Vaccination : les leçons de la stratégie israélienne

Vaccination : les leçons de la stratégie israélienne

Conjointement avec le groupe d’amitié France Israël, la commission des Affaires sociales du Sénat auditionnait ce jeudi 6 mai le professeur Ran Balicer, à la tête du comité d’experts en charge de la stratégie israélienne contre le Covid-19.
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Par Jules Fresard

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70 cas par jour, avec un taux de positivité des tests à 0,2 %. 60 % de la population vaccinée, avec entre zéro et un décès journalier. Ces données, à faire pâlir d’envie les épidémiologistes et médecins français, proviennent d’Israël, qui après trois vagues épidémiques particulièrement fortes, a mené depuis le début de l’année une campagne vaccinale tambour battant, permettant aujourd’hui aux neuf millions d’Israéliens de retrouver un semblant de normalité, avec la réouverture des bars, restaurants et salles de concert.

C’est donc dans l’optique de mieux comprendre le succès de cette stratégie israélienne, et également d’interroger ses instigateurs sur certains points qui font débat en France, comme le passeport vaccinal, que la commission des Affaires sociales du Sénat, épaulée par le groupe d’amitié France-Israël, présidé par Philippe Dallier, sénateur LR de Seine-Saint-Denis, a tenu à auditionner Ran Balicer, président du comité national d’experts sur le covid-19, sur la gestion de la crise sanitaire en Israël. « Je pense qu’il y a beaucoup de choses à apprendre », a ainsi expliqué dans son propos introductif Philippe Dallier.

Une campagne de vaccination massive jumelée d’une lente stratégie de déconfinement

Première leçon à retenir, c’est bien la campagne de vaccination massive mise en place dans le petit état du Moyen-Orient qui est à l’origine des bons résultats du pays. Démarrée dès décembre 2020, elle s’est rapidement accélérée, avec 12 % de la population vaccinée au 1er janvier. Mais ses effets ont tardé dans un premier temps à se faire ressentir. Elle n’a ainsi pas empêché l’arrivée d’un pic épidémique au milieu du mois de janvier, quand 7,5 % des tests revenaient positifs, et que les services de réanimation étaient « au bord de la saturation », comme l’a précisé Ran Balicer.

La décrue s’est opérée en mars, une fois que 55 % de la population avait reçu au moins une dose de vaccin. Et la stratégie de déconfinement israélienne a été particulièrement prudente. L’État hébreu a en effet attendu le 7 février pour le débuter, quand 40 % des Israéliens étaient vaccinés.

« Avec 40 % des personnes vaccinés, nous pensions donc être dans une situation sûre pour rouvrir, graduellement, avec toutes les deux semaines des levées supplémentaires de restrictions. Nous n’avons pas rouvert les écoles immédiatement », a ainsi précisé l’épidémiologiste israélien, laissant entendre qu’une bonne stratégie de déconfinement ne peut intervenir qu’une fois une partie importante de la population vaccinée.

Convaincre les récalcitrants

Face à cette campagne de vaccination qui semble avoir réussi à convaincre une majeure partie de la population, les sénateurs ont tenu à interroger Ran Balicer sur la politique israélienne pour arriver à convaincre certaines franges de la population se montrant récalcitrantes à la vaccination. Lors de l’audition Chantal Deseyne, sénatrice LR d’Eure-et-Loir, a ainsi demandé au professeur d’éclairer « la politique mise en place pour lever les réticences », d’autant « qu’en France, le taux de personnes « antivax » est particulièrement élevé ».

« Nous avons tenu à convaincre de la sécurité du vaccin, en faisant en sorte que des personnalités publiques se fassent vacciner à la télévision en direct. […] Avec la population, nous avons été transparents sur ce que nous savions et ce que nous ne savions pas, comme les effets à long terme », a détaillé le professeur, en ajoutant qu’une grande partie des données scientifiques disponibles avait été massivement partagée sur les sites gouvernementaux israéliens, tout comme le contrat passé entre l’État hébreu et Pfizer.

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Interrogé par Laurence Cohen, sénatrice communiste, sur le très faible taux de personnes vaccinées en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza – seulement 0,9 % des personnes à ce jour – l’épidémiologiste est resté évasif, se contentant d’expliquer que pour la population arabe vivant sur le sol israélien, tout comme la population juive ultraorthodoxe, toutes deux décrites comme plus récalcitrantes que la moyenne au vaccin, l’État a « travaillé avec les chefs de communautés, les rabbins et les maires » si bien qu’aujourd’hui, ces deux groupes connaissent des taux de vaccination proches de ceux de la population globale.

Et pour les personnes âgées de plus de 75 ans, « nous les avons appelées une à une, et nous avons pris des rendez-vous vaccinaux à leur place ».

Le vaccin face aux variants

Concernant les variants, Ran Balicer s’est voulu rassurant, affirmant que « pour ce qui est du variant sud-africain et indien, nous avons quelques douzaines de cas, mais nous n’avons pas encore vu une diffusion importante ». 90 % des contaminations sont encore issues du variant britannique, à l’origine de la vague épidémique de janvier.

Et pour ce qui est de l’efficacité des vaccins, « pour les tout derniers résultats publiés, nous avons pu noter 95 % de réduction des cas sévères, mais pour certains sous-groupes avec comorbidité, 88 % d’efficacité, et 80 % pour les personnes souffrant de maladie rénale ».

Le passeport vert

Le passeport vaccinal mis en place en Israël, nécessaire pour l’accès aux restaurants en intérieur ou aux boîtes de nuit, est bien sûr venu s’immiscer dans l’audition, alors que son application se développe progressivement en France.

« Il n’a pas été mis en place pour encourager la vaccination, mais pour permettre aux personnes à hauts risques d’aller dans des restaurants ou dans des salles de concert, sans risque d’être contaminées. Avec ce passeport, certes certaines personnes sont allées se faire vacciner, mais ce n’était pas la logique sous-jacente », a tenu à préciser Ran Balicer.

Avec sa situation vaccinale favorable, l’État hébreu envisage d’ailleurs déjà d’accueillir des touristes « progressivement ». Pour l’instant, les passagers revenant en Israël sont soumis à une quarantaine de 10 jours. L’épidémiologiste a précisé qu’un bracelet électronique était d’ailleurs à l’étude pour s’assurer du respect de cette dernière, laissant entrevoir l’attitude particulièrement ferme d’Israël sur la question, qui compte bien faire de sa réussite vaccinale un atout diplomatique sur la scène internationale.

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