Vaccination : « Il faut répondre aux craintes qui sont absolument légitimes », selon Alain Fischer

Vaccination : « Il faut répondre aux craintes qui sont absolument légitimes », selon Alain Fischer

Le professeur Fischer, missionné par Matignon à la tête d’un Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, a détaillé au Parlement sa vision sur la façon d’améliorer la « confiance » et l’acceptation sociale dans la vaccination contre le covid-19. Il a beaucoup insisté sur le besoin de faire preuve de transparence et de prudence.
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Les derniers essais cliniques sont en train d’être lancés et la France se rapproche chaque jour un peu plus des débuts de sa campagne de vaccination contre le covid-19. Cette arme déterminante dans la lutte contre la pandémie fait néanmoins face à de fortes réticences dans la population. Un peu plus de la moitié des Français, selon plusieurs enquêtes d’opinion, n’envisageraient pas à ce stade de se faire vacciner. C’est dans ce contexte que va devoir travailler Alain Fischer, le professeur d’immunologie pédiatrique nommé le 3 décembre par Jean Castex, président d’un nouveau comité : le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale.

A une semaine du débat au Parlement sur la stratégie vaccinale nationale, le professeur Fischer était entendu ce 10 décembre par les députés et sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui enchaîne les auditions sur le sujet pour éclairer la représentation nationale. Ce Conseil d’orientation, qui sera composé de chercheurs, de professionnels de la santé, de sociologues ou encore de représentants de la société civile, aura pour mission d’éclairer le gouvernement dans la conception et la mise en œuvre de la stratégie vaccinale. Il devrait être opérationnel dès « la semaine prochaine », espère Alain Fischer. Dans cet appui, les questions relatives à la communication seront « très importantes », selon le professeur.

L’aspect ne doit rien au hasard, comme en témoignent les thèmes des questions des parlementaires présents, qui ont majoritairement tourné autour de la défiance ou des inquiétudes de la population sur l’efficacité ou l’innocuité des vaccins développés. « L’espoir que suscite le vaccin me paraît actuellement masqué par toutes les préoccupations vis-à-vis de la rapidité avec laquelle s’est développé le vaccin, et en même de temps de la défiance vis-à-vis des industries pharmaceutiques », a relevé la sénatrice LR Florence Lassarade, médecin de profession.

Des médecins et associatifs « ambassadeurs »

La question de la « confiance » et de la « transparence » sera « centrale », estime Alain Fischer, qui entend rendre publics les avis de son instance, à l’instar de ce que fait le Conseil scientifique. « Comment faire en sorte pour que nos concitoyens acquièrent les connaissances et réflexions qui leur permettent, avec un libre arbitre raisonné, de prendre une décision que l’on espère aller dans le sens de la vaccination ? » a-t-il résumé. Dans cette tâche, le professeur compte davantage sur les effets d’une communication horizontale, plutôt que de se limiter aux canaux classiques, très verticaux, des autorités de santé ou organismes sanitaires. Alain Fischer, connu pour avoir présidé une concertation citoyenne sur la vaccination en 2016, entend s’appuyer sur des relais importants comme les professionnels de santé – qui seront parmi les premiers publics visés par la vaccination – et la société civile, en particulier les associations de patients ou de personnes atteintes de maladies chroniques. « On peut penser qu’ils seront les ambassadeurs de la vaccination à travers leur propre expérience », espère-t-il. En plus d’être situés en première ligne sur le terrain, le monde associatif et les soignants ont également l’avantage de bénéficier encore d’un haut taux de confiance dans la population, comme le soulignent régulièrement les baromètres du Cevipof.

Beaucoup questionné sur son expérience passée, et les parallèles possibles avec l’époque où il s’était engagé dans le débat sur de nouveaux vaccins obligatoires aux jeunes enfants, Alain Fischer a estimé que toutes les interrogations au sein de la population pouvaient être posées. « Il faut répondre aux craintes qui sont absolument légitimes », souligne-t-il. Et d’ajouter : « le mot prudence est un mot-clé à côté du mot transparence dans le développement de cette stratégie vaccinale. » En clair, selon lui, il ne faut rien éluder, tout en reconnaissant parfois que telle ou telle donnée n’existe pas encore à un instant T. Parfois critiqué, ou mal compris, par le caractère incertain de certaines de ses déclarations, le professeur Fischer veut faire du doute un atout, une manière de travailler. Et s’en tenir aux « faits établis ». Il a pris l’exemple du vaccin Pfizer. « A trois mois, il protège 95 % des sujets vaccinés, c’est un chiffre, un fait. Après on peut avoir un doute, c’est : combien de temps cette protection va-t-elle durer ? Six mois ? Un, deux ou cinq ans ? Aujourd’hui on ne le sait pas. On a des choses assurées, et des choses où il y a des incertitudes, qui ne se résolvent pas du jour au lendemain. » Ne pas continuellement faire preuve de certitude dans le discours est, selon sa conviction, une communication qui a « plus de chances d’être efficace que celle consistant à faire des affirmations tranchées ».

