Anne Hidalgo joue la carte de la « sérénité » et de la « force tranquille »

Anne Hidalgo joue la carte de la « sérénité » et de la « force tranquille »

A Blois, où Anne Hidalgo rode sa candidature à la présidentielle, la maire de Paris défend l’idée d’une société apaisée, « pacifiée » et « bienveillante ». Soit, pour la socialiste, l’opposé des tensions suscitées par Emmanuel Macron. Une stratégie qui rappelle, dans la forme, celle du « Président normal » de François Hollande face à Nicolas Sarkozy…
Public Sénat

Par François Vignal, avec Quentin Calmet (envoyés spéciaux, à Blois)

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Si Anne Hidalgo n’est pas encore officiellement candidate, elle défend déjà des valeurs et un ton. C’est essentiel en politique, qui plus est dans une campagne présidentielle. A Blois, où le tapis rouge lui est déroulé pour le campus d’été du Parti socialiste (lire ici), la maire de Paris commence à esquisser et à roder son discours.

Une thématique revient : celle de l’apaisement. Anne Hidalgo entend clairement jouer la carte de la « sérénité » dans cette campagne. Devant la presse, lors de la première journée de cette université d’été, vendredi 27 août, elle glisse l’idée : « Beaucoup de choses ont été chamboulées en 2017, mais on a besoin de retrouver la sérénité, le respect d’un débat dans lequel on a le droit d’avoir des visions différentes pour notre pays » (voir la première vidéo). Le soir, changement de décor. Dans le cadre splendide du Château de Blois, les militants l’accueillent par une haie d’honneur. « Anne de Bretagne et Catherine de Médicis ont séjourné dans ce château. C’est aussi la résidence des femmes », lance Marc Gricourt, le maire PS de Blois. Princesse Anne, qui profite d’un bon accueil des militants, se lance dans un discours.

Anne-Hidalgo-Blois-Aout-2021.jpg
Anne Hidalgo a pris la parole dans la cour du Château de Blois lors de la soirée des militants du campus d'été socialiste.

« Retrouver ce goût de la considération et du respect »

Le pot se transforme en meeting de précampagne. Elle en profite pour développer son credo : « On a envie de rapports pacifiés, plus sereins. Plus respectueux, où on se considère à hauteur de regard. Où il n’y a pas une hiérarchie qui fait qu’il y a ceux qui pensent, et ceux qui exécutent, qui seraient infantilisés. Il faut retrouver ce goût de la considération et du respect, un mot très important dans le temps qui s’ouvre ».

militants_blois.jpg

Alors que le PS retrouve quelques débats, voire bisbilles, avec la candidature interne de Stéphane Le Foll, qui conteste celle de la maire de Paris, Anne Hidalgo appelle ses camarades à faire la preuve de l’apaisement par l’exemple. « Il va falloir tisser des liens. Pour tisser des liens, il faut être ouvert à la discussion, être généreux, ne pas être replié sur soi, nos amertumes. Il faut être ouvert et fraternel. Si nous sommes bienveillants entre nous, ça veut dire que nous sommes capables d’être bienveillant avec les Français. C’est ce qu’ils attendent de nous », soutient la maire de Paris. Regardez (images du Parti socialiste) :

Le lendemain matin, autour d’un café, le premier secrétaire résume le sentiment qu’Anne Hidalgo inspire à ses yeux : « Elle a un côté force tranquille qui apparaît », selon Olivier Faure, à la différence d’autres « forces politiques qui expriment une forme de brutalité ». La Force Tranquille ? « Peut-être que ce sera le slogan de campagne », sourit Rémi Cardon, sénateur PS de la Somme et benjamin du Sénat, à 27 ans. La référence au slogan de la campagne victorieuse de François Mitterrand, en 1981, est tout sauf anodine. Dans l’imaginaire socialiste et de la gauche, il peut encore résonner au moment où l’enjeu est de remobiliser et de retrouver les électeurs de gauche.

« Avant, la maire de Lille, Martine Aubry, avait parlé d’une société du "care" »

Pour la sénatrice socialiste Hélène Conway Mouret, « la carte Hidalgo, en effet, c’est quelqu’un de posé, de très pragmatique, proche des gens, à l’écoute d’une société fracturée. […] Il y a beaucoup de ressentiments par rapport à un mode de pouvoir assez brutal », constate la sénatrice des Français de l’étranger, qui « pense qu’Anne Hidalgo, avec sa personnalité, est capable d’apporter cette sérénité ». Regardez :

Hélène Conway-Mouret : "Il faut toujours se positionner différemment de celui qu'on combat"
02:41

Hélène Conway Mouret rappelle qu’« avant, la maire de Lille, Martine Aubry, avait parlé d’une société du "care". En fait, elle s’inscrit dans ce que nous portons, nous, sociaux-démocrates, les valeurs humanistes, le côté social, l’éducation, la santé, plutôt que l’économie. C’est cela qu’elle exprime ». Un souci de l’autre qui s’incarnerait même par le ton, selon la sénatrice : « Ecoutez sa voix. C’est quelqu’un de posé ».

« Il faut toujours se positionner différemment de celui qu’on combat »

La stratégie n’est pas sans rappeler celle d’un certain François Hollande. En 2007, à la fin de la présidence Sarkozy, marquée par certaines tensions et un ton clivant, le candidat surprend en se dépeignant en « Président normal ». Soit l’opposé, le contraire, le négatif d’un hyperprésident que ses adversaires disent excité. Et ça marche. François Hollande a su surfer sur l’antisarkozysme.

