Selon un sondage Ifop, seuls 44 % des électeurs français prévoient de se rendre aux urnes le 9 juin. Dans un scrutin européen marqué par l’abstention, le vote des jeunes sera particulièrement scruté. En 2019, leur mobilisation tardive avait fait grimper le vote écologiste. Feront-ils mentir les sondages en 2024 ?
1995-2017 : la fracture sociale fait son retour dans la présidentielle
Par Public Sénat
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« La fracture sociale, on en parle depuis 20 ans. Elle est essentielle et elle reste là. Hé oui, on ne peut pas faire réussir le pays si ce n’est la réussite que de quelques-uns », mercredi soir en meeting à Arras, Emmanuel Macron a donc paraphrasé Jacques Chirac. En 1995, le candidat RPR à la présidentielle avait popularisé cette formule. (voir la vidéo)
A l’occasion d’un de ses discours majeurs, le 17 février 1995 à la porte de Versailles, Jacques Chirac attaque directement son rival, le Premier ministre Edouard Balladur, soutenu par l’UDF. « Il y a ceux qui s’en tiennent toujours au mêmes recettes, attendant le retour de la croissance. Ils pensent rassurer en ne modifiant qu’un minimum de choses. Ils font tout, disent-il, pour éviter une fracture sociale comme si celle-ci n’existait pas déjà » (voir la vidéo).
Ce jeudi Marine Le Pen a, elle, évoqué « la casse sociale » que son adversaire mettra en place « par ordonnances, sans même qu'il y ait un débat devant les assemblées ». Comme l’a relevé l’éditorialiste Françoise Fressoz dans le journal Le Monde, la présence d’une candidate du Front National au second tour pouvait laisser penser qu’on allait « revivre 2002 - avec la constitution d’un front républicain » (…) « et c’est 1995 et la fracture sociale qui remonte à la surface ».
Un deuxième tour sans sortants
En 1995, dans une France marquée déjà par 3 millions de chômeurs (3,51 millions en métropole au mois de mars 2017, a annoncé mercredi le ministère du Travail), Jacques Chirac avait, en effet, fait campagne sur la « machine France » qui ne fonctionne plus qui « ne fonctionne plus pour tous les Français. ». Avec Lionel Jospin, le second tour de la présidentielle voit s’opposer deux candidats « vrai faux sortants » qui se disputent le droit d’inventaire. Certes, le candidat PS a déjà été ministre de l’Education de 1988 à 1992 mais la cohabitation de 1993, l’a écarté de l’exécutif pendant deux ans. Pour mener campagne, Jacques Chirac n’a, lui, pas voulu retourner à Matignon comme il l’avait fait en 1986 lors de la première cohabitation, laissant la place à Edouard Balladur.
Même scénario en 2017 ? Emmanuel Macron, jamais élu, a quitté le gouvernement en août dernier et se targue de vouloir faire de la politique hors partis mais avec « tous les progressistes ». Quant à Marine Le Pen, malgré plusieurs mandats locaux et européens elle n’a jamais pris part à un exécutif.
Le retour des « deux France »
Comme Jacques Chirac, en position de challenger avant le premier tour, Marine Le Pen a, depuis le début de sa campagne, théorisé les « deux France ». Pour la candidate frontiste c’est celle des « élites mondialisées » ou encore « des mondialistes » contre celle « des patriotes », « des oubliés ». Une stratégie qu’elle a très nettement accélérée depuis lundi avec notamment la séquence Whirlpool ou encore ce jeudi avec les pêcheurs du Grau-du-Roi, poussant ainsi Emmanuel Macron à venir sur son terrain, et à ressortir la « fracture sociale » dans une longue tirade mercredi soir (voir la vidéo).
1995 : « fracture » contre « faille » sociale
Lionel Jospin et Emmanuel Macron sont tous deux arrivés en tête au premier tour. Et comme le candidat d’En Marche, Lionel Jospin, lui aussi, faisait sien le diagnostic de son adversaire, en témoigne cet extrait du débat d’entre deux tour de la présidentielle de 1995 : (voir la vidéo) « Je dirais pour reprendre l’image en l’a modifiant, de Jacques Chirac, je ne pense pas que ce soit une fracture parce qu’une fracture au moins c’est net, ça ne bouge pas et on l’a réduit. Là, il s’agit plutôt d’une faille, de quelques chose qui fait que deux France s’éloignent et moi je ne veux pas que ces deux France s’éloignent ».
Réponse de Jacques Chirac : « C’est vrai qu’il y a deux France et c’est vrai que fracture ou faille, ça s’écarte. C’est vrai qu’il y a de plus en plus de Français qui sont sur le bord de la route, qu’on est obligé d’assister et que l’autre France est de plus en plus taxée pour permettre d’aider les premiers. C’est un système diabolique et je m’excuse de vous le dire mais c’est un système socialiste ». ( voir la vidéo).
Mercredi 3 mai prochain, lors du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, on peut légitiment penser que Marine Le Pen aussi, renverra la paternité du « système », « diabolique » ou non, à son interlocuteur.