Apprentissage : des mesures qui font consensus et d’autres qui fâchent

Apprentissage : des mesures qui font consensus et d’autres qui fâchent

Augmentation des salaires, aide au permis de conduire, révision de la réglementation, le gouvernement a présenté 28 mesures pour développer l’apprentissage. Des propositions qui selon les représentants des régions  pourraient entraîner des « fractures territoriales dans l'accès à l'apprentissage ». 
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 « Faire des métiers d'apprentissage un des éléments de la fabrique de la nation ». C’est l’objectif annoncé par Emmanuel Macron le 21 décembre dernier à l’occasion de la réception à l’Élysée de l’équipe de France des métiers. Ce vendredi, Muriel Pénicaud et Édouard Philippe ont présenté 28 mesures censées enclencher « la révolution culturelle » promise par le chef de l’État, des propositions largement inspirées du rapport de Sylvie Brunet, la présidente de la section Travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental.

Une  série de propositions qui préfigure le contenu du projet de loi qui sera présenté à l’Assemblée nationale au printemps et au Sénat probablement au mois de juin, l’objectif du gouvernement étant une adoption définitive avant l’été pour une entrée en vigueur en janvier 2019. Si la ministre de Travail a classé ces mesures en trois parties, 10 pour les apprentis, 10 pour les entreprises et 8 mesures «  pour déverrouiller les sujets de gouvernance et de financement », on pourrait  tout aussi bien les répartir de la manière suivante : celles qui font consensus et celles qui fâchent.

Aide au permis de conduire et augmentation des salaires des apprentis

Parmi les premières, une aide au permis de conduire  de 500 euros pour les apprentis qui verront aussi leur salaire augmenter de 30 euros net, passant de 685 euros à 715 nets par mois. L’âge limite pour s’inscrire en apprentissage est lui repoussé de 26 à 30 ans. « Augmenter le salaire des apprentis, ou encore revoir la réglementation pour les apprentis mineurs qui travaillent dans le bâtiment ou dans la boulangerie, ce sont des propositions qui vont dans le bon sens. Lors de l’examen du projet de loi El Khomri, nous avions fait passer des amendements identiques, mais l’adoption du texte avec le 49.3, les a évidemment mis à mal » se souvient le sénateur LR, Michel Forissier, qui était co-rapporteur de la loi Travail.

Des discussions « riches, animées, franches et souvent directes »

Dès le lancement de la concertation le 10 novembre dernier au ministère du travail, les discussions entre partenaires sociaux,  les représentants des régions et les organismes consulaires ont  été « riches, animées, franches et souvent directes » comme l’a rappelé avec le sourire Édouard Philippe avant d’ajouter : « Et je vais vous dire, c’est très bien ainsi ». La franchise a donc continué d’opérer ce vendredi avec le boycott de la réunion par la CGT qui a dénoncé « une opération de communication gouvernementale » et par la très forte désapprobation des régions.  

« Le compte n’y est pas » pour les régions

En effet, les régions d’un côté, le Medef et la CPME de l’autre, se sont opposés depuis le début sur le financement et l’orientation de l’apprentissage. Au début de l’année 2018, sur Public Sénat, Hervé Morin, le président centriste de Régions de France,  a estimé qu’en confier la responsabilité aux branches professionnelles, au détriment des régions, serait « inacceptable ». Ce matin, Muriel Pénicaud a confirmé leurs craintes en annonçant que le financement des centres de formations des apprentis (CFA) se fera désormais au nombre de contrats d’apprentissage signés. Aux branches de déterminer « le « coût contrat » de chaque diplôme ou titre professionnel.

Une « contribution alternance » d’environ 4 milliards d’euros remplacera la taxe d’apprentissage et la cotisation destinée aux contrats de professionnalisation. Les régions perdent ainsi 51% de la taxe d’apprentissage qui leur était jusque-là reversée pour financer le secteur. En contrepartie,  une dotation de 250 millions d’euros leur sera allouée pour tenir compte des « spécificités de l’aménagement du territoire », ainsi qu’une subvention de 180 millions d’euros par an pour investir dans la création de nouveaux centre de formation des apprentis ou procéder à des rénovations. Dans un communiqué, l’association Région de France a déploré « le risque de véritables fractures territoriales dans l'accès à l'apprentissage entre les zones métropolitaines et non métropolitaines ». « Le compte n’y est pas. Les moyens qui sont accordés pour cette modulation  ne permettront pas de répondre aux besoins qui sont exprimés pour avoir des CFA de proximité » a estimé François Bonneau, président délégué socialiste de Régions de France.

Apprentissage: "le compte n'y est pas" pour François Bonneau Bonneau, président délégué socialiste de Régions de France
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« Avant de confier quoi que ce soit aux branches professionnelles, il faut d’abord savoir, si elles en ont la capacité. Il y a des centaines de filières d’apprentissage en France et certaines sont issues d’initiatives locales, associatives, ou des chambres des métiers » abonde Michel Forissier. Pour Bruno Retailleau, patron du groupe LR du Sénat, « complexité et recentralisation » sont les deux défauts de ces annonces. Tandis que le vice-président communiste de la délégation sénatoriale aux entreprises, Fabien Gay, déplore le manque de concertation, « car beaucoup ont quitté la table des négociations ». 

À noter que les partenaires sociaux vont pouvoir désormais  coécrire les diplômes professionnels avec l’État afin « de correspondre davantage aux besoins professionnels des entreprises ». En France, on dénombrait en 2017, 421 700 apprentis pour un objectif non atteint de 500 000.

 

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