Au procès Karachi, la défense plaide la relaxe en rangs serrés
Des poursuites "prescrites" et des accusations sans "preuve": face aux peines "féroces" requises par le parquet de Paris, les avocats de la...

Au procès Karachi, la défense plaide la relaxe en rangs serrés

Des poursuites "prescrites" et des accusations sans "preuve": face aux peines "féroces" requises par le parquet de Paris, les avocats de la...
Public Sénat

Par Juliette MONTESSE

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Des poursuites "prescrites" et des accusations sans "preuve": face aux peines "féroces" requises par le parquet de Paris, les avocats de la défense au procès du volet financier de l'affaire Karachi ont tous plaidé la relaxe de leurs clients, dont l'intermédiaire Ziad Takieddine.

Le tribunal correctionnel, qui jugeait six hommes depuis le 7 octobre, rendra sa décision le 22 avril.

Pour l'accusation, les pots-de-vin, alors légaux, versés à des intermédiaires pour des contrats d'armement signés en 1994 avec l'Arabie Saoudite (Sawari II) et le Pakistan (Agosta) ont donné lieu à des rétrocommissions illégales qui ont contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d'Edouard Balladur en 1995.

Mais pour la défense, le parquet, en requérant des peines de prison ferme -- notamment cinq ans contre Ziad Takieddine et trois ans contre les anciens politiques Nicolas Bazire et Renaud Donnedieu de Vabres --, n'a pas apporté de démonstration convaincante.

Les avocats, qui ont plaidé mardi et mercredi, sont sur la même longueur d'ondes: il n'y a pas eu de financement politique par le biais de rétrocommissions. L'avocate de Ziad Takieddine, Elise Arfi, a rappelé que son client, qui avait pendant l'enquête évoqué des remises d'argent en lien avec un financement politique, s'était "rétracté".

Ils considèrent d'abord que le dossier est prescrit en raison de l'inertie du parquet pendant de longues années - c'est une plainte des victimes de l'attentat de Karachi, commis en 2002, qui avait mené à ce procès.

"Le temps qui passe, c'est de l'inaction volontaire du ministère public, donc la prescription doit être constatée", a résumé Alexis Gublin, qui défend Dominique Castellan, ancien patron de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI).

Il est reproché aux prévenus d'avoir floué la DCNI, qui vendait des sous-marins au Pakistan, et la Sofresa, qui vendait des frégates à l'Arabie Saoudite.

Selon les procureurs, le pouvoir politique a imposé à la DCNI et la Sofresa des intermédiaires --le "réseau K"-- pourtant "inutiles" dans ces contrats. Avec un "intérêt": faire revenir une petite partie des commissions versées à ce réseau vers les comptes de la campagne Balladur.

Dans ce dossier symbole d'un temps révolu où la corruption d'agent public étranger était permise, la défense appelle le tribunal à "faire du droit" contre la "morale".

- "Pièce de théâtre" -

Les avocats soulignent la particularité de cette affaire d'abus de biens sociaux, recel et complicité: il faut prouver le délit principal, sinon les infractions liées s'effondrent et le dossier avec.

Seul M. Castellan est poursuivi pour abus de biens sociaux. L'ancien patron de la Sofresa est décédé, et les autres prévenus sont poursuivis pour recel ou complicité.

A rebours du parquet, la défense insiste sur l'"utilité" du réseau dont faisait partie Ziad Takieddine, et sur le fait que les contrats Agosta et Sawari II ont bien été "signés" grâce à sa contribution.

Au Pakistan, un haut dignitaire, Asif Ali Zardari, avait perçu des commissions importantes du "réseau K". "Si mon objectif est de corrompre, si le réseau fait passer 60 millions de francs à un responsable politique, si j'ai le contrat, en quoi le réseau est-il inutile ?" a souligné Alexis Gublin.

Olivier Morice, avocat des familles des victimes de l'attentat de Karachi en 2002, arrivant au tribunal le 7 octobvre 2019, au premier jour du procès sur le financement de la campagne présidentielle de Balladur en 1995
Olivier Morice, avocat des familles des victimes de l'attentat de Karachi en 2002, arrivant au tribunal le 7 octobvre 2019, au premier jour du procès sur le financement de la campagne présidentielle de Balladur en 1995
AFP

En outre, les poursuites ne tiennent pas s'agissant des contrats saoudiens, puisque le patron de la Sofresa est décédé, a soutenu Hervé Temime, l'un des avocats de Nicolas Bazire, alors directeur de cabinet d'Edouard Balladur à Matignon puis son directeur de campagne.

Tous pointent une affaire sans "preuves" menée dès le départ "au service d'une conviction" par le juge Renaud Van Ruymbeke.

Le parquet a considéré lundi que rien ne prouvait que Thierry Gaubert, alors au ministère du Budget, ait fait office de "mule" pour transporter 10 millions de francs vers le compte de la campagne Balladur en 1995.

"On avait besoin de M. Gaubert pour faire le lien entre la France et la Suisse", a critiqué son avocat, François Esclatine.

Des cinq prévenus présents, seul M. Takieddine à tenu à prendre la parole en dernier. Il a comparé, dans une longue digression, cette affaire à "une pièce de théâtre".

MM. Balladur et Léotard seront jugés ultérieurement par la Cour de justice de la République.

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