Affaibli par les divisions sur la réforme des retraites, LR cherche à surmonter « l’épreuve »

Affaibli par les divisions sur la réforme des retraites, LR cherche à surmonter « l’épreuve »

La direction des Républicains n’envisage pas d’exclure ou de sanctionner les députés qui ont tenté de renverser le gouvernement lundi. Alors que la séquence parlementaire sur la réforme des retraites se referme, après avoir fracturé une partie de la droite parlementaire, LR mise sur le rassemblement, tout en s’interrogeant sur ses rapports à venir avec la majorité présidentielle.
Romain David

Par Romain David et Mathilde Nutarelli, avec Aurélien Romano et Romain Ferrier

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L’heure est à l’apaisement chez Les Républicains. La nuit est passée sur la secousse soulevée par la motion de censure déposée la veille par le petit groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) contre le gouvernement d’Élisabeth Borne, et signée par 19 députés LR sur les 61 qui siègent au Palais Bourbon. En conférence de presse, Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, avait pourtant voué aux gémonies les élus prêts à franchir le Rubicon : « S’il y a une motion avec LIOT, ils auraient vocation à aller siéger à LIOT ou chez les écologistes, s’ils veulent. […] Je les invite à prendre leurs responsabilités ». Ce mardi matin, le ton du député d’Eure-et-Loir s’était radouci. « Nous sommes des députés d’opposition et chacun exerce son mandat et vote en responsabilité. Je n’ai pas à leur jeter la pierre », a-t-il déclaré sur BFM TV, assurant comprendre que certains élus « n’aient pas eu envie d’assumer une réforme qui a été malgré tout portée par Emmanuel Macron ». Dans la matinée, le sort des élus en question a fait l’objet d’un conseil stratégique, au siège du parti rue de Vaugirard. Était notamment présent Aurélien Pradié, le député du Lot, devenu la figure de proue de la fronde d’une partie de la droite contre le report de l’âge légal de départ à la retraite, pourtant défendu par sa famille politique depuis des années.

Au fil de la matinée, l’ancien vice-président des LR a été la cible des remontrances des uns et des autres, avant finalement de prendre la parole pour assurer de sa volonté de rester au sein du parti, rapporte à Public Sénat une parlementaire présente à cette réunion. Pour l’heure, il n’est donc pas question d’exclusion ou de scission, mais certains élus estiment que le noyau de frondeurs gravitant autour d’Aurélien Pradié représente une sérieuse épine dans le pied d’un parti déjà laminé ces dernières années par les défaites électorales et les défections en séries. « Bien sûr qu’il aurait fallu les exclure, ils seront un facteur d’instabilité jusqu’à la fin du quinquennat », tempête un sénateur LR de premier plan, furieux de voir une réforme largement élaborée par la droite sénatoriale ainsi fragilisée par ses collègues députés. Mais l’on comprendra aisément que les dirigeants LR rechignent à amputer ce qu’il reste du groupe à l’Assemblée nationale d’un tiers de ses membres. En passant de 61 à 42 élus, LR perdrait encore un peu plus de son influence politique au Palais Bourbon, sans compter la baisse de dotations publiques qui serait liée à ce rabougrissement.

« La priorité est plutôt au rassemblement et à l’apaisement »

« Nous sommes dans une situation politique très complexe, qui génère des réactions individuelles », tempère auprès de Public Sénat le député de Haute-Saône Alain Joyandet. « Avec une répartition un tiers / deux-tiers, il ne s’agit pas uniquement d’initiatives isolées. Je pense qu’il faut respecter ce malaise politique. La réforme des retraites - que j’ai votée - a amené à un moment compliqué, avec une stratégie assez rude pour la présenter. Une fois ce moment passé, j’espère que LR saura retrouver une certaine forme d’unité pour les réformes à venir. »

Le sénateur Marc-Philippe Daubresse, conseiller politique dans l’organigramme des LR, préfère voir le verre à moitié plein : « Je pense que l’on inverse le sujet, un tiers des députés LR ont voté la motion de censure, certes, mais deux-tiers ne l’ont pas votée. Ce sont ces deux-tiers qui ont permis à la réforme des retraites, dont je rappelle qu’elle est à 95 % le texte du Sénat, donc celui de LR, d’être votée », veut-il faire valoir. « Un certain nombre de nos collègues députés ont fait passer en priorité un certain nombre de considérations personnelles, voire une volonté de buzz personnel, par rapport à l’intérêt général et aux positions que nous défendons depuis des années. Est-ce qu’il faut pour autant les exclure ? Je pense qu’il faut d’abord définir une ligne claire, des règles du jeu. Et quand quelqu’un fera un tacle, on pourra siffler un penalty. Pour l’instant, je pense que la priorité est plutôt au rassemblement et à l’apaisement », explique l’élu du Nord. En somme, un appel adressé à Éric Ciotti pour approfondir le travail de rassemblement entamé après son élection à la tête du parti en décembre.

