Un passe vaccinal couplé à des vérifications d’identité ? Les mises en garde de la droite sénatoriale
Le projet de loi sur le passe vaccinal, adopté jeudi matin par l’Assemblée nationale, prévoit que les professionnels puissent, s’ils l’estiment nécessaire, vérifier l’identité du détenteur d’un passe vaccinal. La mesure inquiète la droite, et pourrait se voir largement amendée lors du passage de ce texte devant la commission sénatoriale.

Un passe vaccinal couplé à des vérifications d’identité ? Les mises en garde de la droite sénatoriale

Le projet de loi sur le passe vaccinal, adopté jeudi matin par l’Assemblée nationale, prévoit que les professionnels puissent, s’ils l’estiment nécessaire, vérifier l’identité du détenteur d’un passe vaccinal. La mesure inquiète la droite, et pourrait se voir largement amendée lors du passage de ce texte devant la commission sénatoriale.
Romain David

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Le parcours législatif du projet de loi visant à transformer le passe sanitaire en passe vaccinal a franchi jeudi matin une étape décisive, lorsqu’il a été adopté par l’Assemblée nationale après un examen particulièrement chaotique. Le passage du texte au Sénat, qui devrait débuter lundi, pourrait aussi avoir ses moments de tensions, dans la mesure où la majorité de droite, sans être fondamentalement opposée à la mise en place de ce passe, s’est vivement offusquée des propos tenus par Emmanuel Macron auprès du Parisien sur les non-vaccinés. Plusieurs points d’achoppement dans le texte s’annoncent donc comme autant d’occasions de désaccords entre LR et l’exécutif. Et tout particulièrement l’épineuse question des vérifications d’identité, qui pourraient être couplées à la présentation du passe vaccinal dans les lieux où il sera rendu obligatoire.

Dans le viseur de ce projet de loi : un renforcement de la lutte contre la fraude. Le texte porte donc une mesure clef pour freiner le recours aux faux, c’est-à-dire l’utilisation du passe d’une tierce personne : la possibilité pour les professionnels des établissements de vérifier l’identité des usagers. Un amendement déposé par le gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale précise les conditions de « ces vérifications », qui ne sont pas obligatoires : « Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le document présenté n’est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente, il peut être procédé à une vérification de la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur ce document et ceux mentionnés sur un document officiel d’identité. »

Un avis favorable du Conseil d’État

Si l’on regarde les informations présentes sur le certificat de vaccination tel qu’il s’affiche dans l’application AntiCovid, deux éléments d’identité apparaissent sur l’écran : le nom de la personne et sa date de naissance. Ce sont donc ces deux informations que les professionnels – par exemple le vigile d’un bar, le chef de salle d’un restaurant ou encore le caissier d’un parc d’attractions – peuvent être amenés à vérifier en les comparants avec ceux figurant sur « un document officiel d’identité ». Pour rappel, l’administration ne reconnaît que trois documents officiels d’identité : la carte d’identité, le passeport et le permis de conduire. Pour garantir la validité de son passe vaccinal, l’usager devra donc s’assurer d’avoir avec lui l’un de ces trois papiers.

Après adoption de cet amendement, LR a fait savoir son intention de saisir le Conseil constitutionnel sur cette question. La droite, comme une large partie des autres oppositions, assure que le contrôle d’identité est une prérogative des forces de l’ordre. Mais l’exécutif s’appuie sur un avis rendu par le Conseil d’État le 26 décembre dernier, et qui rappelle que « diverses dispositions législatives et réglementaires prévoient déjà la vérification par les professionnels de l’identité de leurs clients, en particulier en ce qui concerne le paiement par chèque, les transactions bancaires, la vente de boissons alcoolisées dans les débits de boissons, l’accès aux salles de jeux dans les casinos ou les compagnies aériennes ». Les sages du Palais Royal estiment que le risque de fraude et la menace sanitaire sont des motifs suffisamment légitimes pour mettre en place de telles vérifications. « Le Conseil d’État considère dès lors qu’aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à ce que l’accès des personnes dans un établissement, un lieu ou un service de transports soit subordonné à la justification par les intéressés de leur identité, lorsqu’une telle demande est motivée par des considérations objectives. »

Du « contrôle » à la « vérification », en passant par la « concordance d’identité » : la nécessité de clarifier les définitions

Par ailleurs, l’exécutif a pris soin d’opérer une distinction entre « contrôle d’identité » et « vérification » ou plus précisément « concordance d’identité », selon la formule utilisée par Olivier Véran, le ministre de la Santé, mercredi au Palais Bourbon. « La grande différence, en droit, entre le contrôle d’identité et la concordance d’identité – qui est bien une définition juridique à proprement parler – c’est que le contrôle d’identité est la détermination de l’identité en vue d’accéder au dossier d’une personne et d’avoir des informations confidentielles la concernant. La concordance d’identité et la comparaison des seules données de prénom, de nom et de date de naissance sur un papier que l’on présente et une pièce d’identité. Vous n’avez pas à en connaître davantage. La concordance d’identité ne relève pas d’un pouvoir de police. », a-t-il défendu.

Une attention lexicale qu’avait déjà relevée le 28 décembre le sénateur LR Philippe Bas, rapporteur de ce texte pour la Chambre Haute, lorsque Public Sénat l’avait interrogé. Selon lui, un flou persiste autour de ces différentes notions. « Qu’est-ce qu’un contrôle d’identité ? C’est précisément un contrôle qui est fait pour des motifs de sécurité, à l’extérieur. Le gouvernement appelle cela une vérification, est-ce une vraie distinction ou est-ce que l’on joue sur les mots ? », expliquait cet ancien ministre de la Santé. « Il me semble que ni les restaurateurs, ni les gérants de bars ne soient disposés à accepter ce type de vérification. Le public n’admettra pas non plus de devoir ajouter au passe sanitaire la présentation d’un document d’identité pour des personnes qui ne sont normalement pas habilitées à contrôler. C’est un sujet de liberté publique auquel je serai particulièrement attentif. »

« Il y a un sujet de sémantique. Que met-on exactement derrière le mot ‘vérification’ qui est celui employé dans le projet de loi ? Il est hors de question d’accepter une formule alambiquée, car il y aurait un vrai risque constitutionnel », résume Marc-Philippe Daubresse, le vice-président LR de la commission des lois. Et de rappeler : « La position du Sénat a toujours été la même. Seules les forces de l’ordre ont le pouvoir d’appliquer une mesure coercitive avec une incidence sur les libertés publiques. »

Également auprès de Public Sénat, le vice-président centriste de la commission des Lois, Philippe Bonnecarrère, s’était inquiété, quant à lui, de la notion de doute, « qui n’est pas définie en droit », et donc susceptible d’entraîner des situations conflictuelles entre les usagers et les professionnels qui procéderont aux vérifications.

Renforcer l’encadrement du passe

Mardi, lors de la réunion de groupe des sénateurs LR, le sujet a été abordé. D’après des membres du groupe, le rapporteur, plutôt qu’une opposition pure et simple à cette mesure, pourrait finalement opter pour un assouplissement en proposant, par exemple, le recours à d’autres documents pour opérer cette « concordance d’identité ». « Le Sénat veut un dispositif de contrôle du passe vaccinal, dans le temps, et sur l’application de ce passe, connaître les éléments qui pourront être produits auprès d’un restaurateur pour justifier son identité. Cela peut être la pièce d’identité, mais pas nécessairement », confirme François-Noël Buffet, le président de la commission des lois. « Il peut s’agir d’un permis de conduire, mais aussi d’une carte Vitale avec photo. »

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