Voiture électrique : le Sénat réduit les aides à l’achat, en l’absence d’une filière française

Voiture électrique : le Sénat réduit les aides à l’achat, en l’absence d’une filière française

Les sénateurs ont adopté ce 2 décembre 2022 un amendement au projet de budget 2023 réduisant d’un demi-milliard d’euros les aides et les subventions à l’achat de véhicules électriques. L’idée est d’éviter de « largement subventionner » l’industrie chinoise et de rétablir ces fonds quand une filière française, ou du moins européenne, aura émergé.
Guillaume Jacquot

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La transition écologique, oui, mais pas au prix de la souveraineté industrielle. C’est dans cet esprit que le Sénat a adopté ce 2 décembre 2022 l’un des amendements majeurs de la commission des finances, au budget 2023, pour réduire nettement l’enveloppe consacrée aux aides à l’acquisition de véhicules propres. Leur modification, adoptée contre l’avis du gouvernement, réduit de 0,5 milliard d’euros le montant budgété. L’exécutif avait inscrit dans le texte 1,3 milliard d’euros, soit 30 % de hausse par rapport au budget 2022.

La commission des finances du Sénat a considéré que ces investissements étaient prématurés étant donné la faible part de véhicules électriques d’origine française vendus cette année. « L’argent des Français vient financer l’industrie automobile chinoise », a justifié la sénatrice Christine Lavarde (LR). Selon son rapport, la Chine domine actuellement la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques, elle représente 50 % de la valeur totale d’une voiture, et 75 % pour les batteries. La concurrence est notamment féroce sur les petits véhicules d’entrée de gamme, à tel point que 80 % des véhicules achetés en France sont aujourd’hui importés. La Renault Zoe, voiture la plus concernée par les aides gouvernementales, serait l’arbre qui cache la forêt.

Dans ces conditions, le Sénat a refusé de continuer à subventionner les industries étrangères et de tuer dans l’œuf la filière française, qui ne pourra pas adapter ses chaînes de production avant au moins un an. L’autre argument évoqué est d’attendre que la promesse présidentielle d’instaurer un mécanisme de préférence européenne dans l’achat de véhicules propres, sur le modèle américain, devienne réalité.

« Il faut utiliser l’argent à bon aloi. Attendez quelques mois que notre industrie soit prête »

« Notre amendement n’est pas tant d’effacer des crédits pour soutenir la transition du parc mais plutôt de les décaler dans le temps pour qu’ils viennent en soutien de notre filière quand elle sera prête », a argumenté Christine Lavarde.

Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, s’est dit défavorable à l’amendement sénatorial, considérant que le verdissement des voitures en France, pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, était la priorité. « Accepter votre amendement serait considérer qu’on peut faire une pause dans l’électrification du parc », a rétorqué le ministre.

D’autant que la France est tenue depuis cet automne par un engagement européen de taille : la fin de la vente de voitures thermiques en 2035. « Je ne vois pas comment nous pourrions défendre un modèle qui nous rend dépendant d’un produit que nous ne produisons pas, qui est fait dans des pays qui ne partagent pas nos valeurs. Je parle du pétrole », a renchéri Christophe Béchu.

L’argumentation du gouvernement n’a pas bousculé le rapport de force. « J’ai l’impression que c’est comme le nuage de Tchernobyl : la pollution de l’air s’arrête à nos frontières », a répondu Christine Lavarde, insistant sur le bilan carbone des voitures produites en Chine, où les centrales au charbon sont légion. « Il faut utiliser l’argent à bon aloi. Attendez quelques mois que notre industrie soit prête. »

Un sénateur du groupe LR, Pierre Cuypers, a par ailleurs mis en garde le gouvernement, à l’heure où les capacités de production électrique en France sont en mauvaise posture. « Je crois que vous nous conduisez dans le mur, en mettant le tout électrique aujourd’hui […] C’est une erreur monumentale. »

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