Ce mardi, le député des Alpes-Maritimes a reconnu à la sortie du conseil stratégique que la séquence des retraites représentait « une épreuve, quelque part aussi un échec » pour son parti, appelant à « en tirer toutes les leçons ». « Faut-il décider l’expulsion des 19 députés qui ont signé la motion de censure ou de quelques-uns d’entre eux ? Je pense que dans ces situations-là ce sont les leaders [qu’il faut viser] », pointe François-Noël Buffet, le président de la commission sénatoriale des Lois. « Ils sont un ou deux, notamment Aurélien Pradié, dont sincèrement au sein d’un parti politique je ne comprends pas l’attitude quand il y a des enjeux de cette importance. Il y a une question de confiance qui se pose - je n’ai rien contre lui, je ne le connais pas -, et qui nécessite une clarification. »

Emmanuel Macron « dans la situation la plus difficile qu’il ait jamais traversée »

Le déclenchement du 49.3 jeudi, puis l’adoption formelle de la réforme des retraites lundi, a marqué une escalade dans l’opposition au texte. Depuis plusieurs jours, des manifestations spontanées se multiplient dans plusieurs villes à travers le pays. Des vidéos d’échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Lundi soir, 287 manifestants ont été interpellés, dont 234 à Paris. La neuvième journée de mobilisation intersyndicale jeudi pourrait marquer une nouvelle étape de la contestation, alors que la grève dans les raffineries commence à se faire sentir dans certaines stations essence.

Emmanuel Macron prendra la parole mercredi, lors d’une interview télévisée à 13 heures, diffusée en direct sur TF1 et France 2. L’occasion de désamorcer la grogne sociale mais aussi de renouer le fil de son mandat. « Il est le président de la République, et il va au journal de 13h… bientôt il fera ‘Les 4 vérités’ », raille le sénateur LR de l’Oise Jérôme Bascher. « Le choix du 13h, ce n’est pas celui de la France qui travaille. Ce sont les travailleurs qui vont subir le poids de la réforme des retraites. J’aurai d’abord parlé à la France qui travaille avant de parler à la France des retraités », commente ce proche de Xavier Bertrand, autre sceptique à droite sur la réforme des retraites. « L’intérêt, ce n’est pas où il va parler, mais ce qu’il va dire. Il est dans un exercice très contraint, ne rien faire, rester immobile, n’est pas une solution parce que sinon c’est comme sur un vélo, vous vous cassez la gueule ! », avertit Marc-Philippe Daubresse. « Il faut donc avancer, mais on ne peut pas non plus avancer à toute allure sans savoir où l’on va. Il va devoir faire preuve de beaucoup d’adresse et de dextérité. Je pense qu’il est dans la situation la plus difficile qu’il ait jamais traversée. »

» Lire aussi : Emmanuel Macron n’envisage « pas de dissolution » et réfléchit au « cap » pour la suite

Un pacte de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle pour sortir de la crise politique ?

Le recours au 49.3, et l’impossibilité de dégager une majorité grâce aux voix des LR sur la réforme des retraites, signe l’échec de la stratégie du cas par cas adopté depuis plusieurs mois par l’exécutif faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Ce mardi, l’idée d’un pacte de gouvernement avec LR, un temps évoqué pendant la campagne présidentielle et celle des législatives, notamment sous la plume de Nicolas Sarkozy, a refait surface. Elle aurait de nouveau été défendue en conseil stratégique par Jean-François Copé, le maire de Meaux, ancien ministre du Budget de Jacques Chirac.

« On ne peut pas dire que l’on est dans l’opposition et voter toutes les réformes ! On ne peut pas dire que l’on est dans l’opposition résolue et travailler sur les textes avec le gouvernement ! », martèle Alain Joyandet, ancien secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy. « Je pense que le sujet doit être remis sur la table. Nous sommes un parti de gouvernement, je ne vois pas comment on peut revenir aux affaires en restant seuls. Il faut bien à un moment donné reconstituer une grande force de la droite et du centre, avec LR et d’autres, pour pouvoir peser », explique-t-il. « Je rappelle qu’une grande partie des gens de chez nous sont partis dans la majorité présidentielle. Qui tend la main à l’autre ? C’est toujours difficile de faire le premier pas, Mais si on veut rester dans l’opposition ad vitam aeternam, voire disparaître, il n’y a qu’à ne rien changer », soupire le sénateur.

Un scénario qui laisse François-Noël Buffet sceptique. « Si la situation, un jour, devait amener à cette idée-là, cela devrait être fait en toute transparence et sur la base des idées qui sont les nôtres. Cela ne peut se faire que sous une forme contractuelle, un peu à l’allemande », avertit le sénateur. « Mais je crois que nous n’en sommes pas encore là. » Interrogé sur le sujet, un autre élu LR met en garde : « Si on se lance là-dedans, il ne faut pas se planter. Car le coup d’après, ce sont les extrêmes qui passent. »

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