Au Parlement européen, les oppositions installent le match de la présidentielle avec Emmanuel Macron

Au Parlement européen, les oppositions installent le match de la présidentielle avec Emmanuel Macron

Le chef de l’Etat a défendu ses priorités pour la présidence française de l’UE devant les eurodéputés réunis à Strasbourg. Mais à trois mois de la présidentielle, l’exercice a pris un tour très politique. Les oppositions ont vivement attaqué son bilan.
Public Sénat

Par Jonathan Dupriez

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

Comme prévu, Emmanuel Macron a joué sa partition devant les eurodéputés réunis à Strasbourg. Etat de droit, souveraineté économique, culture, sujets migratoires, climat, rien na été oublié par le chef de lEtat. A loccasion dun discours dune vingtaine de minutes au Parlement européen pour définir ses chantiers prioritaires pour la présidence tournante lUE ces six prochains mois, le Président de la République a exhorté les Européens à davantage « daudace » pour que lUnion européenne saffirme comme une « puissance davenir », « souveraine » et quelle ne demande daucune autre puissance étrangère.


« Efforts créateurs »


« Tous ensemble, face à la tyrannie de lanecdote et des divisions entre Européens, nous avons à retrouver, le sens de lunité, le goût du temps long, au fond la nécessité de laudace » a-t-il appelé, en invoquant lun des pères fondateurs de lEurope. « Cest ce que Robert Schuman appelait le sens des 'efforts créateurs’ », qui ont, selon le président de la République, « fait notre Europe ».


« Nouvel ordre de sécurité »


Signe de ce volontarisme européen affiché, le chef de lEtat a plaidé pour un « nouvel ordre de sécurité » avec lOtan, face à la Russie et a défendu « un dialogue franc et exigeant » avec Moscou alors que les tensions avec les Occidentaux se sont multipliées ces derniers jours sur le dossier ukrainien. Ce « nouvel ordre de sécurité », Emmanuel Macron compte le bâtir « entre Européens » et le partager avec les alliés de lUnion, « dans le cadre de lOtan » avant toute négociation avec la Russie a-t-il expliqué aux parlementaires européens.


Environnement, droit à lavortement dans la charte des droits fondamentaux de lUE


Le chef de lEtat a également surpris par une autre annonce, sur le plan des « valeurs qui « font lunité » de lEurope. Au lendemain de l’élection de Roberta Metsola, Maltaise de 43 ans anti-IVG à la tête du Parlement européen, Emmanuel Macron a insisté pour « actualiser » la Charte des droits fondamentaux de lUE en y intégrant lenvironnement et le droit à lavortement.

Emmanuel Macron plaide ainsi pour que lEurope soit « plus explicite sur la protection de lenvironnement ou la reconnaissance du droit à lavortement » a-t-il expliqué, suscitant applaudissements dans lhémicycle strasbourgeois, unanimement attaché à ce droit fondamental, en dépit des convictions personnelles de la nouvelle présidente maltaise du Parlement européen.


Lyrisme

Mais au-delà de la feuille de route de la présidence tournante de lUE, Emmanuel Macron sest adonné à quelques envolées plus lyriques sur le sens de lidentité européenne « être européen cest vibrer de la même manière à lesprit romantique, cest aussi ensemble, avoir une civilité, une manière d’être au monde » a-t-il lancé. Une manière daffirmer haut et fort son attachement à lUnion européenne et de revendiquer son leadership en la matière à trois mois de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron a conclu par cette tirade : « Notre capacité à inventer un rêve possible, à le rendre tangible, à le faire réalité, à le rendre utile à nos concitoyens, est la clé de notre succès. »


« Cest un peu juste pour une puissance comme la France »


Mais cette indéniable capacité du chef de lEtat « à manier le verbe » na pas été au goût de tous dans lassistance.

Leurodéputée social-démocrate (S & D) Aurore Lalucq dit avoir trouvé la prise de parole extrêmement « longue et floue » notamment sur la capacité réelle du chef de lEtat à impulser une action dans le temps qui lui est imparti. « La France va juste faire passer un certain nombre de textes déjà dans les tuyaux » recadre-t-elle, regrettant que le chef de lEtat « tente de montrer que cest sa propre victoire. » « Cest un peu juste pour une puissance comme la France » souffle Aurore Lalucq pour qui lintervention dEmmanuel Macron manquait globalement de « précision. »


Les oppositions dans l’arène


Le discours dEmmanuel Macron terminé, les oppositions passent à loffensive, transformant peu à peu lhémicycle strasbourgeois en une arène politique. Les orateurs, principalement des eurodéputés français comme il lest de tradition lorsque leur pays prend la présidence tournante, sen sont donné à cœur joie pour critiquer le bilan du chef de lEtat tant sur lUE que sur des dossiers de politique intérieure, donnant un tour très politique à lexercice dordinaire plus feutré.


« Président de l’inaction climatique »


Cest Yannick Jadot qui a ouvert le bal. Seul eurodéputé candidat à l’élection présidentielle, le parlementaire écologiste a étrillé le chef de lEtat sur la question du réchauffement climatique. « Vous avez incontestablement fait un beau discours » a-t-il ironisé avant daccabler Emmanuel Macron sur son bilan en matière de lutte contre le réchauffement climatique. « Vous resterez dans lhistoire Monsieur le Président de la République, le Président de linaction climatique » a-t-il taclé, reprochant au Président de la République d’être un « climato-arrangeant » qui « signe des armistices avec les lobbys » et « procrastine » plutôt que de « décréter la mobilisation générale » sur la question.


