Vidéosurveillance, RER B, délinquance… ce que nous apprend l’audition de la FFF devant le Sénat

Vidéosurveillance, RER B, délinquance… ce que nous apprend l’audition de la FFF devant le Sénat

Au tour de la Fédération française de football de livrer sa version des événements qui ont entaché la finale de la Ligue des Champions au Stade de France. Son vice-président, Philippe Diallo, était auditionné ce jeudi par les sénateurs avec d’autres responsables de la Fédération. Ils ont dénoncé un défaut de communication sur les flux de voyageurs arrivant par le RER D, et largement ciblé des phénomènes de délinquance « jamais vus » aux abords du stade.
Romain David

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Le Sénat continue d’examiner à la loupe la fameuse soirée du 28 mai, qui a vu la finale de la Ligue des Champions entachée de nombreux débordements autour du Stade de France. Ce jeudi 9 mai, dans la foulée de l’audition – particulièrement attendue – de Didier Lallement, le préfet de police de Paris, ce sont les principaux responsables de la Fédération française de football qui ont présenté leur version des faits et répondu aux questions des sénateurs. « Nous ne sommes ni des novices ni des amateurs, l’organisation de l’Euro 2016 et de la Coupe du monde féminine 2019 sont des exemples du savoir-faire français en termes d’accueil des grandes compétitions », a défendu Philippe Diallo, le vice-président de la FFF. À ses yeux, c’est une addition d’incidents, sur lesquels la Fédération n’avait aucun contrôle, qui explique le fiasco de la rencontre Liverpool-Real Madrid.

En l’occurrence : la grève sur la ligne B du RER et les phénomènes de délinquance aux abords du Stade, largement pointé du doigt au fil de cette audition. « Sans la grève du RER B, la multiplication de faux billets et les comportements délictueux, nous aurions relevé ce défi. J’en veux pour preuve que les deux fans zones, à Vincennes et Saint-Denis ont accueilli plusieurs dizaines de milliers de supporters sans que nous n’ayons de difficultés particulières ni d’incidents majeurs à déplorer », a assuré Philippe Diallo.

Un problème de communication du côté de la RATP ?

Le phénomène a déjà été largement décortiqué par les différents responsables auditionnés par le Sénat, notamment le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ou encore la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra : la grève annoncée sur le RER B, principal moyen d’accès au Stade de France, a poussé de nombreux supporters à emprunter le RER D, dont les voies d’accès vers l’enceinte sportive se sont vite révélées sous-dimensionnées face à l’afflux de voyageurs, provoquant d’importants effets d’engorgement entre la gare et les premiers points de préfiltrage.

Selon la FFF, c’est un communiqué de la RATP diffusé le 26 mai, faisant état en dépit du mouvement social d’au moins 4 trains sur 5 en circulation le soir du match, qui a poussé la fédération à maintenir un dispositif de filtrage conséquent aux abords de la gare du RER B. « Nous avons découvert dans l’après-midi du match que la RATP, dans certaines stations, notamment le hub de Châtelet et celui de Nation, incitait certaines personnes à se rendre au match en prenant le RER D », a expliqué Erwan Le Prévost, directeur des relations institutionnelles pour la FFF. « Si certaines personnes prennent des décisions sans en référer aux autres parties, ça ne fonctionne pas ! », s’est-il agacé.

« Nous n’avons pas eu l’information que le flux du RER B avait été dévié. La préfecture de police non plus. Nous nous sommes retrouvés, autour de 18h30, à avoir un afflux massif en provenance du RER D, alors que le dispositif mis en œuvre permettait un accueil maximum de supporters au niveau du RER B ».

Mais pour certains sénateurs, le phénomène aurait, malgré tout, pu être anticipé par les organisateurs. « La grève était annoncée. Deux jours plus tôt, il y avait déjà des messages disant de ne pas prendre le RER B mais le D. J’entends les problèmes de coordination, de circulations de l’information... Mais vous n’aviez pas besoin d’être informé de cela, c’était de notoriété publique. C’est un peu étrange », a relevé la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie.

« Le sujet de la délinquance n’aurait jamais pu être prévu »

En marge de la gestion chaotique du flux de supporters, ce sont aussi les faits de délinquance venus s’y greffer qui ont interpellé. Alors que Gérald Darmanin s’était vu reprocher par plusieurs élus, dont la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio, de minimiser ce phénomène, les responsables de la FFF, au contraire, l’ont largement pointé du doigt. « De très nombreux délinquants ont profité de cette finale pour se rendre au Stade de France, dans le seul but de pénétrer dans le stade sans billet, de voler et d’agresser les supporters des deux clubs présents au stade. Nous n’avions jamais vu ça, nous avons tous vu des vidéos et des témoignages sur les réseaux sociaux », a accusé Florence Hardouin, directrice générale de la FFF.

