Attentats du 13 novembre : « L’union sacrée » impossible en 2015

Attentats du 13 novembre : « L’union sacrée » impossible en 2015

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, l’appel à « l’union sacrée » du gouvernement dans cette France « en guerre » contre le djihadisme, ne verra pas le jour. Et ce, malgré les appels du pied de François Hollande vers sa droite.
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Les jours qui suivirent les attentats du 13 novembre 2015, le personnel politique est  sous le choc et en ébullition. Trois commandos viennent de commettre sur le sol français les attentats d’une ampleur sans précédent (Stade de France, Bataclan, terrasses du 10e et 11e arrondissement de Paris) faisant 130 morts et plusieurs centaines de blessés. Le soir même, le chef de l’Etat, François Hollande décrète l’état d’urgence et « la fermeture des frontières ». La campagne électorale des élections régionales, prévues les 6 et 13 décembre, est suspendue.

C’est le Premier ministre, Manuel Valls qui prononcera à plusieurs reprises, les jours suivant les attentats, le terme « union sacrée ». « Nous sommes, nous, disposés à entendre toutes les propositions qui permettent dans le cadre de cette union sacrée, d’être efficaces », indique-t-il la première fois, le dimanche 15, la veille de la réunion du Parlement en Congrès à Versailles.

« L’union sacrée » : l'exemple de 1914

Ce terme « d’union sacrée » fait référence au message aux assemblées du président de la République, Raymond Poincaré, le 4 août 1914, le lendemain de la déclaration de guerre de l’Allemagne à la France. « Dans la guerre qui s’engage la France […] sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi l’union sacrée », affirmera le président du Conseil, René Viviani, lisant le message de Raymond Pointcarré devant le Parlement réuni en session extraordinaire.

Un siècle plus tard, devant députés et sénateurs (voir le discours intégral ici), le 16 novembre 2015, François Hollande affirme d’entrée que « La France est en guerre », et appelle à « l’unité nationale ». Cet appel restera lettre morte.

Discours de François Hollande au Congrès
38:57

Deux jours après les attentats, le président Hollande reçoit les principaux responsables politiques à l’Elysée. A la sortie, les opposants du chef de l’Etat laissent poindre une concorde nationale bien éphémère. Nicolas Sarkozy prône des « modifications drastiques » de la politique de sécurité, qui à ses yeux ne permet pas aux Français de se « sentir en sécurité ». La présidente du Front national, Marine Le Pen prévient que « l’union nationale » ne doit pas être entendue comme « un étouffoir ». Faisant preuve lui aussi de peu d’enthousiasme, le président du parti de Gauche, Jean-Luc Mélenchon indique simplement faire son « devoir ». « Nous ne sommes pas ralliés à François Hollande, mais à la République ».

Le lendemain, à l’issue du Congrès de Versailles, une Marseillaise vibrante et même émouvante fait se lever 925 députés et sénateurs, applaudissement à gauche comme à droite, à l’exception notable de François Fillon.

Point d’orgue du discours de François Hollande, une révision de la Constitution. L’article 16 sur les pleins pouvoirs et l’article 36 sur l’état de siège ne sont, selon lui, plus « adaptés », il souhaite « un outil approprié » qui permette des « mesures d’exception » « sans réduire les libertés publiques ».

Révision de la Constitution, déchéance de nationalité : Hollande tend la main à la droite, sans succès

Le chef de l’Etat tend également la main à la droite en reprenant une partie des mesures sécuritaires proposées par Les Républicains. Ses propositions : la déchéance de la nationalité des individus condamnés pour actes de terrorisme ou atteinte aux intérêts de la Nation, « même s’ils sont Français » ; l’interdiction de retour sur le territoire national pour les binationaux partis faire le djihad ; ou encore l’expulsion plus rapide des étrangers qui prêchent la haine.

A l’image de Bruno Retailleau, le patron du groupe LR du Sénat, la droite reste sceptique. « Dans sa tonalité, c’est un discours sécuritaire. Mais on attend de voir comment ça se traduit dans le texte », confie-t-il à Public Sénat.

Sébastien Huygues, à l’époque porte-parole des Républicains, déplore le retard pris par le gouvernement 10 mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher et « ne voit pas l’intérêt d’une réforme constitutionnelle ». A l’extrême droite, le sénateur FN David Rachline regrette que le chef de l’Etat n’emploie pas le mot « Islam radical. On ne nomme pas l’ennemi ». « On ne parle pas d’immigration » pointe-t-il.

Au sein du PS, « les frondeurs » font aussi entendre leur voix. Pouria Amirshahi, proche de Martine Aubry, s’oppose même à la prolongation de l’état d’urgence. « Deux jours, ça va. Trois mois, non », martèle-t-il. L’état d’urgence « sécuritaire » sera prolongé jusqu’au 1er novembre 2017 et bon nombre de ses dispositions rentreront dans notre droit commun.

Avant d’être enterrée, la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux va finir par fragmenter la gauche et affaiblir François Hollande. La garde des Sceaux, Christiane Taubira quittera le gouvernement début 2016 sur un « désaccord politique majeur ».

« Ce fut une erreur funeste », juge aujourd'hui, l’ancien ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve (AFP). « Dès lors qu'il y avait une incompréhension, une polémique, ce n'était pas une bonne initiative », concède six ans plus tard l’ex-président socialiste.

Pacte républicain contre le chômage

En cette fin d'année 2015, on trouve une dernière tentative d’union nationale au lendemain des élections régionales. Le Front national a réalisé un score historique. Le parti de Marine Le Pen arrive même en tête au premier tour dans six régions (Hauts-de-France, Bourgogne Franche-Comté, Grand Est, Centre-Val de Loire, Provence-Alpes Côte d’Azur et Occitanie). « Si on veut éviter que le Front national gagne la présidentielle, il faut baisser le chômage et c’est l’intérêt de tous », analyse l’ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. « Il nous faut, pour la fin du mois de janvier, un pacte républicain contre le chômage », lance le sénateur de la Vienne, appelant le Parti socialiste et les Républicains à travailler ensemble.

« Un pacte républicain pour l’emploi. Tous rassemblés pour en finir avec le chômage ! Ok avec Jean-Pierre Raffarin ! », lui répond sur Twitter, Manuel Valls.

Mais Jean-Pierre Raffarin est bien seul à tenir cette ligne au sein de son parti. « Faire des grandes photos de fraternité Hollande-Bertrand n’est pas la bonne réponse », cinglera même Bruno Le Maire, à l’époque membre de LR et surtout candidat à la primaire. Même son de cloche du côté d’Éric Ciotti, à l’époque secrétaire général adjoint de LR, pour qui « s’allier avec la gauche » c’est « tomber dans le piège tendu » par François Hollande.

Cette synthèse droite-gauche servira finalement d’axe de campagne à Emmanuel Macron pour la Présidentielle un an plus tard avec le résultat que l’on sait.

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