Asile et immigration : la droite sénatoriale déterminée à amender un texte jugé incomplet

Asile et immigration : la droite sénatoriale déterminée à amender un texte jugé incomplet

Après son adoption par les députés dimanche soir, le projet de loi défendu par Gérard Collomb arrivera au Sénat au mois de juin. Estimant que ses dispositions sont insuffisantes, la majorité de droite compte durcir le texte.
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C’est dimanche en fin de soirée, au terme de sept jours de débats sous haute tension, que les députés ont achevé l’examen en première lecture du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ». Si le texte a été adopté par 228 voix pour, et 139 contre, plusieurs voix ont toutefois manqué à la majorité LREM-MoDem (appuyée par le groupe UDI, Agir et Indépendants), loin d’être totalement unie sur le sujet. Les groupes de gauche, qui ont dénoncé des atteintes aux droits des personnes, et le groupe Les Républicains, irrité par le manque de fermeté du texte, se sont opposés.

Le texte doit à présent être transmis au Sénat, qui l’étudiera d’abord en commission des Lois à partir du 6 juin, avant un examen en séance la semaine du 18 juin. La droite, majoritaire au Palais du Luxembourg, promet d’introduire plusieurs amendements, car elle considère que le texte ne va pas assez loin. « Il ne nous convient pas parce qu’en réalité il ne règle en rien la situation. On ne prend pas les vraies décisions », regrette ce matin Roger Karoutchi, sénateur (LR) des Hauts-de-Seine, qui pointe « une espèce de voie moyenne ».

« Au lieu d’avoir un texte cadré, qui rendrait la dignité à ceux qui sont réellement acceptés sur territoire national, on a un texte qui n’est pas terminé », ajoute-t-il.

Les sénateurs de droite réclament le droit de se prononcer sur des quotas d’immigration

Comme en 2015, lors des débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, les sénateurs LR devraient revenir à charge, en proposant que le Parlement se prononce chaque année sur des quotas d’immigration.

Le sénateur des Hauts-de-Seine, par ailleurs rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », note ensuite que les ambitions du gouvernement seront confrontées à l’équation budgétaire. « Tout dépendra des moyens financiers que l’on y met. Or le gouvernement dans le budget 2018 n’y met pas de moyens […] Il faut arrêter les incantations », soulève-t-il. Selon lui, l’État ne dispose pas de suffisamment de crédits destinés aux raccompagnements aux frontières ou à l’apprentissage du français.

Jean Bizet, sénateur LR de la Manche, redoute quant à lui le « message » que constitue l’extension du regroupement familial aux fratries des mineurs isolés qui ont obtenu le statut de réfugié. « Les réseaux de passeurs vont recevoir le message 5 sur 5 », craint-il. Le président de la commission des Affaires européennes estime sur le même plan que l’assouplissement du « délit de solidarité » pour les personnes venant en aide aux migrants, constitue un mauvais signal. « À titre personnel, je trouve cela extrêmement laxiste. Il faut être sévère en la matière ».

Volonté de durcir les sanctions

Appelant à un renforcement des sanctions, Roger Karoutchi prend pour exemple le franchissement de la frontière franco-italienne dimanche par des migrants, aidés par des militants « No Border ». «Les gens qui font le coup de poing pour faire passer en force des immigrés de manière clandestine, ce n’est pas acceptable. Au gouvernement de nous faire des propositions. »

Enfin, les sénateurs de droite pourraient également se saisir du débat sur le projet de loi asile et immigration pour reposer la question du droit du sol, comme le laissait entendre Philippe Dallier vendredi sur notre antenne. « Je suis pour qu’on module, pas qu’on remette en cause le droit du sol par rapport au droit du sang », précise Roger Karoutchi, très réservé sur le fait d’accorder la nationalité française à un enfant né sur le territoire national de deux parents en situation irrégulière.

La droite ne devrait pas en revanche pas revenir sur l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative, passée de 45 à 90 jours. « C’est une bonne chose, on ne changera pas là-dessus », indique Roger Karoutchi.

Le gouvernement acceptera-t-il de suivre la droite sénatoriale dans sa volonté d’aller « vers plus de solutions de contrôle et de régulation », alors que les 323 amendements du groupe LR à l’Assemblée ont tous été rejetés ?  « Je pense que le ministre de l’Intérieur y est prêt », c’est sa majorité qui ne l’est pas », analyse le sénateur des Hauts-de-Seine. « Ce sera un coup d’épée dans l’eau si le gouvernement n’accepte pas un certain nombre de nos amendements ».

Asile et immigration : "Je pense que le ministre de l'Intérieur est de bonne foi", déclare Roger Karoutchi
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« Je pense que le ministre de l’Intérieur est de bonne foi », déclare le sénateur LR Roger Karoutchi (images : Samia Dechir)

Les socialistes « mèneront la bataille au Sénat »

Les socialistes, de leur côté, promettent de « continuer » une « bataille politique » contre les dispositions d’un projet de loi qu’ils jugent dangereuses et rétrogrades. « Ce gouvernement réduit le droit d’asile », dénonce le sénateur du Val-d’Oise Rachid Temal, « il fait quelques clins d’œil à la droite, à la droite la plus extrême ». L’ancien coordinateur national du PS a notamment été heurté par l’adoption, jeudi, de l’article 5, avec le soutien de cinq députés du Front national, dont Marine Le Pen.

L’article en question réduit de 120 à 90 jours de délai de dépôt d’une première demande d’asile sur le territoire. « Pour la première fois, il y a une alliance dans cette assemblée, entre l’extrême droite et toutes les composantes de la droite, même celle qui s’appelle la République en marche », réagit Rachid Temal.

« Ce gouvernement réduit le droit d’asile », dénonce le sénateur Rachid Temal
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« Ce gouvernement réduit le droit d'asile », dénonce le sénateur (PS) Rachid Temal (images : Samia Dechir)

D’autres points sont dans le viseur des socialistes : comme la réduction du délai de recours (d’un mois à 15 jours) des demandeurs d’asile, le doublement de la durée maximum de rétention administrative, et surtout, la possibilité de placer des enfants avec leurs parents, sous le coup d’une décision d’éloignement, dans les centres de rétention.

Le groupe socialiste devrait être rejoint dans son « combat » par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologique (CRCE). Sa présidente Éliane Assassi, a déclaré, quelques minutes après le vote final des députés, qu’ils seraient « déterminés » à « faire barrage à ce texte ignoble et honteux ».

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