Deux réactions allergiques au Royaume-Uni : « Pas quelque chose de nouveau et d’inattendu »

Le travail de pédagogie a commencé dès l’audition, rattrapée par l’actualité. Le professeur Fischer a ainsi été saisi sur le cas des deux soignants britanniques victimes d’une violente réaction allergique après l’injection du virus. Il a rappelé que ces deux personnes avaient des « antécédents allergiques importants », que la réaction avait été « contrôlée » et qu’il n’y avait pas d’inquiétude sur leur état. « Il faut tirer la leçon de ces évènements. Il faut un environnement médical adéquat pour vacciner », a-t-il souligné. « Ce sont des évènements habituellement très rares. J’espère qu’il en sera de même. Ce n’est pas quelque chose de nouveau et d’inattendu. »

Interrogé sur les aspects logistiques de la campagne de vaccination, qu’il qualifie de « complexes » étant donné la fragilité des vaccins à ARN messager, le professeur Fischer a expliqué son comité ne couvrirait pas ces aspects de la stratégie. Ils relèveront de Santé publique France et de la Direction générale de la santé. Il a toutefois souligné qu’une « bonne logistique » faisait « partie de la confiance ». Tout raté dans le processus pourrait « créer un plus de doute à l’égard de la vaccination », selon lui. C’est aussi ce que met en avant le chef du service infectiologie de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, Éric Caumes : « Si on se loupe, la vaccinologie sera discréditée », a-t-il averti dans Le Parisien. Le même professeur a surtout déclaré, au sujet des essais Pfizer : « Je n’ai jamais vu une fréquence aussi élevée d’effets indésirables pour un vaccin. » Les mots sont « assez sévères », juge Cédric Villani, le président de l’Opecst, qui a demandé que le professeur Fischer les commente.

« Je pense qu’il est fait allusion aux évènements précoces 24 et 48 heures après le vaccin, qui entraînent des réactions de type malaises, maux de tête ou douleurs musculaires. D’après les chiffres que j’ai pu voir, c’est un peu plus qu’un certain nombre de vaccins, mais pas énormément plus que des vaccins qu’on pratique habituellement. Il faut que les personnes soient informées qu’elles peuvent développer des manifestations de ce type, qui sont transitoires et sans gravité. Et que l’on peut contrôler avec prise de paracétamol », a réagi le professeur Fischer. Il estime : « Il ne faudrait pas faire une confusion entre ces évènements immédiats, qu’on appelle dans notre jargon la réactogénicité, réelle, sans être dramatique, qui est acceptable, et les effets indésirables graves. »

« Pas de vaccination sans le consentement »

Si le président du Conseil d’orientation a souligné que les résultats sur l’efficacité du vaccin étaient « plutôt encourageants » jusqu’à l’âge de 75 ans, il a également répondu aux inquiétudes sur la vaccination des plus âgés, rappelant que ces derniers cumulaient « beaucoup de facteurs de risques » face au covid-19. Michelle Meunier, sénatrice socialiste, et Olivier Henno, sénateur centriste, l’ont également interpellé sur la délicate question du consentement dans les maisons de retraite. Le professeur a saisi l’occasion pour rappeler sa position éthique : « Il n’y aura pas de vaccination, que ce soit dans les Ehpad ou ailleurs, sans le consentement de la personne ou des personnes qui la représente, quand la personne n’est pas en état de le donner. »

La rapidité de développement et de mise au point des vaccins, avec les questions sur le recul, a également animé l’audition. « Les autorités réglementaires font leur travail, selon les mêmes critères, la même rigueur qu’elles le font à l’égard d’autres vaccins ou médicaments. Il faut arriver à convaincre nos concitoyens que c’est bien le cas et que l’on n’a pas facilité ou accéléré les processus de certification », a-t-il répondu.

« Etablir la confiance », selon la « première façon de procéder » du Conseil d’orientation, a-t-il promis. Avant d’ajouter : « L’obligation, c’est le dernier recours quand les choses ne vont pas bien. »

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