Abstention : « Ce qui est inquiétant, c’est que le Président n’en tire aucun enseignement »

Abstention : « Ce qui est inquiétant, c’est que le Président n’en tire aucun enseignement »

Dans une interview au magazine Elle, Emmanuel Macron a indiqué qu’il n’y aurait pas de remaniement après la défaite cuisante de sa formation politique aux élections régionales et départementales. Le chef de l’Etat minimise également les causes de l’abstention, de quoi interpeller du côté du Sénat.
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15 ministres candidats et 12 défaites. C’est le bilan sans appel des membres du gouvernement engagés dans la campagne des élections régionales et départementales. Seuls les ministres Sébastien Lecornu (Eure), Gérald Darmanin (Nord) et Brigitte Bourguignon (Pas-de-Calais) l’ont emporté largement dans leur canton aux départementales.

Pour autant, le chef de l’Etat écarte à, ce stade, tout remaniement. « Les élections locales n’appellent pas de conséquences nationales, et donc pas de changement de Premier ministre dans les prochains mois, ou semaines, analyse Emmanuel Macron dans une interview au magazine Elle.

Interrogé sur le taux record de l’abstention (66 %), il estime aussi que la raison principale résidait dans l’épidémie de covid-19. « Les élections sont arrivées à un moment où ce n’était pas le rythme du pays […] Force est de constater que les gens n’avaient pas du tout la tête à cela » analyse-t-il.

« Les gens ont compris qu’ils avaient d’autres moyens d’expression que le vote »

Chez les LR, ce n’est pas l’absence de remaniement qu’on retient de cette interview. « Si 15 ministres devaient quitter le gouvernement, alors qu’on sort à peine de la crise, ce serait quand même un peu compliqué », souligne Christian Cambon, le président de la commission de la défense du Sénat. « Les changements de ministres après une défaite aux élections ça fait un peu gadget. François Hollande a procédé à plusieurs remaniements lors de sa dernière année de quinquennat et on voit où ça l’a mené, il n’a pas pu se représenter. En revanche ce qui est inquiétant, c’est que le Président ne tire aucun enseignement de l’abstention. Ne pas aller voter c’est une démarche politique. Ça démontre une certaine indifférence à la démocratie. Ça devrait le faire réfléchir », note le sénateur du Val-de-Marne.

« Ce taux d’abstention est lié à tout ce qu’Emmanuel Macron a fait depuis 4 ans. Il a nié les corps intermédiaires. Il a mis en avant une pseudo-démocratie directe avec la convention citoyenne. Les gens ont compris qu’ils avaient d’autres moyens d’expression que le vote. Après, il ne faut pas s’étonner du résultat », s’agace la sénatrice LR, Catherine Procaccia.

« Aujourd’hui, la minorité agissante a pris le pas sur la majorité silencieuse. C’est ce qu’on a vu avec l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes. Il faut réfléchir très vite à de nouvelles modalités de vote », complète Dany Wattebled, sénateur centriste.

Xavier Iacovelli, sénateur LREM dit, quant à lui, attendre beaucoup des propositions de la mission d’information sur l’abstention lancée par le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand. Auteur d’une proposition de loi sur le vote par correspondance, il veut également « ouvrir le débat sur le vote obligatoire ».

« Si vous y allez, il y a une règle non écrite qui fait que quand on perd, on se retire »

Interrogé dans la matinale de Public Sénat, sur l’absence de remaniement, « On ne change pas une équipe qui perd », a raillé, le patron du groupe PS du Sénat Patrick Kanner. Le sénateur du Nord a pu assister de près à la défaite dès le premier tour du Secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski dans la région des Hauts-de-France et du garde des Sceaux, Éric Dupond Moretti dans le Pas-de-Calais.

« Après un tel échec aux élections municipales, un tel échec aux élections régionales et départementales, il devrait se poser des questions. Mais je pense que le président de la République est pétri de certitudes », a jugé Patrick Kanner qui rappelle que si un changement de Premier ministre n’a jamais vraiment été envisagé, « des changements à la marge » au sein de l’équipe gouvernementale devraient être opérés dans les semaines à venir.

« Je suis du vieux monde et je me souviens qu’en 2015 quand je me suis présenté aux élections départementales, François Hollande avait dit à ses ministres : si vous y allez, il y a une règle non écrite qui fait que quand on perd, on se retire. La règle a changé », constate-t-il, tout en précisant « qu’un gouvernement resserré pour la fin du quinquennat n’aurait pas été un scandale ».

Avec 42 ministres et secrétaires d’Etat, le gouvernement de Jean Castex est, effectivement, le plus pléthorique de la Ve République.

Mais cette « règle non écrite » évoquée par Patrick Kanner, vaut surtout pour les législatives qui depuis la réforme du quinquennat, arrivent dans la foulée de la Présidentielle. En 2017, Emmanuel Macron s’était d’ailleurs conformé à cette jurisprudence. Membres du premier gouvernement d’Édouard Philippe, Marielle de Sarnez, Bruno Le Maire, Richard Ferrand, Annick Girardin, Christophe Castaner et Mounir Mahjoubi, avaient tous remporté l’élection au palais Bourbon.

En 2012, tout juste nommée porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem avait préféré renoncer à se présenter à Lyon afin de ne pas subir la fameuse règle du « ministre battu, ministre fichu ».

Le cas le plus mémorable reste celui d’Alain Juppé, contraint de démissionner de son poste de numéro 2 du gouvernement au bout d’un mois après sa défaite à Bordeaux en 2007.

« On ne peut pas reprocher aux ministres de se confronter au terrain »

« C’est stupide de démissionner après une élection. On quitte le gouvernement si on n’a pas accompli correctement sa mission, c’est tout », estime Dany Wattebled.

Même sentiment pour Xavier Iacovelli, candidat malheureux dans les Hauts-de-Seine. « On ne peut pas reprocher aux ministres d’être hors sol et quand ils se confrontent au terrain le leur reprocher aussi, alors qu’aucun sondage ne les donnait gagnant ».

Deux jours après cet échec cuisant, le gouvernement a sa feuille de route toute tracée pour les derniers mois du quinquennat. Aux questions d’actualité cet après-midi à l’Assemblée nationale, interrogé sur les conséquences de l’abstention dans la dernière ligne droite du quinquennat, le Premier ministre, Jean Castex a fixé plusieurs priorités : « la vaccination, la bataille de l’emploi, de la relance et de la reprise économique ». « Le gouvernement […] est à la manœuvre pour faire face aux problèmes de fond et de conjoncture que traverse la France », a-t-il appuyé.

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