Anne Hidalgo semble embrasser aujourd’hui la même stratégie : accuser Emmanuel Macron de cliver la société, de la mettre sous tension. A elle de l’apaiser, de recoller les morceaux. « Il faut toujours se positionner différemment de celui qu’on combat » confirme Hélène Conway Mouret, qui ajoute : « Ça a payé pour France Hollande, peut-être que c’est la bonne stratégie ».

« Vous pouvez être autoritaire avec votre l’équipe et être dans l’apaisement pour la société »

Pour Rémi Cardon aussi, « c’est une femme, courageuse, qui sait apaiser et rassembler par le dialogue ». L’idée peut paraître séduisante. Mais correspond-elle à la réalité ? Toute campagne répond à un story telling pour mieux véhiculer une idée, une histoire porteuse… Anne Hidalgo a aussi souvent été décrite comme autoritaire, à la mairie de Paris. On fait mieux pour apaiser. « A chaque fois qu’une femme est en politique, on dit qu’elle est autoritaire », répond Rémi Cardon, « et il faut un peu d’autorité parfois pour trancher ». « Vous pouvez être autoritaire par rapport à l’équipe que vous gérez et être globalement dans l’apaisement pour la société », ajoute Hélène Conway-Mouret.

Pour certains, cette idée de la sérénité n’est pas étrangère au fait d’être une femme en politique. « Chez les hommes, il y a ce rapport de force entre mâles dominants. Ce rapport de force, les femmes le gèrent différemment. C’est intrinsèque je crois », soutient une parlementaire socialiste. « On n’ose pas le dire, car c’est réducteur. On a l’impression de tomber dans les clichés. Mais entre un homme et une femme, les choses ne sont pas toujours gérées de la même façon », continue la même, qui va jusqu’à dire que « lorsqu’on est une femme, il y a aussi la façon dont on gère sa famille, un côté inclusif ». Anne Hidalgo, maman des Français ? Ce serait aller un peu loin. Mais dans une société pleine d’incertitudes, savoir rassurer par son discours peut parler à une part de l’électorat, en recherche de repères.

« J’aime beaucoup sa voix. Elle est très posée, déjà apaisante »

Chez les militants en tout cas, l’idée passe très bien. « Anne Hidalgo, c’est la force tranquille du XXIe siècle. C’est une main de fer dans un gant de velours », lance Sandra, 46 ans, militante du Tarn, « la patrie de Jaurès ». « L’hystérisation de la société vient du fait qu’il n’y a plus d’espace de débat possible. Il faut écouter les corps intermédiaires, redonner une vraie place au Parlement », ajoute cette professeure d’histoire-géographie, pour qui « retrouver de l’écoute et du partage, c’est très important ».

« Elle est modeste et travaille, a des valeurs humaines et est chaleureuse. Et c’est une femme » apprécie Marianne, 67 ans, militante depuis « l’âge de 14 ans », venue l’applaudir dans la cour du Château. Elle vient faire une photo à ses côtés. « C’est bon, l’année prochaine, t’es ministre de quoi ? » la charrie Henri, du Loir-et-Cher. Bernard, 62 ans, « aime beaucoup sa voix. Elle est très posée, déjà apaisante. C’est un peu "détendez-vous" », sourit ce militant du Lot. « Sous Sarkozy, on a eu une période très clivante et je trouve qu’Emmanuel Macron, finalement, est pire. On a besoin d’une société pacifiée », continue ce professeur de lycée, tout juste à la retraite. S’il devrait la soutenir, il pointe cependant « son principal handicap : c’est d’être maire de Paris. J’ai peur que ça ne soit pas suffisant à cause de son profil, que les Français ne se retrouvent pas dans sa candidature car elle est maire de la capitale ». Ce qui risque, craint Bernard, de « réalimenter la mécanique de division », par les attaques de ses opposants. A Anne Hidalgo de savoir les retourner.

Dans la même thématique

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le

Operation Wuambushu a Mayotte : Demolition en cours d’un vaste bidonville – Operation Wuambushu in Mayotte: Ongoing demolition of a vast slum
8min

Politique

« Mayotte place nette » : « La première opération était de la communication et la deuxième sera de la communication », dénonce le sénateur Saïd Omar Oili

Le gouvernement a annoncé ce mardi 16 avril le lancement du dispositif « Mayotte place nette », un an après le maigre bilan de l’opération baptisée « Wuambushu ». Saïd Omar Oili, sénateur de Mayotte, regrette le manque de communication du gouvernement avec les élus du département et met en doute l’efficacité de ce « Wuambushu 2 ».

Le

Paris : Question time to the Prime Minister Gabriel Attal
6min

Politique

100 jours à Matignon : « La stratégie Attal n’a pas tenu toutes ses promesses », analyse Benjamin Morel

Le Premier ministre marquera jeudi le passage de ces cent premiers jours au poste de chef du gouvernement. Si Gabriel Attal devait donner un nouveau souffle au deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, sa stratégie n’est néanmoins pas payante car il « veut en faire trop sans s’investir fortement sur un sujet », selon Benjamin Morel, maître de conférences en droit public.

Le