70% de la réserve ministérielle de l’Intérieur accordés sur demande d’élus PS en 2016

70% de la réserve ministérielle de l’Intérieur accordés sur demande d’élus PS en 2016

70% de la réserve ministérielle de l’Intérieur ont été accordés sur demande d’élus PS ou alliés, en 2016, d’après les calculs de publicsenat.fr. Une enveloppe à différencier de la réserve parlementaire, qui va être supprimée. L’ensemble des ministères ont aussi distribué 2 milliards d’euros de subventions aux associations en 2015.
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La réserve parlementaire va bientôt disparaître. C’est l’une des nombreuses mesures du projet de loi de François Bayrou « pour redonner confiance dans la vie démocratique ». Reste une autre réserve. La réserve dite ministérielle. C’est ce qu’a rappelé le président LR du Sénat, Gérard Larcher, dans un entretien au Parisien, remarquant qu’il y a « des sujets un peu oubliés ».

« On propose de supprimer la réserve parlementaire pour éviter tout clientélisme paraît-il. Très bien ! Mais je demande alors que les réserves ministérielles soient également transparentes. Celle du ministère de l'Intérieur est dotée de 26 millions d'euros dont on ne connaît pas la destination » souligne Gérard Larcher.

Quelle différence entre réserve parlementaire et réserve ministérielle ?

Il faut différencier la réserve parlementaire (56 millions d’euros pour le Sénat et 80 millions pour l’Assemblée nationale) de la réserve ministérielle. Les deux sont en réalité des subventions votées lors du projet de loi de finances et techniquement rattachées au budget du ministère concerné par le domaine de la subvention.

La réserve parlementaire dépend du choix d’un parlementaire, alors que l’attribution des fonds de la réserve ministérielle de l’Intérieur dépend du choix du ministère. Elle est cependant décidée suite à la demande d’un élu (parlementaire ou non). « N’importe quel parlementaire peut demander au ministre de l’Intérieur d’attribuer une subvention » confirme le député apparenté PS de l’Aisne, René Dosière, qui suit de près les questions de transparence. Libre ensuite au ministre d’accepter ou pas.

Par sa réserve ministérielle, l’Intérieur n’attribue de subventions qu’à des collectivités locales. Comme pour la réserve parlementaire, elles permettent de financer des travaux et projets locaux (travaux de voirie, rénovation d’une salle polyvalente, d’une école, etc).

Un montant de 4,1 millions d’euros en 2016

L’enveloppe de la réserve ministérielle de l’Intérieur baisse. En 2015, Challenges écrivait que « de 32,9 millions d'euros en 2011, la réserve ministérielle passe à 27,7 millions d'euros en 2012, puis 13,4 millions d'euros en 2013 et finalement 10,4 millions d'euros l'année dernière ».

Contrairement à ce qu’affirme le président de la Haute assemblée, la transparence existe sur la réserve de l’Intérieur. Elle est publiée chaque année sur le site du ministère. Ce n’était pas le cas avant. En 2013, un professeur de mathématique, Hervé Lebreton, président de l’Association pour une démocratie directe, obtient du tribunal administratif que l’Intérieur publie le détail de sa réserve de l’année 2011. Il avait déjà obtenu la même publicité sur la réserve parlementaire. Depuis, le ministère de l’Intérieur publie chaque année un document rassemblant les subventions accordées aux différentes communes. « Nous avons encore un contentieux avec l’Intérieur. Car les subventions pour les collectivités locales viennent d’un arrêté interministériel. Et nous n’arrivons pas à en obtenir la communication » explique Hervé Lebreton, qui ajoute : « Soit ils l’ont perdu, mais je ne pense pas. Soit il y a quelque chose qui pose problème dans cet arrêté ».

Selon un décompte de publicsenat.fr, le total de la réserve ministérielle de l’Intérieur pour l’année 2016 s’élève à 4,1 millions d’euros. L’enveloppe continue donc de diminuer, après les 10,4 millions de 2014.

70% de la réserve 2016 de l’Intérieur en faveur d’élus PS ou de ses alliés

La réserve ministérielle de l’Intérieur se faisant à la discrétion du ministre, les locataires de la Place Beauvau ont tendance à d’abord aider les parlementaires ou élus de leur bord. Les soupçons de clientélisme ne seraient pas l’apanage de la réserve parlementaire. Des choix politiques qui peuvent poser un problème de gestion de l’argent public.

Dans une enquête de 2013, Le Monde expliquait que Nicolas Sarkozy avait repris à son compte cette manne financière. « Depuis 2008, Nicolas Sarkozy s'était accaparé les deux tiers de la réserve du ministère de l'intérieur » écrivait le quotidien. « Nicolas Sarkozy avait détourné tout le système. C’est lui qui attribuait la réserve de l’Intérieur au mépris de la Constitution » se rappelle aujourd’hui René Dosière. Selon Challenges, « en 2011, quand Nicolas Sarkozy était encore président de la République, plus de 96% des subventions ont été attribuées à des dossiers soutenus par des élus de l'UMP et ses alliés ».

Une pratique qui a perduré sous François Hollande. Toujours selon Challenges, les demandes issues d’élus PS ou de ses alliés représentaient 87% du total en 2013, puis 76% en 2014.

Selon les calculs de publicsenat.fr, cette part a encore diminué en 2016. Mais la grande majorité des 4,1 millions de la réserve ministérielle de l’Intérieur en 2016 est toujours répartie par critère politique : près de 70% (69,86% exactement soit 2,87 millions d’euros) pour la gauche, contre 28,3% pour la droite et 1,8% pour des élus divers. Bernard Cazeneuve était alors encore ministre de l’Intérieur (il a quitté son poste pour Matignon le 6 décembre de cette année).

