Approvisionnement en électricité : le gouvernement veut mettre les centrales à charbon à contribution
Le gouvernement veut pousser les centrales à charbon de France à produire plus que prévu pour éviter d’avoir à recourir à des délestages, si la tension sur l’approvisionnement en électricité s’accroît cet hiver. Une décision qui fait réagir vertement les sénateurs de droite comme de gauche.

Approvisionnement en électricité : le gouvernement veut mettre les centrales à charbon à contribution

Le gouvernement veut pousser les centrales à charbon de France à produire plus que prévu pour éviter d’avoir à recourir à des délestages, si la tension sur l’approvisionnement en électricité s’accroît cet hiver. Une décision qui fait réagir vertement les sénateurs de droite comme de gauche.
Public Sénat

Par Sandra Cerqueira

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Faire fonctionner davantage les centrales à charbon, c’est l’objectif du projet de décret du ministère de la Transition écologique. Ce sont les deux dernières centrales à charbon de France, celle d’EDF à Cordemais (Loire-Atlantique) et celle de l’énergéticien GazelEnergie à Saint-Avold (Moselle), qui sont concernées.

 

La preuve que la France « est en retard »

« Ce n’est ni une bonne nouvelle, ni une bonne solution » assure Zélie Victor, responsable transition énergétique au Réseau Action Climat. Une preuve que la France « est en retard sur ses objectifs » en matière de transition énergétique et dans le développement des énergies renouvelables. Selon le Réseau, la France a du mal à gérer les pics de consommation et continue « de gérer dans l’urgence car elle n’est pas en capacité d’anticiper faute de vraies politiques ambitieuses. »

 

Barbara Pompili « fait fi de la loi Climat »

Depuis le 1er janvier, les centrales à charbon sont normalement limitées à un seuil d’émission de gaz à effet de serre équivalent à environ 700 heures de fonctionnement sur l’année. Un niveau fixé dans la loi énergie climat pour aller vers leur fermeture. Le projet de décret prévoit d’élever ce seuil à 1.000 heures « pour la période comprise entre le 1er janvier 2022 et le 28 février 2022, correspondant à la pointe de consommation hivernale », indique le ministère sur son site Internet. « C’est affligeant de voir à quel point le gouvernement est capable de se dédire. Avec ce décret, Barbara Pompili fait fi de la loi Climat et renie ses engagements », affirme Jean-François Husson. Le sénateur LR qui se dit « modéré habituellement », est « en colère » : « Cette décision va à l’encontre de la volonté de la France de sortir des énergies fossiles. » La part du nucléaire, qui représente actuellement 70 % du mix énergétique français, ne devrait plus en représenter que 50 % en 2035. « Le reste du mix est censé être composé d’énergies renouvelables et non de charbon. »

 

Une « situation exceptionnelle » assure le gouvernement

Le ministère de l’Ecologie garantit que ce projet de décret s’inscrit dans le cadre d’une « situation exceptionnelle », arguant du fait que le charbon n’a produit que 0,3 % de l’électricité française en 2020 avec deux centrales uniquement encore en fonctionnement. Le ministère se veut rassurant et promet qu’il est hors de question que la transition énergétique se fasse au détriment de la sécurité d’approvisionnement. Ajoutant que le calendrier de fermeture des centrales à charbon sera maintenu. Celles du Havre et de Gardanne ont déjà été fermées. Celle de Saint-Avold fermera comme prévu au 31 mars 2022. Tandis que la centrale de Cordemais pourra être éteinte après la mise en service de Flamanville prévue pour 2023.

Le projet de décret doit faire également « l’objet d’une consultation publique, en cours, jusqu’au 20 janvier 2022 et d’un avis du Conseil supérieur de l’énergie. Il ne pourra ensuite être publié que quatre jours après la fin de la consultation, donc pas avant fin janvier.

 

Production nucléaire en baisse

Le 30 décembre, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a indiqué « relever son degré de vigilance pour janvier » et a émis une alerte sur l’approvisionnement du pays en électricité, fragilisé par l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires. Quatre réacteurs des centrales nucléaires de Chooz (Ardennes) et de Civaux (Vienne) sont fermés suite à la détection d’anomalies. Conséquence : les capacités de production nucléaire française ont été abaissées à un niveau historiquement bas : entre 43 et 51 GW en janvier, pour une capacité totale de 61,4 GW. Un plus grand nombre que prévu de réacteurs nucléaires est donc à l’arrêt, des mesures exceptionnelles (interruptions de courant chez de grands industriels, baisse de tension) pourraient être prises fin janvier ou en février, pour éviter des coupures pour les particuliers.

 

« Le charbon vient pallier les faiblesses du nucléaire »

Le sénateur écologiste, Ronan Dantec, y voit une situation « ironique » : « On nous dit que grâce au nucléaire on n’utilise pas le charbon et là on veut recourir au charbon pour pallier les faiblesses du nucléaire. C’est la démonstration de la fragilité de nos installations vieillissantes dont les pannes de réacteurs sont fréquentes. » Et d’avertir : « On ne pourra pas, sauf à prendre plus de risques – garder le stock actuel de centrales nucléaires, c’est une illusion française. »

» Lire aussi : Rapport de RTE : La consommation d’énergie, grande absente du débat sur la neutralité carbone

Partager cet article

Dans la même thématique

Approvisionnement en électricité : le gouvernement veut mettre les centrales à charbon à contribution
3min

Politique

Budget 2026 : « Je ne sais plus où habitent les socialistes », affirme Éric Coquerel 

Invité de la matinale de Public Sénat, Éric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et député insoumis de Seine-Saint-Denis s’étonne de positions défendues par les socialistes dans les débats budgétaires. Ce dernier alerte également sur les risques de dépasser les délais constitutionnels d’examen du budget.

Le

Approvisionnement en électricité : le gouvernement veut mettre les centrales à charbon à contribution
3min

Politique

Santé mentale : « 25% des lycéennes ont déjà pensé à la mort », s’alarme la spécialiste Angèle Malâtre-Lansac

Décrété « Grande cause nationale » en 2025, les troubles de la santé mentale concernent 13 millions de français. Un enjeu de santé publique qui touche fortement la jeunesse. Si la question est au centre du débat public, les solutions tardent à être mises en place et le secteur de la psychiatrie manque de moyens. Cette semaine dans Et la Santé ça va ?, Axel De Tarlé reçoit la sénatrice Céline Brulin et Angèle Malâtre-Lansac, déléguée générale de l’Alliance pour la Santé mentale pour en débattre.

Le

Approvisionnement en électricité : le gouvernement veut mettre les centrales à charbon à contribution
4min

Politique

Armement : Kaja Kallas appelle la France à « augmenter les cadences de production »

C’est la voix de la diplomatie européenne. Au moment où le cessez le feu connait des ratés à Gaza, et où la guerre s’enlise en Ukraine, quelle place pour les Européens ? Comment peser sur les grands conflits en cours ? Guerre en Ukraine, cessez-le-feu à Gaza, ou encore traité de libre-échange avec les pays du Mercosur, la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Kaja Kallas défend son action et répond sans détour aux questions de Caroline de Camaret et d’Armen Georgian dans Ici l’Europe.

Le