Au Zénith de Paris, Valérie Pécresse tente de faire oublier une semaine houleuse

Au Zénith de Paris, Valérie Pécresse tente de faire oublier une semaine houleuse

La candidate LR, Valérie Pécresse, tenait dimanche son premier grand meeting de campagne à Paris. Une salle comble et des militants survoltés pour tenter de faire oublier les ralliements des derniers jours à Emmanuel Macron.
Romain David

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« Aujourd’hui, le pari est réussi parce que nous sommes complets ! », lâche le chauffeur de salle devant les 7 000 militants massés au Zénith de Paris, sur les bords du canal de l’Ourcq. Les hourras saluent l’annonce. Valérie Pécresse peut souffler : son meeting du 13 février fait salle comble, au terme pourtant d’une semaine plutôt compliquée pour la droite. Après le ralliement de l’ex-numéro deux du parti, Guillaume Peltier, à Éric Zemmour en janvier, c’est en direction du camp macroniste que la fuite des cerveaux s’est accélérée ces derniers jours. Avec les ralliements d’Éric Woerth, ancien ministre du Budget et président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, de Catherine Vautrin, ancienne ministre à la Cohésion sociale de Jacques Chirac et présidente de la communauté urbaine du Grand Reims, de Natacha Bouchart, la maire LR de Calais, ou encore de Nora Berra, qui fut secrétaire d’État sous Nicolas Sarkozy. Des débauchages dont la droite cherche à minimiser l’impact sur la campagne, mais qui trahissent un certain climat. À un peu moins de 60 jours du scrutin présidentiel, Valérie Pécresse ne parvient toujours pas à distancer dans les enquêtes d’opinion ses deux concurrents d’extrême droite, Marine Le Pen et Éric Zemmour, et ainsi à confirmer sa place au second tour face à Emmanuel Macron.

La démonstration de force de dimanche ferait presque oublier cette mauvaise passe. Pour pouvoir accueillir la foule, il a fallu ouvrir une seconde salle, au « Cabaret Sauvage », de l’autre côté du canal, où les sympathisants pourront suivre à distance le discours de Valérie Pécresse. « Êtes-vous prêt à envoyer une femme à l’Elysée ? », lance encore notre ambianceur. Nouvelle clameur dans la salle du Zénith ; une vague de drapeaux tricolores oscille au-dessus des travées. Aux platines, une autre Valérie, DJ, s’assure au son de Queen, Calvin Harris, Abba ou encore Bon Entendeur que la ferveur ne retombe pas. La candidate LR finit enfin par faire son apparition vers 15h30. Placés aux premiers rangs, les jeunes « rép », t-shirt blanc logotés à l’image de leur championne, s’égosillent sur son passage, au milieu d’une meute de journalistes. « Demain, je n’aurai plus de voix pour mes oraux », glisse un étudiant.

» Lire notre article sur la semaine (mouvementée) des LR : Avant son meeting au Zénith, « Macron veut affaiblir Pécresse car il sait que le sujet, c’est un second tour face à elle »

Seule en scène

En décembre dernier, le contexte sanitaire avait privé Les Républicains du rassemblement qu’ils souhaitaient organiser porte de Versailles pour lancer la campagne de la candidate fraîchement investie. Deux mois plus tard, la large victoire de Valérie Pécresse au congrès LR semble déjà loin. Et le grand raout de ce dimanche répond désormais à une double urgence : faire (enfin) décoller le second étage de la fusée, et prouver que l’unité n’a pas commencé à se lézarder autour d’elle, qu’elle est toujours capable d’opérer la synthèse entre les tenants d’une aile identitaire, qui ne sont pas indifférents au discours d’Éric Zemmour, et un centre-droit qui se trouve de nombreux points communs avec la politique du président sortant.

Sur scène, Valérie Pécresse prend la parole devant un immense fond tricolore. Contrairement à l’usage, ses soutiens - en tête desquels les quatre candidats malheureux du congrès de décembre - n’ont pas fait de discours, et se sont contentés de brèves prises de parole au milieu des militants ou sous la forme de vidéos diffusées sur deux grands écrans géants. L’objectif est clair : concentrer l’attention sur la candidate, et sur elle seule. Derrière son pupitre, elle décline les mesures phares du programme : hausse des salaires et des retraites, mise en place de quotas migratoires, choc de simplification administrative, investissement en faveur des territoires ruraux, extension du pouvoir des maires, etc. Elle cite Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy – grand absent, dont le soutien se fait toujours attendre – et même François Fillon. À plusieurs reprises, la voix manque de s’érailler. Une gorgée d’eau, et le débit, quelque peu sentencieux, repart.

La seule ombre au tableau reste cette banderole blanche apparue brièvement au milieu du public, alors que la présidente de la Région Île-de-France vient d’entamer son discours : « Pécresse islamo-droitarde ». Les contestataires sont aussitôt évacués par le service d’ordre. « Ça, c’est un coup de Zemmour ! », estime un sympathisant LR. Un peu plus tard, l’intrusion est revendiquée sur Instagram, vidéos à l’appui, par le collectif « féministe, identitaire et anticonformiste » Némésis.

Aurélien Pradié : "Valérie Pécresse trace un vrai chemin d'espoir"
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« J’accuse Emmanuel Macron »

« Pas de fatalité, ni au grand déclassement, ni au grand remplacement », a lancé Valérie Pécresse. Visant ainsi, sans le nommer, Éric Zemmour. Mais le président de la République est le seul adversaire clairement identifié dans son discours. « J’accuse Emmanuel Macron… » À grand renfort d’anaphores, la figure de style favorite des candidats à l’Elysée, elle cible notamment « la question des banlieues », « le délabrement de la justice », « la présidence verticale », mais aussi un manque d’ambition sur le plan culturel et les atermoiements autour du nucléaire.