Dans le détail, 67% reviennent à des demandes d’élus PS, 2,7% pour des élus du PRG, allié des socialistes. Les demandes d’élus LR représentent 19,2% du total, celles de l’UDI/Modem 9,2%.

La très grande majorité des élus dont les dossiers ont été acceptés sont des parlementaires, essentiellement des députés. On compte seulement 19 élus locaux.

La Manche de Bernard Cazeneuve à l’honneur

Le département de La Manche a eu la chance de recevoir un total de 657.000 euros de subventions issues de la réserve ministérielle de l’Intérieur 2016. C’est le département de Bernard Cazeneuve, qui était alors en poste à Beauvau. Geneviève Gosselin-Fleury, ancienne adjointe de Bernard Cazeneuve à la mairie de Cherbourg et sa suppléante à l’Assemblée, qui a pris sa place en 2012 lors de son entrée au gouvernement, a obtenu à elle seule un total de 265.000 euros de subventions pour les projets de différentes communes du département.

Le député PS du Puy-de-Dôme, Jean-Paul Bacquet, a vu ses nombreuses demandes de subventions acceptées. Au total, 303.500 euros. Un article du JDD.fr le présente comme « l’ami » de Bernard Cazeneuve. Une amitié symbolisée par un quart de Saint-Nectaire, selon l’anecdote racontée par l’ancien premier ministre en mars dernier et rapportée par La Montagne.

Toujours à gauche, le sénateur PRG du Cantal, Jacques Mézard, nommé depuis ministre de l’Agriculture d’Edouard Philippe, a pu en tout rassembler 90.000 euros pour différentes communes.

L’ex-ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, a lui demandé et obtenu de son ex-collègue de l’Intérieur une subvention de 30.000 euros pour l’équipement d’un nouvel EHPAD en Bretagne, région qu’il a longtemps présidée. A noter aussi que Bernard Combes, maire PS de Tulle, l’ancienne ville de François Hollande en Corrèze, a pu obtenir une subvention de 28.630 euros pour sa commune.

Parmi les rares parlementaires LR qui ont pu obtenir une aide, le député du Cantal Alain Marleix jouit d’un statut particulier. A lui seul, il a rassemblé 209.500 euros sur les 791.600 dévolus aux Républicains. Ce spécialiste de la carte électorale a longtemps été le Monsieur élections de l’UMP.

Le sénateur centriste Michel Mercier a obtenu 150.000 euros pour « l'aménagement d'une résidence autonomie » dans son département du Rhône. Le président du groupe UDI de l’Assemblée nationale, Philippe Vigier, a lui pu totaliser 102.500 euros.

Existe-t-il une réserve ministérielle dans d’autres ministères ?

Officiellement, non. La réserve ministérielle de l’Intérieur est la seule dont on trouve trace. Mais dans un passé encore récent, le ministère de l’Economie disposait aussi de sa réserve ministérielle. Dans une enquête de 2015, Le Point écrivait que Manuel Valls y avait mis fin, sur demande de la Cour des comptes. « Nommé depuis à la tête de la Cour des comptes, Didier Migaud a demandé six ans plus tard au gouvernement de Manuel Valls de bien vouloir supprimer l'« enveloppe Bercy ». Une requête à laquelle l'exécutif s'est plié cette année. Mais, avant de rendre les clés du coffre, Pierre Moscovici a tout de même eu le temps d'arroser son département, le Doubs, de plus d'un million d'euros en 2013 » écrivait Le Point en août 2015.

Si aujourd’hui, les ministères autres que l’Intérieur n’ont pas de « réserve » connue, tous les ministères distribuent bien en revanche des subventions aux associations. Et beaucoup. Or la réserve, qu’elle soit parlementaire ou ministérielle, n’est rien d’autre qu’une subvention… Mais seul l’Intérieur emploie le terme de « réserve » pour les subventions aux collectivités, qu’il différencie des subventions allouées à des associations.

2 milliards d’euros de subventions aux associations en 2015  alloués par l’ensemble des ministères

On retrouve la trace de ces subventions ministérielles dans les « jaunes ». Il s’agit d’annexes thématiques des projets de loi de finances. Selon les données portant sur l’année 2015, que nous avons consultées, un total de 2,06 milliards d’euros de subventions a été distribué par l’ensemble des ministères. Ce qui représente 33.037 attributions. 39,8% sont d’un montant entre 1.000 et 5.000 euros. 0,9% (soit 292 subventions) font plus d’un million d’euros.

Le plus gros pourvoyeur de subventions aux associations est le ministère du Travail et de l’Emploi, avec 457 millions d’euros en 2015, suivi par l’Enseignement scolaire avec 414 millions d’euros, la Culture avec 407 millions d’euros, la Recherche et l’Enseignement supérieur avec 160 millions, les Sports, Jeunesse et Vie associative avec 153 millions d’euros, etc.

Matignon distribue aussi des aides, à hauteur de 17 millions d’euros. Certaines subventions sont destinées à des associations proches des partis politiques : 1.450.000 pour la Fondation Jean-Jaurès (proche du PS), 1.090.000 pour la Fondation pour l’innovation politique (think tank proche de la droite), 710.000 euros pour la Fondation Gabriel Peri (proche du PCF) ou encore 320.000 euros pour la Fondation Res Publica, présidée par Jean-Pierre Chevènement. Des associations qu’on retrouve aussi dans la réserve parlementaire.

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