Vaccination obligatoire pour tous : « C’est quelque chose qu’il ne faut pas écarter », plaide René-Paul Savary

Vaccination obligatoire pour tous : « C’est quelque chose qu’il ne faut pas écarter », plaide René-Paul Savary

Portée par les socialistes, l’idée d’une vaccination obligatoire pour tous pose la question de sa faisabilité en termes de suivi et de contrôle. Une limite que le ministre de la Santé a soulevée ce jeudi en audition. Pour autant, le débat doit s’ouvrir estiment certains sénateurs, à l’instar de la Haute autorité de santé.
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Par Héléna Berkaoui

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Alors que le projet de loi instaurant l’extension du passe sanitaire est âprement débattu à l’Assemblée nationale, les députés et sénateurs socialistes plaident pour une vaccination obligatoire pour tous. Le texte à l’étude au Parlement inscrit de fait une forte incitation à la vaccination et crée une obligation pour certaines professions, comme les soignants. Pour mémoire, au lancement de la campagne vaccinale en décembre, le président de la République assurait avec force que le vaccin ne serait pas obligatoire.

Plutôt qu’une « vaccination obligatoire déguisée » certains parlementaires pressent donc pour une obligation franche face à la hausse exponentielle des contaminations par le variant Delta. Début juillet, le sénateur PS Bernard Jomier alertait déjà : « La vaccination des soignants est légitime. Mais son impact n’est pas de nature à changer totalement l’épidémie. Les 18-59 ans sont très contributifs à la circulation du virus »

« On a une situation chaotique sur la question de l’application du passe sanitaire », pointe aujourd’hui le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner. Le contrôle de ce passe a, en effet, largement animé les débats et irrité ceux qui craignent une surcharge pour les restaurateurs déjà éprouvés par la crise.

Après un moment de flottement, le ministre de la Santé a précisé que les contrôles se feraient sur deux niveaux : le contrôle du passe sera effectué par les gérants tandis que le contrôle des identités sera fait par les forces de l’ordre. Certaines mesures ont aussi pu apparaître contradictoires, comme la levée du port du masque dans les lieux concernés par le passe sanitaire.

« Olivier Véran dit qu’il n’y a que deux solutions : le passe sanitaire ou le reconfinement. Nous disons qu’il y a une troisième solution avec la vaccination obligatoire des majeurs au 30 septembre », soutient Patrick Kanner. « Il y a encore des points à préciser notamment sur la vaccination des mineurs mais cela reste une option plus lisible pour les Français », ajoute le sénateur du Nord.

A ce jour, 56 % des Français ont reçu au moins une dose, et 46 % ont reçu toutes les doses requises. Mais l’arrivée des nouveaux variants place encore plus haut la barre des personnes vaccinées pour atteindre l’immunité collective : 90 % de la population doit être immunisé.

Lors des questions d’actualité au gouvernement hier, le Premier ministre affirmait que l’objectif du gouvernement était d’atteindre 50 millions de primo-vaccinés fin août, et non plus 40 millions, grâce notamment à l’ouverture de 5 millions de nouveaux rendez-vous « dans les 15 jours ». Le rythme de la vaccination est à la hausse mais il faudrait injecter 659 838 doses chaque jour pour vacciner l’ensemble de la population adulte (52 millions de personnes) d’ici à août 2021, selon Covid Tracker.

« Le seul remède, c’est la vaccination », martèle le sénateur LR, René-Paul Savary. Médecin de formation, il considère lui aussi très sérieusement le principe d’une vaccination obligatoire applicable à tous.  « C’est quelque chose qu’il ne faut pas écarter, il faut l’envisager. Jean-François Delfraissy le répétait en audition ce matin : la crise sanitaire va durer. Nous devrions donc ouvrir le débat au moins par anticipation », appuie le sénateur de la Marne.

L’anticipation, justement, est ce qui a manqué à l’exécutif pour René-Paul Savary qui fustige un gouvernement « plein de certitudes ». « Avant même de la rendre obligatoire pour tous, on pourrait au moins envisager de le faire par tranche d’âge au lieu de ne le faire que par professions », avance également René-Paul Savary. Une proposition cohérente avec les données de l’institut Pasteur qui rappelle que les personnes non-vaccinées de plus de 60 ans - qui ne représentent que 3 % de la population - représenteraient 35 % des hospitalisations.

Les parlementaires ne sont pas les seuls à plaider en ce sens. Dans un communiqué, la Haute autorité de santé préconise « l’ouverture rapide d’un large débat sur l’élargissement de l’obligation vaccinale » au moins « dans un premier temps pour les personnes vulnérables dès lors que la couverture vaccinale ne progresse pas ».

Interpellé sur le sujet en audition ce jeudi, Olivier Véran a pointé certaines limites : « Nous avons l’exemple de la vaccination obligatoire chez les nourrissons parce que c’est simple. Vous ne rentrez pas en crèche et vous n’allez pas à l’école, le nourrisson ou l’enfant n’est pas vacciné, c’est très facilement contrôlable. En revanche, chez les adultes, je ne sais pas comment on fait ! Comment on fait avec une personne qui a 50 ans et qui n’est pas vaccinée ? Elle ne peut plus faire ses courses ? On lui met une amende à chaque fois qu’elle sort de chez elle ? »

« Il est tout à fait possible de faire des contrôles aléatoires par les seules personnes habilitées à le faire, c’est-à-dire les forces de l’ordre », rétorque Patrick Kanner. Le passe sanitaire serait alors remplacé par « un certificat vaccinal ». Les personnes présentant des contre-indications médicales en seraient exemptées et des aménagements seraient mis en place si les doses venaient à manquer d’ici le 30 septembre, argue le sénateur PS.

Le mouvement des « antivax » qui ont battu le pavé le week-end dernier constitue également un obstacle. « Ces groupes d’extrême-droite existent quoiqu’il arrive, ils disparaîtront avec l’instauration de l’obligation vaccinale », veut croire Patrick Kanner tout en rappelant que la mise en place de vaccins obligatoires avait déjà suscité ce type de réactions par le passé.

Retardé par les vifs débats à l’Assemblée nationale, le projet de loi instaurant le passe sanitaire arrive demain soir au Sénat. Le groupe socialiste a d’ores et déjà prévenu qu’il voterait contre le texte en l’état.

 

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