Achat de votes à Corbeil-Essonnes: procès en vue pour des proches de Dassault

Achat de votes à Corbeil-Essonnes: procès en vue pour des proches de Dassault

Une "dérive clientéliste, alimentée au-delà du raisonnable par la fortune colossale de Serge Dassault": plus de six ans après le...
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Par Eleonore DERMY

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Une "dérive clientéliste, alimentée au-delà du raisonnable par la fortune colossale de Serge Dassault": plus de six ans après le début des investigations sur des soupçons d'achat de vote à Corbeil-Essonnes, sept personnes, dont l'actuel maire du fief électoral du milliardaire décédé, ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel.

Juste avant de quitter le tribunal de Paris pour rejoindre celui de Nanterre, le juge d'instruction Serge Tournaire a ordonné le 29 août un procès pour Jean-Pierre Bechter, qui avait succédé à M. Dassault à la mairie à la suite de l'invalidation de sa réélection en 2008, ses deux ex-adjoints, un comptable suisse proche de l'avionneur, ainsi que trois intermédiaires présumés.

Dans son ordonnance de 37 pages, consultée par l'AFP, le magistrat souligne que l'ancien milliardaire et industriel Serge Dassault était "susceptible d'être renvoyé" pour "achats de vote", "financement illégal de campagne électorale" et "complicité" de ce délit, ainsi que pour "blanchiment". Mais, étant décédé en 2018 à l'âge de 93 ans, l'action publique est éteinte à son encontre.

"Pour parvenir à conquérir et à conserver la mairie de Corbeil-Essonnes", Serge Dassault a "largement puisé dans sa fortune personnelle afin de distribuer des fonds, financer des formations ou des projets divers au bénéfice des habitants et électeurs de la commune, mais également pour rémunérer, selon des techniques de plus en plus sophistiquées et opaques, des +militants+, chargés de procéder à des opérations de lobbying dans les quartiers en faveur de sa candidature, puis de celle de son collaborateur Jean-Pierre Bechter", expose M. Tournaire.

- "Rivalités, jalousies et tensions" -

Les investigations ont permis de mettre au jour une "corruption qui s'est exercée à un degré sans doute jamais atteint lors des élections de 2009 et 2010" remportées par M. Bechter, avec notamment des distributions d'espèces, des dons déguisés en prêt, l'utilisation de comptes bancaires dont certains étaient à l'étranger, ou encore le financement d'associations fictives. Une "entreprise généralisée de corruption" qui a "créé un climat malsain dans la commune (...) engendrant rivalités, jalousies et tensions".

Initialement mis en examen pour "recel d'achats de vote", le maire de Corbeil-Essonnes sera finalement jugé pour "achat de vote" et "financement illégal de campagne électorale".

Qualifiant l'instruction de "surréaliste" et l'ordonnance de "pure aberration", son avocat, Me Sébastien Schapira, a affirmé à l'AFP qu'en six ans, il n'avait "été entendu qu'une seule fois par le juge" et s'était vu refuser des demandes de vérifications. "Depuis les élections objet de cette procédure, Jean-Pierre Bechter a été réélu avec des milliers de voix d'avance, faisant la preuve que ses électeurs lui ont renouvelé leur confiance et ont plébiscité sa politique", a-t-il observé.

Les deux ex-adjoints de l'édile, Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, sont pour leur part renvoyés pour "achat de vote" et "complicité de financement illégal de campagne électorale" concernant le premier, et "financement illégal de campagne électorale" pour la deuxième. Le comptable Gérard Limat sera lui jugé pour "blanchiment de financement illégal de campagne électorale", recel de ce délit et "blanchiment de fraude fiscale".

Enfin, trois intermédiaires présumés du système - Younes Bounouara, Machiré Gassama et Mounir Labidi, visé par un mandat d'arrêt - sont aussi renvoyés devant le tribunal correctionnel, tandis que l'action publique s'est éteinte à l'encontre d'un quatrième, Mamadou Kébé, décédé en janvier.

Serge Dassault, dont les déboires avaient débuté avec l'invalidation de son élection en 2008, avait vu ces derniers s'accélérer quand la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin, avait transmis en 2010 une note au parquet sur des mouvements de fonds sur le compte de Jacques Lebigre.

L'ancienne troisième fortune française, dont la carrière politique s'est achevée en 2017 avec un poste de sénateur, avait toujours nié un scénario d'achats de voix, évoquant des dons ou se présentant comme victime d'extorsions de la part d'individus qui auraient voulu profiter de sa richesse.

Lors d'une perquisition au Clos des Pinsons, résidence et QG politique de Serge Dassault à Corbeil, deux listes avaient été retrouvées, avec plus d'une centaine de noms et des sommes sous des colonnes "payé" et "non payé" et des commentaires: "soutien sortie détention", "permis de conduire"...

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