Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée : un profil jugé consensuel au Sénat

Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée : un profil jugé consensuel au Sénat

L’ancienne présidente de la commission des Lois et, très éphémère ministre des Outre-mer, se voit élire à la présidence de l’Assemblée nationale. La première femme de l’histoire à occuper est saluée pour son sérieux par les sénateurs de la commission des Lois qui ont été amenés à travailler avec elle. Mais Yaël Braun-Pivet reste perçue, aux yeux de certains, comme trop « technocrate » et dépendante de l’exécutif.
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Par Héléna Berkaoui

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Yaël Braun-Pivet, la candidate commune de LREM, du Modem et d’Horizons, a été élue par 242 voix sur 462 suffrages exprimés. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. En me portant à votre présidence, vous donnez aujourd’hui à ce message une portée nouvelle », a-t-elle déclaré dans son premier discours de présidente.

La candidate de la Nupes, Fatiha Keloua Hachi, a obtenu 144 voix. La candidate des Républicains, Annie Genevard, a recueilli 60 voix. Et la députée de la Réunion, Nathalie Bassire, a glané 16 voix.

Soucieux de lisser son image, le Rassemblement national a retiré la candidature de son candidat avant le deuxième tour de scrutin. « A partir du moment où nous ne pouvons pas accéder à la présidence, nous n’insistons pas », a justifié le candidat du RN, Sébastien Chenu. Les députés RN n’ont pas pris part au vote pour le second tour.

Léger couac. Le ministre chargé des relations avec le Parlement, Olivier Véran, a adressé ses félicitations à la députée des Yvelines quelques minutes avant la proclamation des résultats.

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​​​​​​« Yaël Braun-Pivet, est une femme de dialogue », a affirmé le président du Sénat, ce mardi, sur LCI. Gérard Larcher qui est élu dans le même département que la députée des Yvelines assure qu’ils prendront attache « sans délai » et juge essentiel qu’ils entretiennent des « discussions positives ». Un bon présage pour la première femme de l’histoire à occuper le perchoir.

L’élection de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale est globalement saluée au Sénat où l’ancienne présidente de la commission des Lois a pu travailler avec les sénateurs, notamment lors de commissions mixtes paritaires. Les CMP, dans le jargon, sont le lieu où les parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat se réunissent pour essayer de trouver un accord sur un projet de loi ou une proposition de loi qui a été voté dans des termes différents dans les deux chambres.

Vice-président de la commission des Lois, Jérôme Durain, a pu rencontrer quelques fois la nouvelle présidente de l’Assemblée nationale. Une personnalité « sympathique » qui lui a fait « l’impression d’être quelqu’un d’assez rond ».

L’affaire Benalla : les débuts cahoteux de Yaël Braun-Pivet

Les débuts de Yaël Braun-Pivet à l’Assemblée nationale n’ont pourtant pas été de tout repos. La députée des Yvelines s’est fait connaître du grand public avec la commission d’enquête sur l’affaire Benalla à l’Assemblée nationale en 2018. « Le démarrage n’a pas été très facile avec Mme Yaël Braun-Pivet en raison de l’affaire Benalla. Sa commission a explosé en vol au bout de huit jours », rappelle le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur. Lui qui a été co-rapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla au Sénat a assisté à cet épisode avec dépit.

Après quatre jours d’auditions, la commission d’enquête a, en effet, échoué suite à un désaccord entre la majorité et l’opposition concernant la liste des personnes à auditionner. Le corraporteur LR de l’époque, Guillaume Larrivé, l’accusera d’avoir fait de cette commission d’enquête « une parodie » et d’être « aux ordres de l’Elysée ».

Au début du mandat, ce sont les compétences des marcheurs qui sont mis en cause. Yaël Braun-Pivet en fera les frais et sera soupçonnée de ne pas savoir faire la différence entre une loi et un décret. Selon le Canard enchaîné, elle aurait demandé « Quand est-ce qu’on vote les décrets ? » en commission des Lois alors que les décrets relèvent de la compétence du gouvernement.