Pour faire oublier l’inquiétante stagnation de sa candidate dans les sondages, LR veut donc à tout prix installer le storytelling d’un duel au second tour entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron. Car le risque, avec trois candidats dans un mouchoir de poche, serait de voir la campagne du premier tour se transformer en une primaire officieuse de la droite (et de l’extrême droite). Un phénomène somme toute assez courant dans l’histoire de la présidentielle, mais qui a laissé sur le carreau quelques favoris… « C’est aussi le rôle d’une campagne de premier tour. En 1974, vous avez eu une primaire arbitrée par les sondages entre Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d'Estaing, en 1995 c’était entre Jacques Chirac et Édouard Balladur », rappelle Frédéric Micheau, directeur général adjoint de Opinionway, et auteur de Le sacre de l’opinion - Une histoire de la présidentielle et des sondages aux éditions du Cerf.

» Lire notre article : À deux mois de la présidentielle, quel crédit accorder aux sondages ?

« Ce qui compte ce sont les Français, pas quelques prises de guéguerre »

« Ce qui manque à Valérie Pécresse pour assurer sa place au second tour ? Quelques semaines de campagne », sourit le député Aurélien Pradié, secrétaire général des Républicains. « La campagne se jugera jusqu’à la dernière seconde, au moment de la fermeture des bureaux de vote », abonde Éric Ciotti. « Il y a encore deux mois de rencontre avec les Français, deux mois de vérité, là où le président veut voler l’élection en faisant campagne avec les moyens de l’État », ajoute-t-il. Le terrain, voilà ce qui permettra à la candidate de faire la différence, assure Bruno Retailleau, le chef de file de la droite sénatoriale : « Valérie Pécresse a rassemblé beaucoup mieux que François Fillon il y a cinq ans. Il faut le dire. Maintenant il faut qu’elle se fasse connaître, qu’elle donne du sens, à la vision de la France dans laquelle elle souhaite projeter les Français. C’est ça, le défi des deux prochains mois », explique-t-il à Public Sénat.

"Valérie Pécresse a rassemblé beaucoup mieux que François Fillon", salue Bruno Retailleau
02:15

Quant aux défections, ce filloniste refuse de s’y attarder. « C’est la chronique des faiblesses humaines, à chaque campagne électorale. Mais les Français veulent avoir des solutions pour que la France reste la France et que l’on puisse répondre aux angoisses de l’appauvrissement et du déclassement », martèle Bruno Retailleau. « Les ralliements ne font pas le programme. Ils prouvent la fébrilité de l’Elysée. Derrière cela, il y a Thierry Solère (ancien LR, devenu conseiller politique d’Emmanuel Macron) qui est 24 heures sur 24 à harceler les personnes pour qu’elles rallient Emmanuel Macron », accuse pour sa part la sénatrice Valérie Boyer. « Ce qui compte, ce sont les Français, pas quelques prises de guéguerre, des tableaux de chasse d’arrière-cuisine électorale. »

Valérie Boyer : "Les ralliements ne font pas le programme"
03:37

Le creux des sondages, les ralliements aux camps adverses, les militants non plus ne s’en soucient guère. Ils refusent en tout cas d’y voir un signe d’érosion. « Je n’en ai rien à faire », grommelle Etienne, croisé dans une allée. « Valérie Pécresse ne travaille pas pour les sondages, elle travaille pour la France ! » « Les ralliements ne sont pas inquiétants. Et s’il y en a d’autres, le parti saura y faire face », veut rassurer un militant assis dans les premiers rangs. « Valérie Pécresse va continuer son chemin, elle a suffisamment d’arguments pour faire une très belle campagne et battre Emmanuel Macron », argue une autre électrice.

On l’aura compris, ce dimanche, l’heure est à l’unité avant tout. Comme en témoigne la présence, au premier rang, de Rachida Dati, tout sourire. Trois jours plus tôt, la maire du VIIe arrondissement de Paris tançait pourtant violemment sur franceinfo Patrick Stefanini, le directeur de campagne de Valérie Pécresse, qualifié de tour à tour de « looser » et de « déserteur ».

Un moment de dévoilement… un peu trop travaillé ?

À la fin de son discours, Valérie Pécresse a tenté de fendre l’armure. « Vous êtes en droit de savoir qui je suis », explique-t-elle. Elle tente de nuancer l’image de première de la classe qui lui colle à la peau, évoque le harcèlement et les menaces lorsque, ministre de Nicolas Sarkozy, elle a défendu la réforme de l’autonomie des universités. Mais aussi « le temps de la défaite, des doutes, des questionnements », après 2012. Léger moment de flottement dans la salle… La candidate a beau évoquer son grand-père psychiatre, l’exercice d’introspection auquel elle se livre semble manquer quelque peu de spontanéité. Elle-même le concède : « Ma famille a reçu des coups, d’une rare violence, qui m’étaient destiné. Ces cicatrices, je ne vous en parlerai pas car elles n’appartiennent qu’à moi et aux miens. Avec cette pudeur, je ne transigerai pas. »

La rumeur se répand : ennuyés, plusieurs dizaines de militants n’auraient pas attendu la fin de son allocution pour partir. Une ferveur en trompe-l’œil ? « C’était un beau et grand discours ! Même avec beaucoup de mauvaise foi, il serait difficile de prétendre le contraire », balaye Éric Ciotti. Reste à voir si la dynamique suivra.

"Le seul chemin pour battre Macron, c'est le vote Pécresse", assure Ciotti
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