« On aurait pu anticiper et prévoir la grève, anticiper les faux billets et l’afflux massif de supporters si on s’était mieux coordonnés », a concédé Erwan Le Prévost. « En revanche, le sujet de la délinquance n’aurait jamais pu être prévu », a-t-il défendu. « Des gens sont passés à travers des restaurants pour rentrer dans le périmètre sécurisé, d’autres ont fracassé une école qui formait une barrière d’accès au Stade de France. Ils ont cassé la grille, ont déverrouillé la porte pour rentrer à l’intérieur du périmètre sécurisé », a-t-il rapporté. Il a également évoqué le cas de personnes tentant de s’infiltrer en traversant un chantier, ou celui de salariés de la FFF barricadés plusieurs heures durant dans un local d’accréditations pris d’assaut.

La vidéosurveillance… automatiquement effacée

Fait pour le moins étonnant :  les images de vidéosurveillance du Stade de France, qui permettraient d’étayer les témoignages de violence par des éléments matériels, ont été… supprimées.  « Les images de vidéosurveillance sont disponibles pendant sept jours, puis elles sont automatiquement détruites », dans le cadre de la réglementation sur la protection des données personnelles, a expliqué Erwan Le Prévost. « Il aurait fallu une réquisition [par le procureur de la République, ndlr] pour pouvoir les fournir aux différents acteurs ». Or, l’enquête ouverte par le parquet de Bobigny ne concerne pour l’heure que les soupçons de « fraude massive » aux faux billets, et non les phénomènes de violences spécifiquement. « Ces images étaient extrêmement violentes », a encore tenu à préciser Erwan Le Prévost, qui se tenait à l’intérieur du PC sécurité au moment des débordements.

Cette précision a fait bondir le sénateur PS David Assouline. « Il y a des preuves qui ont été détruites - on va dire… par incompétence, je n’ai pas envie de penser que cela a été fait exprès - je trouve cela très grave. C’est une responsabilité importante de l’autorité publique. »

« 57 faux billets scannés toutes les 5 minutes »

Revenant sur les tentatives frauduleuses d’intrusion à l’intérieur du stade, la FFF a indiqué que 2 536 faux billets ont été scannés aux tripodes d’entrée du bâtiment. « Sur les grands concerts et les évènements internationaux, on trouve en moyenne 300 faux billets », a relevé Florence Hardouin. « 2 536, ce sont 57 faux billets scannés toutes les 5 minutes. 66 % de ces faux billets ont été scannés au niveau des portes dédiées aux supporters de Liverpool », a encore précisé la directrice générale de la FFF, accréditant ainsi la thèse d’une fraude principalement organisée du côté britannique. Ce nombre inédit de faux aurait même laissé croire à certains stadiers que les stylos chimiques qu’on leur avait distribués, pour tester l’authenticité des billets dès les points de préfiltrage, étaient défectueux.

« L’ensemble des billets commercialisés par l’UEFA [qui était en charge de la billetterie, ndlr] était initialement prévu sous un format électronique, avec un système de blockchain non falsifiable », a-t-elle encore rapporté. Mais sur insistance du club de Liverpool, 20 000 billets ont été édités au format papier à l’intention des Anglais. « Nous recommandons que sur les prochains évènements [de ce type] l’accueil par la France ne se fasse qu’à l’unique condition qu’aucun billet ne puisse être en papier. Cela évitera un nombre conséquent de fraudes aux billets et fluidifiera l’accès au stade », a indiqué Erwan Le Prévost.

Le chiffrage de la FFF sur le nombre de supporters

Derniers éléments d’importance communiqués aux sénateurs lors de cette audition : les chiffres obtenus par le FFF sur le nombre de supporters qui se sont acheminés en direction du Stade de France le soir du match :

  • 6 200 par le RER B (source RATP)
  • 36 000 par le RER D (source RATP)
  • 37 000 par la ligne 13 du métro (source RATP)
  • 450 cars qui ont transporté 20 905 personnes (source FFF)
  • 6 680 personnes arrivées par taxis (source Préfecture de police)
  • 4 111 personnes arrivées avec des véhicules particuliers (source FFF à partir des 1 713 véhicules enregistrés dans les parkings)

Soit un total de 110 000 personnes qui se trouvaient à l’intérieur et aux abords de l’enceinte sportive au moment du coup d’envoi. Alors que la capacité du Stade de France est de 75 000 spectateurs, ce calcul vient également appuyer les estimations du ministère de l’Intérieur sur la présence de 35 000 à 40 000 personnes sans billet ou munis de faux billets. Mais les sénateurs continuent de s’interroger sur la véracité de ce chiffre. « La SNCF précise qu’aucun flux particulier ou plus important que d’habitude n’a été enregistré dans l’autre sens, après le début du match. La SNCF elle-même dit qu’il n’y a pas eu d’afflux [anormal] de spectateurs ! C’est une contradiction de plus ! », s’est agacé le LR Michel Savin, spécialiste des questions sportives.

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