Après le Brexit, l’Ecosse en route vers son indépendance

Après le Brexit, l’Ecosse en route vers son indépendance

Et si l'Ecosse quittait le Royaume-Uni ? C'est l'une des conséquences possibles de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Jonathan Dupriez, notre envoyé spécial, est allé à la recontre de cette nation bien décidée à rester arrimée à l'Europe.
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Stuart Simpson, agriculteur, n'a jamais vécu pareille incertitude en 40 ans de métier. A quelques jours du Brexit, il ne sait pas encore s’il réussira à écouler normalement ses pommes de terres censées être livrées en France, en Allemagne ou en Espagne.

"On travaille en flux tendus. Si l’on ne vend pas notre production rapidement à l’export, on ne pourra plus rien en faire et les acheteurs étrangers devront aller en trouver ailleurs. Donc nos pommes de terres ne serviront qu’à nourrir le bétail et n’auront plus aucune valeur."

Une situation engendrée par plusieurs de ses clients européens qui ont gelé leurs achats en attendant que l’Ecosse sorte de l’union. Stuart Simpson doit donc écouler 100 tonnes de pommes de terre s'il ne veut pas s'exposer à une perte sèche de 200 000 euros. Un déficit qui menacerait son exploitation tout entière.

Le jour du vote du Brexit, ma ferme valait environ 5 millions d’euros à la vente. Aujourd’hui, il n’y aurait plus aucun acheteur car à l’heure actuelle, aucun fermier ne voudrait de ces terres agricoles. Pour des gens comme moi, c’est une vie entière de labeur qui est en sursis. Elle valait 5 millions d’euros, et elle ne vaut plus rien.

Comme lui, deux millions d’Ecossais se disent inquiets à cause du Brexit. Une sortie de l'Union Européenne rejetée par cette nation du Royaume-Uni à 62 % en 2016. Un sentiment pro-europeén qui s'affiche clairement dans les rues d’Aberdeen, troisième ville du pays et plaque tournante européenne de la pêche et du pétrole en mer du Nord. L'impression d'avoir été bernés par Westminster le renforce d'autant plus, car en 2014, les Ecossais se sont opposés à leur indépendance, pour rester arrimés au Royaume-Uni et rester au sein de l'Europe. En 2016, ce calcul se retrouve anéanti par le Brexit.

A l’université d’Aberdeen, l’une des meilleures au Royaume-Uni, certains étudiants en politique, comme Roy McDonald, 18 ans, déplorent un déficit démocratique.

C’est étrange parce que je devrais normalement me sentir bien vis-à-vis des hommes politiques qui me représentent et qui veulent le meilleur pour moi. Mais en fait, j’ai surtout l’impression qu’ils ne sont pas capables de faire quoi que ce soit. Je crois que le Brexit a démontré l’obsolescence du système parlementaire britannique et les divisions au sein du Royaume-Uni...

Pour s’affranchir de Londres, l’idée d’un nouveau référendum sur l’indépendance refait surface dans la société, et près d’un habitant sur deux y est favorable. Une idée que le parti indépendantiste au pouvoir, le SNP, martèle depuis des années. Lors de son congrès annuel, les élus présents, tels que Christian Allard y croient plus que jamais. Cet eurodéputé d’origine française représente l’Ecosse à Bruxelles, et pour lui, à en croire la progression du parti, le pays est mûr pour l’indépendance.

L’engouement autour du mouvement pour l’indépendance s’est vraiment concrétisé après le référendum pour l’indépendance. C’est très drôle, on ne l’a pas vu venir. Nous avions 20 000 adhérents au SNP avant le référendum de 2014 et nous voilà maintenant à 120 000 adhérents. 

Face à cet engouement sans précédent pour l’indépendance, la première ministre écossaise, essaie de faire plier Boris Johnson. Le 15 octobre dernier, dans un discours très offensif, elle a exigé de Londres un nouveau référendum pour 2020.

L’espoir pour l’Ecosse, c’est de devenir une nation indépendante. Et j’appelle de mes voeux à ce que ce référendum soit organisé l’année prochaine !! Alors tenez-vous prêts.

Mais obtenir l’indépendance peut-être une voie risquée : si elle l’obtient, l’Ecosse devra candidater à nouveau pour entrer dans l’Union Européenne, sans avoir la certitude de remplir à court terme, les conditions économiques et juridiques nécessaires. De leur côté, les cadres du SNP, comme le ministre en charge du brexit Michaël Russell, se montrent confiants.

Je crois qu’onze Etats membres de l’UE sont plus petits que l’Ecosse. Nous sommes un pays prospère avec un niveau d’éducation élevé. Et puis nous avons beaucoup de ressources naturelles, des produits qui s’exportent dans le monde entier et pas seulement le whisky. Nous traçons donc notre route, c’est pour ça qu’on doit pouvoir choisir et devenir membres de l’Europe.

Immédiatement après le discours de Nicola Sturgeon, le 10 Downing Street a fait savoir qu’un référendum de cette nature est un "événement unique, organisé une fois par génération”, et qui laisse imaginer que la marche vers l’indépendance, pourrait encore être longue.

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