Depuis, Yaël Braun-Pivet s’est affirmée dans ses fonctions. « Les relations ont été bonnes, durant les CMP elle s’est montrée rigoureuse et a eu pour souci de les faire réussir. Elle a plutôt recherché le dialogue », témoigne Jean-Pierre Sueur. Le sénateur socialiste espère toutefois que Yaël Braun-Pivet saura « défendre le Parlement dans sa spécificité et la séparation des pouvoirs ».

« Elle a fini par comprendre comment ça marche, mais au début ça a été plutôt rugueux »

« Elle a fini par comprendre comment ça marche mais au début ça a été plutôt rugueux », rapporte Christophe-André Frassa, sénateur LR des Français de l’étranger. Le vice-président de la commission des Lois au Sénat rappelle les premières commissions mixtes paritaires avec la députée des Yvelines : « Au début, sa posture était : c’est à prendre ou à laisser ». Pas de négociation.

Des débuts chahutés donc. Mais « au fur et à mesure, elle est rentrée dans sa fonction de présidente de la commission de Lois ». Le sénateur LR constate qu’aujourd’hui ces relations ont bien évolué. « On a pu travailler et avoir des CMP conclusives sur des textes où ce n’était pas évident », assure-t-il.

Christophe-André Frassa reste cependant critique sur l’attitude des députés marcheurs trop inféodés à l’exécutif et en veut pour exemple la CMP sur le projet de loi « Engagement et proximité ». « Il y avait le ministre dans l’antichambre » avec pour effet « une CMP qui n’était pas très autonome du côté de l’Assemblée nationale ».

Yaël Braun-Pivet : « Une parfaite représentante de la doxa macronienne »

Le sénateur écologiste, Guy Benarroche, partage ce constat. Lui aussi, vice-président de la commission des Lois au Sénat, il a connu deux CMP avec Yaël Braun-Pivet, celle sur la loi 3DS et celle sur la loi « Confiance dans l’institution judiciaire ».

« Je l’ai perçue comme étant une parfaite représentante de la doxa macronienne », explique Guy Benarroche. « On peut discuter sereinement voire intelligemment, mais on ne ressent pas derrière une vision d’une politique à mener », développe-t-il. Le sénateur écologiste classe Yaël Braun-Pivet dans le camp des députés « technocrates », qu’il oppose aux députés plus politiques que compte la majorité présidentielle.

« Je me méfie toujours du fil à la patte qu’on noue aux députés En marche. Je ne sais pas si elle sera l’ardente défenseure de l’institution ou une zélatrice de l’exécutif », s’inquiète pour sa part Christophe-André Frassa. Contrairement à son prédécesseur, Richard Ferrand, l’élue des Yvelines fera face à une Assemblée dont la composition se distingue par la majorité relative de l’exécutif.

L’ascension fulgurante d’une avocate pénaliste

La nouvelle présidente de l’Assemblée nationale a fait son entrée en politique lors de la vague LREM aux législatives de 2017. Dans la vie civile, Yaël Braun-Pivet a été avocate pénaliste avant se reconvertir dans le bénévolat auprès des Restos du cœur. Un parcours atypique pour une présidente de l’Assemblée nationale, ce poste étant habituellement réservé à des apparatchiks.

Le président de l’Assemblée nationale est le quatrième personnage de l’Etat. Ses pouvoirs sont nombreux. Au perchoir, Yaël Braun-Pivet aura notamment la tâche de conduire les débats et de veiller au respect du règlement.

« Je crois que c’est quelqu’un qui a trouvé son autorité dans l’Assemblée nationale, elle a construit son expérience et le climat qu’elle a créé à la commission des Lois était un climat de respect et de travail », encense le sénateur de la majorité présidentielle, Alain Richard. L’ancien ministre de la Défense veut croire que Yaël Braun-Pivet sera à même de « réduire les antagonismes ».

Mais les débuts de la présidente de l’Assemblée nationale risquent de ne pas être de tout repos. « Le sujet va être la propension des députés LFI et écologistes à hystériser les débats, les consignes de Marine Le Pen à ses députés étant de refréner leurs comportements. Il y aura du spectacle dans les deux dernières semaines de juillet », prédit Alain Richard.

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