’unité, que nous trouvions un accord à vingt-sept sur ce point », a encouragé le secrétaire d’État. Un plan, d’ici le début du mois de mai, sera conclu pour conclure de nouvelles sources d’approvisionnement et développer les énergies renouvelables.

Obligation de stocks stratégiques en gaz remplis à 90 % dans les Etats membres avant l’hiver

En parallèle, l’Union européenne est appelée à préparer le prochain hiver. La commission européenne prépare actuellement des propositions pour reconstituer les stocks stratégiques. Clément Beaune a évoqué une « obligation réglementaire forte et harmonisée ». Le scénario pourrait être celui de réserves remplies à 90 % dans chaque État membre au 1er octobre.

Enfin, les « perspectives européennes » de l’Ukraine pourraient être à nouveau évoquées au Conseil européen. L’Ukraine a officiellement déposé sa candidature le 28 février. Clément Beaune a rappelé qu’une telle décision ne pouvait « pas être prise à la légère ». « Il faut construire les étapes avec prudence et dire que la solidarité concrète que l’on doit à l’Ukraine, celle qui sauve des vies, c’est l’aide humanitaire et militaire, qui pourra se renforcer dans les jours qui viennent. » Le sénateur PS des Français de l’étranger, Jean-Yves Leconte, a demandé s’il n’était pas possible d’aller au-delà d’un simple statut de candidat. « On cherche l’équilibre […] La perspective européenne, à l’évidence sera reposée », a considéré le secrétaire d’État. Clément Beaune a également rappelé que l’accord d’association liant l’UE à l’Ukraine signé en 2014 était actuellement « la forme d’association la plus étroite que nous avons avec un pays tiers ».

Défense, autonomie stratégique ou énergétique : les ambitions des Européens nécessiteront des budgets importants. Et les questions autour des investissements en commun, ou l’évolution du pacte de stabilité budgétaire, seront plus que jamais d’actualité. « Est-ce qu’il y a un consensus politique pour faire un deuxième plan de relance européen, une dette commune complémentaire ? Non. Est-ce que l’on peut y arriver ? Oui, je crois », a résumé Clément Beaune.

Les chantiers ne manquent pas au Conseil européen. Mais le Monsieur Europe du gouvernement insiste sur le fait que l’accélération a été « très rapide » au cours des trois dernières semaines. « Je crois que, même s’il faudra faire le maximum au sommet des 24 et 25 mars, les choses continueront de bouger dans les semaines qui viennent ».

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