« Ici, ce nest pas la campagne présidentielle française »


Yannick Jadot est rappelé à lordre par la présidente du Parlement européen pour non-respect du temps de parole. De leur côté, les sociaux-démocrates et surtout les macronistes montent au créneau. « Quelle honte de transformer cet hémicycle en Assemblée nationale ! » s’agace alors Stéphane Séjourné, chef de file des eurodéputés Renew Europe et intime du chef de lEtat. « Ce nest pas respectueux ni de ce que sont les parlementaires ici, ni de notre travail, ni du débat. »

« Je vous rappelle qu’ici ce n’est pas la campagne présidentielle française », a fini par tonner la nouvelle présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.


« Diviseur de la France »


Sans surprise, dautres ont pourtant emboîté le pas à Yannick Jadot, comme leurodéputé dextrême droite Jordan Bardella. Sur un ton offensif, le président du RN par intérim a interpellé Emmanuel Macron : « Comment pouvez-vous vous prétendre aujourdhui rassembleur de l’Europe, alors que vous aurez été jusquau bout le diviseur de la France ? »

« Votre projet politique a pour but deffacer les nations dEurope, le nôtre de les sauver » a ensuite critiqué le jeune eurodéputé, proche de Marine Le Pen. « Il faut déconstruire lhistoire de France aviez-vous déclaré, on comprend votre enthousiasme d’être aujourdhui à la tête dune institution qui sest donnée pour objectif la dissolution de lEurope millénaire » a renchéri l’ancien candidat francilien aux élections régionales.

me tonalité très offensive du côté du côté de la France insoumise. Manon Aubry, proche de Jean-Luc Mélenchon a fait observer au chef de lEtat que « la présidence française ne devrait pas être un marchepied électoral. »


« Vous avez souvent menti »

De son côté, François-Xavier Bellamy, eurodéputé de droite, a dénoncé « lobsession de communication » dEmmanuel Macron et ses « grandes promesses européennes » auxquelles « personne ne croit vraiment. » Pour ce soutien de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle, le calendrier de la présidence française de lUE « cautionné » par le chef de lEtat « servira plus la campagne présidentielle que laction européenne. »

« Vous avez, pardon de le dire, souvent menti », a même osé François-Xavier Bellamy en référence aux engagements pris par le chef de lEtat en matière de flux migratoires, d’énergie ou didentité européenne.


Emmanuel Macron dans larène à son tour

Sous les coups de boutoir répétés de lopposition, Emmanuel Macron sest résolu à entrer à son tour dans larène politique. Réponse à Jordan Bardella : « Vous avez très méthodiquement dit nimporte quoi », a ironisé le chef de l’Etat à son sujet. « Cela mérite une forme de respect » a-t-il ajouté, persifleur, provoquant lhilarité du groupe centriste.

Au plus offensif, Yannick Jadot, Emmanuel Macron lui a réservé une réponse particulière, sous forme de leçon de choses au style direct : « Il faut être très précis sur les sujets, la mobilisation générale on est tous d’accord, mais comment ? » Sur l’agenda climatique en Europe, « la France a été aux avant-postes de cette stratégie, vous ne pouvez pas le nier, ou vous mentiriez » a tranché le chef de lEtat se payant, au passage, le luxe de renvoyer Yannick Jadot aux travaux du Giec sur les limites techniques des énergies renouvelables en matière de stockage.


« Jeu de dupes »


Dans un pas de deux presque chorégraphié entre les oppositions et le Président de la République, la campagne présidentielle sest bel et bien invitée au Parlement européen ce mercredi. « En fait, c’était un jeu de dupes » sume Aurore Lalucq. « Emmanuel Macron en a profité, mais les oppositions aussi » ajoute-t-elle, déplorant que cette piètre tenue des débats ne se fasse sur le dos des sujets européens de fond. Du reste, Emmanuel Macron n’est toujours pas officiellement candidat à sa réélection.

Dans la même thématique

Formulaire de demande de RSA (Revenu de solidarite active), allocation assurant aux personnes sans ressources un revenu minimum variable selon la composition du foyer
7min

Politique

Assurance-chômage : quand le candidat Macron promettait une « assurance-chômage pour tous » en 2017

« Oui, il y aura une réforme de l’assurance-chômage cette année », a annoncé le Premier ministre, ce mercredi 27 mars, chez nos confrères de TF1. Troisième réforme en la matière depuis l’élection du Président de la République, ses conditions ont largement été durcies en sept ans… loin de la promesse du candidat Macron qui proposait de faire de l’assurance-chômage, un droit « universel ».

Le

French PM gathers the government for a seminar on work
10min

Politique

Réforme de l’assurance chômage : « Depuis 2017, les partenaires sociaux se sont fait balader et avec Gabriel Attal, ça sera la même chose »

La nouvelle réforme de l’assurance chômage que prépare le gouvernement passe mal chez les sénateurs. « On a dévoyé la gouvernance de l’assurance chômage », dénonce la sénatrice LR Frédérique Puissat, qui défend le rôle des syndicats et du patronat. « Attaché » aussi au paritarisme, le centriste Olivier Henno, « comprend » en revanche l’idée de réduire la durée des indemnisations. Quant à la socialiste Monique Lubin, elle se dit « atterrée » que le gouvernement relaye « cette espèce de légende selon laquelle les gens profiteraient du chômage ».

Le