Asile et immigration : la droite sénatoriale défend l’«équilibre» d’un texte durci

Asile et immigration : la droite sénatoriale défend l’«équilibre» d’un texte durci

Trop faible sur les expulsions et trop faible sur l’intégration. La majorité sénatoriale a largement modifié en commission le texte du gouvernement sur l’asile et l’immigration, examiné en séance à partir de mardi. Ils défendent plusieurs mesures de fermeté sur l’immigration irrégulière, tout en veillant à l’accueil des réfugiés.
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Les débats avaient été longs à l’Assemblée nationale. Les sénateurs ont pris le même pli, mardi 6 juin, en examinant le projet de loi sur l’asile et l’immigration en commission. Il a fallu prolonger la réunion l’après-midi pour examiner les 289 amendements. Mais la comparaison s’arrête là. Car le Sénat a modifié le texte du gouvernement pour le durcir (voir notre article sur la série d’amendements adoptés en commission). Les sénateurs examinent le texte en séance publique à partir de ce mardi 19 juin. Trois jours de débats sont prévus.

Mais n’allez pas dire à François-Noël Buffet, rapporteur LR du texte, que la majorité sénatoriale fait de la surenchère face à un projet de loi déjà dénoncé par les associations comme l’un des plus durs jamais adoptés. « Il faut regarder l’équilibre d’ensemble » d’un texte qui répond aux « très grandes faiblesses » du projet de loi de l’exécutif, souligne le sénateur du Rhône ce mercredi, lors d’une conférence de presse. « Nous ne faisons pas de surenchère » complète Philippe Bas, président LR de la commission des lois, qui insiste sur le souci « de redonner tout son sens à l’intégration républicaine », avec notamment le renforcement des cours de français pour les réfugiés.

« Très être ferme sur le traitement de l’immigration irrégulière »

Face à « l’aggravation de la pression migratoire », les sénateurs assument cependant la volonté d’« être très ferme sur le traitement de l’immigration irrégulière » (voir la vidéo de François-Noël Buffet, images de Jordan Klein). Les sénateurs ont ainsi décidé que tout rejet définitif d’une demande d’asile vaut obligation de quitter le territoire. Après une décision d’expulsion, le délai de départ volontaire est abaissé de 30 à 7 jours et l’interdiction de retour est portée de 3 à 5 ans.

La double peine, idée dans les cartons de la droite depuis longtemps, fait son retour. Toute infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée de 5 ans ou plus entraînerait une peine d’interdiction du territoire, sauf décision contraire et motivée du juge.

« Doute sur l’efficacité » du prolongement à 90 jours du délai de rétention

Sur le délai de rétention administrative maximale, prolongée de 45 à 90 jours par le gouvernement, la commission l’a accepté « du bout des lèvres » glisse Philippe Bas, pour ne « pas donner d’excuse au gouvernement ». Mais le sénateur de la Manche « doute de l’efficacité » de la mesure car « le problème est l’esprit de coopération ou non des pays pour éloigner les étrangers en situation irrégulière ». Les sénateurs ont donc imaginé un principe donnant-donnant sur les visas accordés aux ressortissants des pays concernés, pour pousser ces derniers à accorder les laissez-passer pour renvoyer vers leur pays les étrangers expulsés.

L’assouplissement du délit d’entrave, votée par les députés, est supprimé. François-Noël Buffet estime que la législation actuelle permet déjà au juge de faire la différence selon les cas. Autre point, cher au sénateur Roger Karoutchi, mais beaucoup moins à François-Noël Buffet : un débat chaque année au Parlement « présentant des indicateurs chiffrés rendant compte des flux d’entrée, de séjour et d’éloignement ». Une manière de ne pas parler de quotas. Les sénateurs ont aussi supprimé la carte pluriannuelle de quatre ans, que veut instaurer l’exécutif, et durci les conditions du regroupement familial.

Dans sa version du texte, le Sénat a transformé l’aide médicale d’Etat en « aide médicale d’urgence » concentrée sur les maladies graves ou les soins liés à la grossesse. « Notre système social est très attractif », ce qui attirerait les migrants, fait valoir François-Noël Buffet. « Je sais, c’est très mal vu de dire ça ». « C’est aussi très bien vu. Ça dépend de qui… » note Philippe Bas.

Délai de recours en cas de rejet d’une demande d’asile ramené à 30 jours au lieu de 15

Au chapitre d’un « meilleur accueil des réfugiés », le rapporteur a maintenu à 30 jours le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en cas de rejet d’une demande d’asile, contre 15 jours dans le texte du gouvernement, au nom de la garantie des droits et des effets contre-productifs de la mesure. Ce qu’apprécie le sénateur PS Jean-Yves Leconte. « Est-ce que le texte est durci par le Sénat ? En partie. Car le rapporteur connaît son sujet, (…) il a aussi apporté un certain nombre d’améliorations au texte. Je pense au recours qu’il a remis à 30 jours » salue sur Public Sénat le sénateur socialiste, qui reconnaît « une espèce d’équilibre ».

Asile et immigration : le sénateur PS Jean-Yves Leconte reconnaît « une espèce d’équilibre » dans le texte du Sénat
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Il a pu faire adopter un amendement pour imposer à l’Etat la délivrance du titre de séjour d’un réfugié dans un délai maximal de 10 jours. La définition des pays d’origine sûrs a été complétée par un amendement de la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie pour en exclure les pays où les personnes transgenres subissent des persécutions ou traitements inhumains.

Rétention des mineurs accompagnés de leur parent limitée à 5 jours

Côté intégration, le niveau de français doit être certifié, dans le cadre du contrat d'intégration républicaine. Les sénateurs souhaitent également élever le niveau de langue requis pour la délivrance des titres de séjour ou l’acquisition de la nationalité française. Une manière de renforcer l’intégration des étrangers, mais aussi de réduire le nombre de titres délivrés. Le Sénat veut par ailleurs associer Pôle emploi à l’orientation professionnelle des primo-arrivants.

Sur la question sensible des mineurs étrangers, les sénateurs ont voulu rappeler explicitement l’interdiction du placement en rétention des mineurs isolés. Pour le cas des mineurs accompagnant leurs parents et qui se retrouvent placés en centre de rétention, François-Noël Buffet souligne que si  la durée moyenne est de « 4 à 5 jours », ils peuvent théoriquement y rester jusqu’à 45 jours. Il a donc limité à 5 jours la durée de la rétention pour ces mineurs accompagnant leurs parents. Dans son dernier rapport, le Défenseur des droits avait mis en cause cette situation. L’autorité écrivait qu’en 2017, la France a enfermé en centre de rétention « 275 enfants, dont de nombreux nourrissons ».

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