Après le Beauvau de la sécurité, Xavier Bertrand répond à Emmanuel Macron en présentant sa « révolution pénale »

Après le Beauvau de la sécurité, Xavier Bertrand répond à Emmanuel Macron en présentant sa « révolution pénale »

Xavier Bertrand détaillait aujourd’hui depuis Saint-Quentin, ville dont il a été le maire, son programme sur les questions de sécurité. Il répond ainsi à Emmanuel Macron et au Beauvau de la sécurité que le chef de l’Etat a conclu hier, en voulant installer le match avec le chef de l’Etat.
Louis Mollier-Sabet

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L’image a beaucoup fait parler hier en clôture du Beauvau de la sécurité à Roubaix : Xavier Bertrand et Emmanuel Macron face à face dans un échange poli mais musclé à propos des annonces du Président de la République. « Merci d’être là et de continuer à proposer sur des sujets qui sont aussi importants » commence, beau joueur Emmanuel Macron.

Le président de la région des Hauts-de-France reste d’abord dans son rôle d’élu local accueillant le chef de l’Etat, « c’est républicain, c’est normal, » avant de changer de casquette et de répondre, cette fois, véritablement en candidat à la présidentielle : « On aura un débat, un vrai débat. J’aurais l’occasion de m’exprimer demain, mais pas aujourd’hui. » Demain, nous y sommes, et Xavier Bertrand semble continuer à répondre à Emmanuel Macron.

« C’est la réponse du berger à la bergère »

Le chef de l’Etat actuel est le seul concurrent à l’élection présidentielle que Xavier Bertrand a nommé dans son discours. C’est bien en opposition à sa politique qu’il a tenté de construire son programme sur la sécurité, « priorité absolue pour la restauration de l’autorité dans notre pays, qui fonde l’idée même de Justice, ce qu’Emmanuel Macron a oublié » attaque dès le début de son discours le président de la région Hauts-de-France. Pour Dominique Estrosi Sassone, sénatrice LR et porte-parole de Xavier Bertrand, « c’est la réponse du berger à la bergère » après la « provocation » d’Emmanuel Macron de donner les conclusions du Beauvau de la sécurité à Roubaix, dans la région des Hauts-de-France présidée par Xavier Bertrand.

Le parti Les Républicains n’a pas encore arrêté sa procédure de désignation de son candidat pourtant Xavier Bertrand se place déjà comme l’adversaire d’Emmanuel Macron, critiquant par exemple « l’instance de contrôle parlementaire des forces de l’ordre » proposée par le chef de l’Etat : « L’annonce d’hier d’un nouvel outil de contrôle des forces de l’ordre participe d’une remise en cause généralisée. Pour ma part je leur fais confiance pour accomplir leur mission avec exemplarité. » Laure Darcos, sénatrice LR de l’Essonne abonde : « Ce n’est pas un très bon signal de la part d’Emmanuel Macron d’avoir dit ça au lendemain de la Fête de l’Huma où les policiers étaient sifflés. »

Xavier Bertrand entend ainsi se placer comme le candidat de la droite et renvoyer Emmanuel Macron à ses premières amours, le « en même temps » : « À ceux qui ne voient plus la différence entre la droite et la gauche, je voudrais dire que sous Nicolas Sarkozy la délinquance a baissé, alors qu’elle n’a ensuite cessé d’augmenter. »

« Révolution pénale du XXIè siècle » ou filiation sarkozyste ?

L’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy n’oublie d’ailleurs pas d’où il vient en intitulant son discours « la sécurité à nouveau », et en détaillant des mesures qui rappellent la campagne de 2007 et la loi « renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs » adoptée dans la foulée. Xavier Bertrand appelle d’ailleurs à « retrouver des principes simples », comme l’application effective des peines en créant 20 000 places de prison pour sortir de la « gestion immobilière de la délinquance », ou bien l’abaissement de la majorité pénale à 15 ans.

La « peine minimum » assurant une « sanction désormais certaine » résonne aussi avec les « peines planchers » pour les récidivistes mises en place par Nicolas Sarkozy en 2007, peu appliquées par les juges, et abrogées en 2014 par le gouvernement socialiste. Mais, pour Dominique Estrosi Sassone, c’est bien une « révolution pénale du XXIè siècle » que propose le président de la région des Hauts-de-France. Si la sénatrice des Alpes-Maritimes reconnaît que « la politique de fermeté et de retour de l’Etat menée par Sarkozy avait porté ses fruits », la proposition de Xavier Bertrand n’est pas un retour des « peines planchers ».

Celles-ci pouvaient en effet « être écartées par les juges ». Pour éviter cela, l’équipe de Xavier Bertrand a pensé à une « individualisation de la peine entre un minimum et un maximum », ce qui supposerait effectivement une « modification constitutionnelle ». « J’y suis prêt, les Français aussi » affirme solennellement Xavier Bertrand, « soit par voie législative, soit par voie référendaire » précise Dominique Estrosi Sassone, qui y voit une « volonté de s’adresser directement aux Français pendant son mandat. » En bref, pour sa porte-parole, Xavier Bertrand, « va bien plus loin que Nicolas Sarkozy. »

« C’est à l’actif de Xavier Bertrand d’avoir été le premier à faire ce discours important et fondateur »

En tout cas, au sein de la majorité sénatoriale, le discours a semblé convaincre. Laure Darcos porte-parole de « Libres ! », le parti de Valérie Pécresse, l’assume : « C’est à l’actif de Xavier Bertrand d’avoir été le premier à faire ce discours important et fondateur. Je le soulignerai auprès de mes militants. » La présidente de la fédération LR de l’Essonne « sent qu’il a entendu les gens », des forces de l’ordre comme des élus, et se félicite que le président de la région des Hauts-de-France, qui a quitté Les Républicains en 2017, « reste proche des idées de notre famille politique. »

Même son de cloche chez Dominique Estrosi Sassone, pour qui Xavier Bertrand est resté dans le concret, « contrairement à Emmanuel Macron, qui a continué dans son chiffrage sans fin. » L’attention au recouvrement des amendes pénales par exemple, dont « plus de la moitié » ne sont pas recouvrées d’après le candidat, est citée comme une mesure phare. Xavier Bertrand propose d’aller jusqu’à saisir ces amendes sur les « prestations sociales comme le RSA », si elles ne sont pas payées immédiatement. Autre exemple de mesure « née de la réalité du terrain », la création de « fonctionnaires de police judiciaire territoriaux » dans la police municipale et sous l’autorité du procureur. Pour Dominique Estrosi Sassone, cela permettrait de « donner des pouvoirs supplémentaires à la police municipale », comme les contrôles d’identité en dehors des flagrants délits.

« On ne va pas commencer la course à l’échalote sur les peines de prison »

On est au début de la campagne, et Xavier Bertrand cherche un certain équilibre qui lui permettrait de rassembler largement dans la famille de la droite et du centre. Ainsi Dominique Estrosi Sassone insiste : « C’est un discours équilibré sur deux piliers, une révolution pénale, mais aussi de la prévention », avec notamment l’augmentation des places dans les centres d’addictologie pour pouvoir mener à bien les obligations de soin.

En tout état de cause, c’est un thème qui va rassembler à droite, autant chez les militants que chez les candidats déclarés d’après Laure Darcos : « C’est un sujet qui va faire consensus. On ne va pas commencer la course à l’échalote sur les années de peine de prison, l’esprit est le même [chez tous les candidats]. »

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