Vaccination : « L’approvisionnement et la logistique sont les défis majeurs », alerte Antoine Flahault

Vaccination : « L’approvisionnement et la logistique sont les défis majeurs », alerte Antoine Flahault

L’épidémiologiste, directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève était auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat sur la mise en œuvre de la stratégie vaccinale française contre le covid-19. Il affirme que la France ne disposera que de 22 millions de doses de vaccins en juin, et non de 77 millions, comme l’a assuré Olivier Véran mardi.
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Par Pierre Maurer

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Avec près de « 190 000 » personnes vaccinées à ce jour, la France apparaît « en queue de peloton » dans la course à la vaccination. Antoine Flahault ne l’a pas caché face aux sénateurs de la commission des affaires sociales qui l’auditionnaient sur la mise en œuvre de la stratégie vaccinale. Mais l’épidémiologiste est « persuadé » que la France est « en train » de rattraper son retard. Il préférerait même que le pays bascule en « pénurie ». « Cela signifierait que l’on a vacciné le plus de personnes possibles et qu’un maximum d’individus sont protégés », a-t-il justifié.

Directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève, le médecin a assuré aux parlementaires que la stratégie retenue par la France - vacciner les personnes les plus à risque en premier - était « la bonne ». « Partout dans le monde, cette stratégie a été choisie », a-t-il souligné. Autriche, Allemagne, Danemark, Italie… Selon ce qu’il a pu observer, la logistique repose elle aussi à peu près partout en Europe « sur des centres de vaccination d’autant plus nécessaire que le vaccin Pfizer nécessite une chaîne du froid exigeante ».

À l’écouter, le défi « majeur » est ailleurs : « C’est un défi d’approvisionnement et de logistique. La France attend près de 232 millions de doses en 2021, mais seuls 22 millions de doses seront livrées avant juin », a-t-il affirmé en référence à un tableau des livraisons de vaccins de BFMTV. Mardi soir au Sénat, Olivier Véran a assuré que la France disposerait de 77 millions de doses « d’ici fin juin ». Catherine Deroche (LR), la présidente de la commission, s’est en effet alarmée du calendrier vaccinal annoncé aux parlementaires par le ministre de la Santé. « Il nous a dit espérer terminer la vaccination des plus de 75 ans à Pâques. C’est un peu tard… », a-t-elle regretté.

Opérant un retour historique, Antoine Flahault a identifié deux raisons au temps perdu dans les vaccinations. Selon lui, ce sont deux traumatismes collectifs aux allures de fiascos « qui ont probablement influencé les cabinets ministériels » : celui de la vaccination contre l’hépatite B qui « a été suivie d’une pseudo-épidémie de sclérose en plaques » ; et bien sûr l’expérience de la grippe H1N1 lors de laquelle « les Français ont boudé la vaccination ».

En outre, face à la défiance très prégnante en France depuis l’annonce des nouveaux vaccins, le professeur a plaidé pour que l’on évite « de confondre et de mélanger les antivax et les gens qui ont pu exprimer des doutes à l’occasion de la sortie d’un nouveau vaccin ». « Certains médecins ont aussi préféré attendre les résultats sur pièce ». Mais il ne s’est pas montré inquiet « les réticences, les doutes devraient se lever peu à peu ».

Sanofi, élections, armée… Ses pistes pour la suite

Après ce constat et pour « regarder plutôt de l’avant », l’épidémiologiste a formulé deux propositions. D’une part, « poursuivre la stratégie lancée en France et en Europe », c’est-à-dire la vaccination des plus fragiles en premier. D’autre part, « planifier dès à présent une grande opération de vaccination ».

Il propose par exemple de prendre en compte le fait que les Français savent « très bien organiser » des élections. « Nous pourrions imaginer qu’au mois de juin prochain, on organise deux tours de vaccination pour les deux doses. Afin de délivrer ces vaccins à tous les Français qui seraient volontaires », a-t-il suggéré. Cela permettrait de donner la possibilité aux Français de se dire que « fin juin, la page est tournée ». Et reprendre ainsi une vie « normale ».

Pour faire face à la pénurie, et convaincu qu’un vaccin français développé par Sanofi ne sera pas disponible avant la fin de l’année, il suggère que le groupe pharmaceutique conditionne des vaccins étrangers déjà disponibles sur le marché. « Aujourd’hui, le problème n’est pas la production de vaccin mais l’embouteillage pour la mise en flacon », a-t-il expliqué. « À défaut de produire un vaccin made in France, Sanofi peut conditionner du vaccin en vrac. Par exemple, Moderna abandonne ses brevets. Sanofi est capable de le conditionner et de le donner aux Français. Qu’importent les modalités de vaccination, on voudrait que tout le monde bénéficie de ce vaccin », a-t-il insisté.

Face aux différents variants du covid-19, Antoine Flahault estime que le gouvernement est engagé « dans une course contre la montre ». Il redoute notamment que le virus puisse se frayer un chemin alors qu’une certaine immunité collective « commence à apparaître ». Aux sénateurs qui l’interrogent sur ses préconisations, il répond : « Pourquoi pas mobiliser les forces armées pour vacciner le plus grand nombre ? Tout ce qui est mobilisable est le bienvenu ». D’autant que le vaccin Pfizer est « neutralisant » contre le nouveau variant britannique, a-t-il rappelé.

Enfin, quant à la question du passeport vaccinal, il a pris l’exemple de la Suisse. « Nous avons un carnet de vaccination électronique. Mon sentiment est que cela pourrait faire l’objet d’une résolution à l’OMS à la demande des États membres. C’est important car il peut y avoir un marché noir de faux carnets ou de faux enregistrements… »

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